Poser un regard artistique sur les objets du quotidien : une expérience étonnante
Poser un regard artistique sur les objets du quotidien :
une expérience étonnante !
" S'il vous plait, quand vous présentez votre objet, éviter de justifier votre choix, entrer directement en contact avec votre objet, mettez vous en action avec lui." Et voilà qu'un des participants de l'expérience s'avance et avec une pomme de pain la palpe dans ses mains, fait entendre sa musique, une participante se drappe avec élégance dans un châle bleu ou encore une autre prenant dans sa main une chaussure stylisée de femme, la fait bouger et marcher toute seule. De quoi s'agit-il ?
Non pas de magie noire, mais d'un atelier d'adultes, une trentaine réunis autour d'animatrices artistiques, l'une étant musicienne et l'autre comédienne à l'occasion du congrès d'une association. Théme de l'atelier : quel regard artistique posons nous sur les objets de notre quotidien ?
Moi-même participant, je fus d'abord assez déconcerté en découvrant la salle à mon arrivée : une forme de vide-grenier avec des objets les plus hétéroclites éparpillés sur le sol : du chandelier sans bougie, en passant par un vieux sac en cuir usé de voyage, des vases de taille , de couleur et de forme variés, un livre bleu, et même une canne à l'ancienne ...
Premier temps : chacun prend le temps d'observer puis choisit, en silence, un objet. Etonnement : sur 30 participants, pas de crise de jalousie, personne ne revendique l'objet d'un autre.
Deuxième temps : chacun est invité à se lever pour présenter aux autres l'objet choisi de préférence en le mettant en action.
Pour ma part, j'ai choisi le vieux sac en cuir qui m'inspire le voyage : je le remplit donc des objets restants au centre de la pièce puis je pars en voyage. Dans ma mémoire, je pense au cuir, au premier cartable que mon grand père m'avait offert en m'emmenant avec sa "4 chevaux" à la grande ville. Souvenir, souvenir !
Puis, chacun ayant présenté à sa manière son objet, une participante a même souflfé dans l'arrosoir comme dans un clairon, nous sommes invités à nous regrouper par trois avec nos objets pour créer une "mise en commun". Décidément, l'imagination est au pouvoir : l'un avec sa plaque de rue dénommée " rue du chêne" propose que je la cherche avec mon gros sac en cuir usé et la troisième participante avec son chandelier est là pour m'éclairer.
Et tout çà dans une fluidité étonnante. Quand c'est notre tour, je me sens très à l'aise pour jouer le voyageur perdu qui cherche sa rue, passe devant sans la voir, interpelle finalement la femme au chandelier sans bougies qui me donne l'éclairage sur la rue. Soulagement, je ne suis plus perdu, j'ai trouvé mon chemin !
Enfin, l'apothéose : le temps final où tout le groupe va déposer son objet à tour de rôle....et la magie opère : du vide grenier de départ, une forme d'harmonie se dessine dans le placement des objets. Un escarpin est même plaçé en équilibre sur un livre ouvert. Une carte de ville est posée sur le vieux sac en cuir et le châle bleu donne de la douceur à l'ensemble...
Nos animatrices nous demandent alors notre ressenti, ce que nous pensons de l'expérience.
Etonnement de la plupart des participants d'avoir réussi une " oeuvre collective spontanée" pas si mal que çà, et même esthétique selon l'avis de plusieurs. Pour le lecteur qui découvre les images de l'atelier, il pourra lui-même être surpris car ne voyant pas forcément une grande différence entre la première image de vide-grenier et la dernière.
Pourtant, cette expérience m'a vraiment touché par plusieurs dimensions cachées.
La première, c'est que nous n'avons pas forcément besoin de mots pour vraiment nous comprendre quand le désir est premier pour réaliser quelque chose ensemble. Le silence ( avec musique de fond) a été un soutien pour beaucoup pour vivre intérieurement l'expérience. Quel sens ?
Certains, dont je fait partie , ont reconnu que le fait que chaque objet ait été présenté et manipulé par une personnne, lui a conféré une valeur, une saveur, une histoire et que la réalisation finale vibre de cette histoire, du fait que chaque objet renvoie à une personne, à un agir. Le sens est donc donné par l'homme qui s'approprie l'objet. Sans la main de l'homme, l'objet n'a pas de sens !
