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Le blog de Michel BERNARD

Le chemin de Stevenson, un voyage vers l'essentiel.

9 Juin 2025 , Rédigé par Michel BERNARD

« Je ne voyage pas pour aller quelque part mais pour voyager, je voyage pour le plaisir du voyage, l’essentiel est de bouger, d’éprouver d’un peu plus près les nécessités et les aléas de la vie… » Robert Louis Stevenson

Je viens de parcourir une bonne moitié du chemin de Stevenson (1) avec mon fils et avec la grâce d’une météo ensoleillée et d’un ciel souvent bleu. Ce qui n’est pas le lot de tous les randonneurs qui peuvent faire face couramment à des averses, du froid en altitude ou encore des coups de vent comme au sommet du mont Lozère. Je désire simplement vous partager cinq pépites sur les traces de l’écrivain écossais, Robert Louis Stevenson.

Première pépite : l’immersion sensorielle verte. Pendant une semaine, nous avons traversé des forêts de chênes, de

châtaigniers, de pins, de hêtres, de peupliers de frênes et quelques villages isolés. Souvent, nous avions une vue panoramique constituée uniquement de collines vertes agrémentées de dentelle de genêt jaune sans l’ombre d’une moindre habitation et encore moins de béton. Et ce vert nature apaise immédiatement le mental avec une immersion de tous les sens : la vue de panoramas larges et doux en Lozère, l’ouïe avec l’écoute des oiseaux, au matin après la rosée, le senti des odeurs de sous-bois, des résines de pins et le goût…avec la fameuse confiture de châtaigne ! J’ai aussi pratiqué un exercice proposé par Lisa Garnier, (2) écologue et naturaliste : « Retenir dans sa mémoire chaque jour trois choses positives vues dans la nature ». Une manière de bonifier le soir cette immersion en revisitant le chemin menant au mont Lozère, dôme arrondi tout dégarni avec un âne au col Finiels ; la plongée sur le village du Pont de Montvert niché à son pied, ou encore la rivière rafraichissante en bas du gîte les copains à bord…

Deuxième pépite : le goûter et le ressenti dans l’instant. Dans l’inspiration du père fondateur des Jésuites, Saint Ignace de Loyola, j’ai pratiqué sa conviction profonde : «  Ce n’est pas d’en savoir beaucoup qui rassasie et satisfait l’âme mais de sentir et de goûter intérieurement les choses ». Ce « goûter » se vit vraiment dans le pas à pas du marcheur chaque jour parti sur une distance d’environ 20 kilomètres. Point de recherche de performance. Traverser à gué une rivière, observer la beauté du viaduc de Mirandole tout en courbe, être accueilli par des hôtes chaleureux au gîte…Et aussi, déposer son sac à dos d’environ 10 kilos le soir, c’est goûter un bon soulagement du dos et des épaules. Cette expérience se vit avec la suppression de nos compagnons numériques : ordinateur, tablette ou smartphone. Ce dernier était activé  uniquement à l’arrivé à l’étape essentiellement pour tenir au courant nos proches sans plus…

Troisième pépite : un sens, une direction tous les jours ! Avec un itinéraire repéré en avance et les réservations en gîte d’étape confirmées, chaque jour, nous savions clairement d’où nous partions et où nous devions arriver à l’issue de l’étape. Ainsi, marcher sur un itinéraire balisé avec soin en blanc et rouge ( GR 70), offrait chaque jour une direction , un cap à suivre. Inutile de chercher un Sens à nos vies durant cette semaine : il s’imposait de lui-même. Avoir ce cap journalier était très stimulant et évitait de gamberger, le cerveau envahi d’idées foisonnantes. La marche apaise et donne cette direction, colonne vertébrale du marcheur.