C'est alors que nous avons pris conscience, pour beaucoup, de la beauté des objets en eux mêmes , tous imprégnés de ceux qui les avaient fait vivre. Le châle tourbillonnant, le beau livre bleu relié, l'escarpin très fin en équilibre sur le livre et le chandelier très sobre à côté du sac du voyageur dont la beauté tient à l'usure de son cuir et à son naturel. Ah, si ce sac pouvait parler, il nous en raconterait des histoires..
L'expérience, au dire même de l'animatrice comédienne, l'a vraiment subjuguée par l'oser de chacun à rentrer sans à priori dans la démarche.
Une autre réalité, plus subtile aussi peut être entendue : cet atelier, avec des membres qui ne se connaissaient pas au départ, a révélé de la confiance liée aussi à l'esprit associatif et éthique fort liant ses membres. Que donnerait la même expérience dans un cadre professionnel ?
Maintenant, je sais qu'en prenant un objet chez moi, je peux lui donner du sens, du goût . Inutile de chercher toujours plus des objets de consommation : ouvrons notre regard sur ces objets "immortels" de notre quotidien : une table, des chaises, un ornement, des couverts, un fauteuil, un ordinateur... Posons un regard sans jugement, simplement un regard qui prend son temps. C'est aussi se relier aux objets par les sens : toucher le revêtement d'un fauteuil, sentir l'odeur du pain grillé dans le grille-pain, entendre le bruit du feu sous la poêlle. Aurions nous perdu, par conditionnement lié à notre encombrement technologique, ce regard qui voit le beau, voit les choses avec un regard neuf, et qui peut voir l'art , non seulement dans les galeries de peinture, mais chez soi en contemplant ces objets du quotidien ?
Demain, promis, j'explore ma salle à manger et je pose mon regard " artistique " sur le premier objet qui appelle mon attention.
Et si ce regard sur les objets se déplace sur les femmes et hommes que je côtoye au quotidien. Poser un regard artistique sur l'autre, c'est peut être prendre le temps de poser ce regard en l'autre sans nécessairement y greffer une parole, se relier, et voir ce qui se passe.
Ces constats rejoignent aussi ceux du professeur américain Mehrabian (1) qui constatait que près de 93 % de notre communication et de son impact passe par le non verbal ( dont 55% par la posture et l'expression du visage).
Cette expérience inhabituelle nous a sorti du langage habituel des mots, de l'argumentation pour nous faire entrer, avec l'appui du silence, dans le paysage sensoriel, celui des sens, le toucher, l'ouie, la vue et le ressenti. Un grand spirituel , Saint Ignace de Loyola indiquait déjà la valeur de cette voie au XVIème siècle en affirmant avec conviction dans ses exercices dits spirituels :
" Ce n'est pas d'en savoir beaucoup qui rassasie et satisfait l'âme
mais de sentir et de goûter les choses intérieurement".
(1) voir article sur ce blog : " L'empathie, une valeur qui remonte par temps de crise".
un apprentissage de la sérénité : un puits pour boire une eau fraîche
" Je me suis levé, j'ai bu un verre d'eau, et j'ai prié jusqu'à l'aube. C'était comme un grand murmure de l'âme. Cela me faisait penser à l'immense rumeur des feuillages qui précède le lever du jour. Quel jour va se lever en moi ?" Georges Bernanos, Journal d'un curé de campagne.
Cette citation en prologue de l'ouvrage de Christophe André " Les états d'âme : un apprentissage de la sérénité" est une belle ouverture sur le chemin que nous ouvre ce médecin psychiatre parisien déjà auteur de nombreux ouvrages médiatisés.
Les chapîtres résonnent comme la voie douce et délicate de Christophe André et nous entrainent sur des chemins très variés : douleurs et douceurs des états d'âme, le calme et l'énergie, deux facteurs importants de sérénité intérieure, guérir de la maladie matérialiste, compassion, auto compassion et force de la douceur pour conclure sur les sagesses du monde.
De ce parcours très vallonné au coeur de l'âme humaine pour y discerner des lumières vers la sérénité, une quête permanente de l'homme, je retiens notamment deux axes parmi d'autres : la maladie matérialiste et la pleine conscience.
" Trop de choix, trop de stress" . Combien de fois avons nous hésité devant des rayonnages de super ou d'hyper marché, incertains du bon produit au meilleur rapport qualité prix ! En effet , de nombreuses études démontrent que la profusion de choix est stressante et avec l'hypothèse de plus de regret s'il s'avère que le choix nous parait à l'usage insatisfaisant.
Plus grave, la rapidité, la dispersion, l'abondance bloquent en nous les expériences de lenteur et de réflexion. Nous pouvons alors devenir des victimes déboussolées de ce que Christophe André appelle d'un mot pittoresque, les distracteurs marchands qui polluent et envahissent nos esprits. Caricatural , pensez vous ? Constat complémentaire, le libre service qui se généralise avec le déploiement des grandes surfaces, et maintenant des caisses automatiques sans caissière " humaine" tend à faire augmenter la consommation contrairement au magasin avec vendeur.
Suggestion de l'auteur pour freiner notre course plus ou moins conditionnée de consommateur : faire des exercices de non consommation, aller dans une grande surface après un bon repas, s'exposer à la profusion de nourriture et se demander ce qu'on aurait acheté à jeun; boycotter ce qui est placé systématiquement près des caisses. L'auteur rejoint aussi le mouvement de la simplicité volontaire en émergence visant à faire des choix plus conscients et en privilégiant l'essentiel, l'indispensable face au superflu. En période de crise, cette résistance active à la maladie matérialiste peut trouver sens en terme de solidarité avec les plus fragiles et démunis dont le nombre hélas ne se réduit pas. C'est probablement un bon remède des plus naturels !
Deuxième axe : la pleine conscience. Rassurez vous, le propos n'est ni new-âge, ni plongeant dans les hautes sphères du mysticisme. L'auteur, à sa manière, nous invite à retrouver le goût du temps présent, habiter le plus souvent possible ce présent, cet ici et maintenant. Des outils peuvent nous y aider comme la méditation qui n'est pas réservée à la seule pratique religieuse et qui s'invite de plus en plus chez Monsieur tout le monde. Des petits trucs qui n'ont l'air de rien : s'arrêter, arrêter une activité en plein milieu et observer ce que je suis en train de faire, ce que je ressents et sur quoi portait ma pensée . Et plus la pression est forte dans la gestion de son temps, et plus l'exercice peut s'avérer salutaire.
Stop, je m'arrête, je prends quelques secondes de vraie respiration profonde (1) et puis je peux repartir,comme une baleine qui a repris soufle avant de replonger à nouveau au fond de l'océan.
Repérer le pilote automatique. De quoi s'agit-il ? De tous nos programmes mentaux qui nous font automatiser des gestes, des réflexes : du brossage de dent le matin, en passant par des tâches répétitives du jour. Certes , ces automatismes nous libèrent le cerveau mais certains ouvrent la boîte des diablotins des ruminations. Je mange machinalement au self et je rumine sur un dossier qui me "mange du temps inutilement selon moi"...Sortir de temps en temps du pilotage automatique, c'est reprendre sa pleine conscience de l'ici et maintenant un peu comme le docteur Vittoz (2) le suggère dans sa méthode : se sentir ouvrir une porte, monter un escalier, ou encore prendre le temps de savourer avec l'odeur, le geste , les lèvres... un café plein d'arôme.
Enfin, dans cette invitation vers la sérénité, je retiens le propos de David Thoreau, philosophe naturaliste américain, " pouvoir regarder le soleil se lever ou se coucher chaque jour, afin de nous relier à un phénomène universel, préserverait notre santé pour toujours."
Oui, de ces pistes vers plus de sérénité, d'intériorité nous aidant à sortir plus facilement des conditionnements sociaux et de nos propres conditionnements de pilotage automatique, il y a un enjeu majeur pour chacun : sa santé !
(1) voir article sur ce blog : slow down
(2) voir article sur ce blog : une tasse de thé...pleine de révélation !