Quatrième pépite : l’inattendu des rencontres authentiques. Environ 18 000 personnes fréquentent chaque année le chemin de Stevenson avec une fréquentation toujours en hausse. Un couple écossais, Jimmy toujours un sourire aux lèvres et Joyce, la traductrice car professeur de français, marchaient côte à côte avec un rythme très régulier pour des personnes de plus de 70 ans. Deux copines très vivantes, Nadine et Babette qui, après le repas collectif dans notre gîte, nous ont proposé de découvrir le jeu du Punto, facile à emporter car pas plus gros qu’un jeu de cartes. Sandra partie seule et déterminée pour terminer en fin de semaine car elle reprenait son travail dès le lundi. Christophe, originaire de la région parisienne, marcheur infatigable ayant réalisé une étape de plus de 30 kilomètres, en surpression dans son travail professionnel et à la recherche d’un « second souffle » sur le chemin de Stevenson…Ian et Mike deux anglais découvreurs du chemin et bien d’autres…Un point commun à tous : nous marchons d’une étape à une autre sur le même chemin. L’étiquette professionnelle, sociale n’a plus de raison d’être. En particulier, le soir, au repas collectif au gîte d’étape, j’ai le souvenir d’échange même profond tout en restant simple parlant de nos passions sportives et culturelles jusqu’ à des sujets « plus graves » comme la crise écologique qui ne laisse personne indifférent. Et souvent l’apéritif au kir de châtaigne offert par nos hôtes avait la grande vertu de délier les langues pour tout le reste du repas.

Cinquième pépite : la générosité et la simplicité de l’âme cévenole. Pourtant cette terre a été lourdement marquée

par les luttes sanglantes au XVIIème siècle entre protestants et catholiques suite à la décision de Louis XIV (3). Au XXIème siècle, ces épisodes sont restés dans la mémoire collective même si la cohabitation protestants catholiques est globalement une réalité pacifiée. Chaque village possède d’un côté son église souvent plus haute et d’un autre côté, son temple. Une illustration de la générosité de l’âme cévenole. Nous croisons un petit kiosque de confiture « égaré dans la nature » sans vendeur. Seul un petit écriteau signalait la procédure : choisir son produit et mettre son règlement dans une boîte en bois. Et cela fonctionne ou comment la confiance est contagieuse. Simplicité des villageois souvent heureux de voir passer des randonneurs dans un pays peu peuplé. Les hôtes des gites d’étape symbolisent bien cette générosité. Ils ont le souci de nous loger dans des chambres personnalisées comme par exemple à Pont de Montvert, cœur du voyage, où la gérante de l’auberge des cévennes a posé des panneaux de citation dans toutes les pièces de vie et les chambres. Une parmi d’autres : « On rêve trop souvent les yeux fermés, il faudrait plus souvent rêver les yeux ouverts » Mike Horn, explorateur de l’extrême.

Près de 150 ans après le voyage inaugural de Robert Louis Stevenson en 1878, j’ai vécu les yeux ouverts un retour à l’essentiel loin des médias, des outils numériques, et en connexion plus intime avec Dame Nature, mon fils et les autres marcheurs. Un retour vers l’essentiel…

Au milieu d’un champ,

De boutons d’or, je m’assieds ;

J’observe le vent.

  1. Robert Louis Stevenson avec une ânesse nommée Modestine a effectué en 1878 le parcours depuis le Puy jusqu’à’ Alès. Il est devenu célèbre avec la publication de l’île au trésor et de Docteur Hyde et de Mister Jekyll. Il a été un pionnier des écrivains aventuriers du voyage et a terminé sa vie aux îles Samoa.

 

  1. Dans son ouvrage « psychologie positive et écologie. ». Actes Sud.

 

  1.  Louis XIV, avec la révocation de l’édit de Nantes en 1685, a interdit aux protestants l’exercice libre de leur culte. Cependant, nombreux dans les cévennes ; ils ont résisté et organisé des célébrations cultuelles en extérieur appelées assemblées du désert. Ils vont être sévèrement condamnés et tués et en riposte, ils s’en prendront à des catholiques. Le village du Pont de Montvert préserve cette mémoire des camisards, protestants de la résistance.
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