Christophe André : " Les états d'âme : un apprentissage de la sérénité" ; Odile Jacob,2009.
site christopheandre.com
savoir dire NON
Savoir dire NON
"Non, je ne veux pas çà !" , ou encore " J'ai pas envie de faire cette corvée", "Non, je ne le ferai pas. Point barre".
Ces expressions bien connues d'adolescents face à leurs parents, ados en quête d'identité et d'affirmation d'eux mêmes semblent se dilluer à l'âge adulte. S'agit-il du fait que le socialement correct interdisse aux adultes le Non ?
Ou bien cela tient-il aux systèmes d'organisations hiérarchiques dans lesquels dire Non vous fait passer pour un rebelle, un syndicaliste ou encore un opposant ?
Dans le cadre de formations que j'anime ou encore de coaching, je constate que " savoir dire Non" pour bon nombre de personnes adultes ne va pas de soi.
Qu'est ce qui, au fond, peut nous empêcher de dire Non ?
Premier obstacle : dans sa tête, si je dis Non à sa demande, je risque de couper la relation, je risque de le crisper et de créer une tension avec celui ou celle à qui j'ai envie de dire Non. Or, je ne souhaite pas créer de tension...surtout en ce moment, j'en vis déjà tellement dans mon milieu de travail.
Ainsi la représentation du Non est assimilé à risque, peur vis à vis de la relation.
Dans un milieu professionnel, il est certes vrai qu'un employeur qui dit Non à une demande de congés d'un personnel pour une raison de continuité du service peut effectivement s'attirer de la rancoeur de ce personnel. Le Non peut demander un certain courage quand il est légitime aussi. Dans l'autre sens, une secrétaire à qui son patron demande au dernier moment de faire une demi heure supplémentaire pour boucler un dossier et qui est attendue à une soirée, à son club sportif ou encore auprès de ses enfants, pour dire Non devra peut-être s'armer de courage et de détermination : " Non, Monsieur, vous me le demandez un peu tard, j'ai un engagement ce soir, Je ne peux pas rester au delà des horaires habituels."
Non est aussi une forme mentale d'abstration . Si je vous demande simplement de ne pas penser à un éléphant rose, que voyez vous ? Evidemment, vous êtes en train de voir un éléphant rose, même si, en réalité, un éléphant rose n'existe pas !
Alors, comment s'aider à poser un non ?
En m'appuyant sur la belle démonstration de Thomas d'Ansembourg (1) dans son livre " Cessez d'être gentil, soyez vrai !", dire non à une demande , c'est regarder en soi à quoi je dis oui. Reprenons l'exemple de notre secrétaire, si elle dit non à la demande de son patron, c'est pour dire oui à son besoin de détente dans une soirée prévue, oui à son engagement au sein d'un club, ou encore oui au besoin de passer du temps le soir avec ses enfants avant le repas.
Vous l'avez compris : dire Non à une demande, c'est dire OUI à un autre besoin que nous estimons prioritaire pour nous. Une autre tactique se fait jour. Et si au lieu de tourner dix mille fois dans ma tête comment je vais m'y prendre pour dire non sans froisser, sans me mettre mon interlocuteur à cran ou à dos, et si au lieu de me faire tout un cinéma tordu dans le cerveau, je commençais par la question de départ : " Quel est le besoin que je veux privilégier , qu'est ce qui est prioritaire ?" . Revenons une nouvelle fois à notre secrétaire hésitante et qui ne veut pas s'attirer les foudres du patron. Dans sa tête " ok, j'entends qu'il y a une urgence, je suis la seule secrétaire encore disponible....pourtant j'ai promis cette soirée à mes amis qui m'attendent dans une heure...comment trancher ?" , deux besoins vont être mis sur la balance " besoin de maintenir un lien positif avec son patron d'un côté de la balance et de l'autre besoin de répondre à l'invitation". C'est le dilemme qui peut être réglé par une négociation d'abord avec soi-même. Et intuition féminine : " A priori, je vois que le courrier demandé me coûtera environ 30 minutes,....je peux demander à mes amis de patienter 30 minutes en les appelant maintenant...". " Et puis, ces 30 minutes, je pourrai les renégocier en moins avec mon patron pour une journée qui pourra m'arranger." Bien sûr, l'exemple pourra vous apparaitre assez simple, cependant commençer par des petites négociations lucides avec soi-même nous prépare aux négociations plus subtiles ou plus complexes. Le point d'ancrage reste la "pesée des besoins en jeu". Pour cela, en pédagogie , j'utilise souvent l'image de la balance en invitant chacun à mettre dans chaque plateau les besoins en jeu en lui-même ou avec son interlocuteur.
Finalement, nous sommes, au fil des jours, confrontés constamment à des arbitrages de besoin. Besoin d'autonomie et besoin de lien social, besoin de détente et besoin d'efficacité, besoin d'aimer et besoin d'être aimé, besoin de créativité et besoin de vie cool, besoin de sérénité et besoin de stimulation, besoin de gérer son temps avec efficacité et besoin de prendre le temps de vivre, de respirer...
Faites l'exercice présentement : en lisant ce texte, puis en fermant les yeux, quel besoin émerge pour vous en ce moment ? Qu'est ce qui vous donne du goût de vivre ?
En effet, accueillir en vérité ses besoins , c'est apprendre à se connecter à sa source d'énergie et donc à la vie.
(1) Thomas d'Ansembourg, Cessez d'être gentil, soyez vrai ! Etre avec les autres en restant soi-même. Editions de l'homme.
GERER SON TEMPS DE TRAVAIL : GERER LES POUX ?
GERER SON TEMPS DE TRAVAIL : GERER LES POUX ?
Je viens d'animer une journée de formation relative à l'efficacité avec soi-même. Après que chaque participant ait renseigné un quizz de questions miroir sur sa manière de gérer son espace de travail, son temps de travail, et son traitement quotidien de l'information papier, informatique et téléphonique, la question de l'appréhension du temps, de l'urgent et de l'important s'est vite profilée dans les échanges.
La matrice du temps mise au point par le général devenu président des Etats Unis, Einsenhower distinguait subtilement quatre cadrans : l'urgent -non important, l'urgent- important, le non important -non urgent et enfin l'important-non urgent. Plusieurs spécialistes de la gestion du temps dont le consultant coach américain, Stephen Covey, auteur remarqué de "priorité aux priorités" ont tous reconnu que ceux qui savent gérer leur temps privilégient le quatrième cadran, l'important-non urgent. En effet, c'est celui qui témoigne d'une capacité d'anticipation et surtout d'une bonne prise en considération des priorités qu'il a fixées avec lui-même. Par opposition, celui qui ne vit que par l'urgent-important, signifie une forte gestion du stress au quotidien. Bien que cette conception ait survécu plus d'un demi siècle, elle mérite d'être enrichie par une autre approche, celle des POUX. Oui, je parle bien de POUX dans la gestion du temps. Explication des 4 lettres.
P comme priorités. Rappelez vous l'histoire des gros cailloux (1). Si je ne mets pas mes gros cailloux d'abord dans mon planning hebdomadaire ou quotidien, j'aurais du mal ensuite à les caser entre le gravier, le sable et l'eau. Qu'est ce qui est prioritaire pour moi dans ma semaine à venir ? demain ? Dans ce sens, mes gros cailloux révèlent aussi mes valeurs profondes dans ma vie .
O comme opportunité. Dans tout échange, tout contact, y compris dans ceux qui peuvent me paraître contraignants ou relever de l'imprévu, j'ai peut être une idée à saisir, une piste à entendre, une interpellation sur moi-même à accueillir...Nos voleurs de temps peuvent devenir nos révélateurs de la gestion du temps. Qu'est ce qui fait que j'ai eu tendance à "expédier " M x qui n'avait pas pris rendez vous et qui me coupait dans mes élans ? Et heureusement, je me suis repris pour entendre sa demande, son besoin de soutien qui n'était pas très explicite au début. Dans ma propre expérience, j'ai parfois remarqué que ce n'est pas parce qu'un contact se révèle difficile au début (difficulté de contact téléphonique, l'interlocuteur étant souvent peu disponible, ...) qu'il faut " lâcher l'affaire". Au contraire, la persévérance démontre aussi ce à quoi je tiens et quand le contact est enfin établi, il y a déjà autre chose, façonné par ces allers-retours précédents.
U comme urgent. Reste à redéfinir l'urgent. Est ce l'urgent de ma hiérarchie qui me contraint en fin de journée à traiter rapidement un dossier pour le lendemain, dossier qui aurait pu être anticipé ? L'urgent des autres qui me retombe dessus. Ou encore l'urgence que je me "colle" à moi-même faute d'avoir suffisamment programmé à l'avance une plage de temps pour traiter telle sollicitation ou tel dossier. Est ce aussi moi-même qui me met de l'urgent pour me mettre une pression apte à mobiliser toute mon énergie ? Vous avez compris qu'il y a des variétés d'urgence. La seule qui apparaisse universellement légitime, c'est celle qui intervient pour sauver des vies : le pompier, l'urgentiste du SAMU...Cependant, une participante au stage, médecin me précisait que même les urgentistes prennent un petit temps entre eux sur un lieu d'accident pour bien coordonner leur intervention et la rendre la plus efficace. Ne pas confondre vitesse, urgence et précipitation !
X comme x dossiers ou affaires à traiter. Quelle est ma capacité journalière ? Suis je du style à me donner plus que je ne peux assumer ? Quitte à me noyer dans la pile de dossiers sur le bureau ? J'aime bien raconter l'histoire de ce président d'une grande association que j'avais rencontré au début de ma carrière. Son bureau était vide, dégagé de tout dossier. Quand j'ai évoqué un sujet avec lui, il s'est tranquillement levé, a ouvert son armoire à rangement vertical, et a sorti le dossier en question. Devant mon regard perplexe, il m'a simplement dit : " Oui, j'ai appris, pour sortir de l'encombrement du cerveau, à ne voir qu'un dossier à la fois. Dans mon quotidien, et sur mon bureau , il n'y a qu'un dossier, celui que je traite." Belle sagesse qui peut interroger tous ceux et celles dont le bureau déborde de piles de dossiers rangés ou non. Mais objection, votre honneur. Est ce qu'un bureau vide de dossier ne risque t'il pas d'être interprété comme le bureau de celui qui n'a pas grand chose à faire ! C'est la remarque de plusieurs stagiaires. Et, à l'autre extrémité, que témoigne un bureau chargé, surchargé ?
Alors et vous mêmes, cher lecteur (trice), comment gérer vous vos poux chaque jour ? Comment faites vous le grand nettoyage par jour, par semaine, au printemps, de la quantité d'informations qui s'accumule, gangrène vos dossiers, vos boîtes électroniques, vos bureaux et qui peuvent encombrer, voire asphyxier votre cerveau au fil des jours...
Dans les multiples conseils relatifs à la gestion du temps, j'ose vous en suggérer trois qui m'ont permis pour ma part de vivre plus sereinement dans ma tête et dans mon quotidien.
la règle des 5 secondes. Si le traitement d'une question, d'une sollicitation, la réponse à un courriel vous réclame moins de 5 secondes, faites le immédiatement. C'est ainsi éliminé et votre cerveau adore l'élimination !
la règle des 30 secondes. Avant de me jeter corps et âme sur un dossier un peu complexe, je prends 30 secondes pour me dire mentalement ( écrire si besoin) quelles sont les étapes par lesquelles il me parait opportun de passer pour arriver à la conclusion.
la visualisation de la tâche achevée. Avant de commencer une tâche, voir déjà la tâche terminée, le rapport bouclé, l'intervention prête, le diaporama fini. Oui, voir vraiment le produit final. Quel effet ? Tester et vous verrez. D'abord, c'est un bon stimulus pour démarrer la tâche surtout si elle fait partie du lot des tâches à faible degré de motivation. Deuxièmement, cette visualisation donne à voir, donc stimule notre cerveau et l'oriente positivement.
Enfin, que cette gestion des poux ne vous gratte pas trop la tête ! Vous l'avez bien saisi. La vocation de règles, des réflexes ou encore d'habitudes de gestion du temps sont efficaces seulement si elles aident réellement notre cerveau à mieux gérer, digérer l'information et à vivre une alternance équilibrée de temps de respiration au cours de la journée. Aussi, un dernier conseil, notre cerveau étant constitué de 80% d'eau, donc buvez, buvez régulièrement tout au long du jour . A votre santé !
(1) dans la rubrique petites histoires de ce blog.