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Le blog de Michel BERNARD

DES BLEUS ET DES JEUX

20 Juin 2010 , Rédigé par Michel BERNARD Publié dans #hors catégorie

DES BLEUS ET DES JEUX

 

 

Lancer le mot "bleus" dans une conversation entre collègues, amis, ou au détour d'une rencontre et aussitôt les langues fusent : " scandaleux, le comportement des joueurs" , " Et cet entraîneur, Domenech, c'est incroyable qu'on l'ait maintenu", ou encore " faire grève pour ne pas s'entraîner , pour des millionnaires du ballon, c'est inadmissible".

Bref, l'équipe de France de football, est devenue un sujet d'échange récurrent, passsionnel , voire obsessionnel. L'affaire, s'il y a affaire, l'éliminination de l'Equipe de France au premier tour de la coupe du Monde de football en Afrique du Sud, fait l'objet d'une amplification médiatico-politique que je qualifierais de "hors norme".

france-bleus-football-coupe-du-londe-2010-thierry-henry-dom.jpg

 

 

Le quotidien du sport, L'Equipe a usé de titre fortement provoquant comme " les imposteurs", et reprenant un autre  jour en bandeau de première page  la soi-disant injure d'un joueur à l'entraîneur qui aurait été prononcée à la mi-temps d'un match dans les vestiaires. Et engendrant un nouveau débat : la presse peut-elle relayer la vulgarité et respecter une éthique ? Enfin, dans ce spectacle, l'arrivée des politiques : l'audition de la Ministre de la santé et des sports devant une commission parlementaire. De quel drame parle-t on ? Ou encore la réception à l'Elysée d'un joueur (qui a sollicité cet entretien) de l'équipe ancienne gloire de l'équipe de France championne du monde en 1998, par le président  de la République en personne ! Cet emballement politique a même fait réagir le président de la fédération internationale de football qui a rappelé que les Etats n'ont pas à faire ingérence dans les fédérations nationales.

Prenons, si vous le voulez bien, chère lectrice, cher lecteur, un peu de hauteur en regardant ces événements à travers la fenêtre...des jeux !   

Premier jeu : celui du bouc-émissaire ou si vous préférez "cherchons le coupable". Qui est à l'origine du fiasco, du drame, du désastre ( les mots sont-ils assez forts) de la déroute de l'équipe de France. L'entraîneur montré du doigt qui aurait perdu toute autorité sur l'équipe ? La fédération et son président qui l'a reconduit dans sa mission malgré l'échec de l'équipe de France au dernier championnat d'Europe ? Les joueurs qui se vautreraient dans l'argent et ne verraient plus d'intérêt à défendre le drapeau national ? 

 

Deuxième jeu : appelé aussi le triangle dramatique. Il y a un persécuteur, celui qui s'en prend à des victimes. Et si c'était cet entraîneur , avec son style provoquant devant la presse et qui a enfermé les joueurs dans une bulle coupée du reste du monde.

Pauvres victimes, les joueurs qui ne peuvent même pas s'exprimer librement devant la presse mais à tour de rôle suivant les directives du coach. Mais heureusement, il arrive le sauveur.  Le politique qui veut assainir les choses en essayant de montrer sa clairvoyance sur la situation et sa détermination à changer le système ? Ou c'est peut être, pour le supporter, le nouvel entraineur attendu impatiemment en Septembre  comme un messie pour réssusciter l'équipe vacillante. Mais il y a un mais. Le triangle n'est jamais figé, comme les chaises musicales, les rôles  tournent. Et si l'entraîneur était la malheureuse victime de joueurs leaders négatifs qui ont pris le contrôle de toute l'équipe, obligeant tout le monde à faire grève avant un entraînement. Qui va sauver l'entraîneur ? Personne pour l'heure ne se précipite à sa rescousse. Enfin, le dernier persécuteur observé à ce jour, c'est peut être le politique qui, usant du porte voix médiatique, décrète avec emphase  qu'il a vu une équipe livrée à elle même sans meneur et  indigne de représenter la France. Et les joueurs deviennent victimes, par interview exclusif accordé à tel ou tel média, en  donnant à tour de rôle leur version de la situation qui nous ferait presque nous attendrir. 'Non, c'est pas ma faute. Regarder comme je suis sincère !"

Que nous révèlent ces jeux psychologiques (1)

D'abord qu'il y a toujours un bénéfice secondaire derrière chaque rôle. Se sentir victime attire l'attention, la sympathie, la pitié. "C'est pas ma faute " est une manière de ne pas endosser la responsabilité de ces actes.

Et le persécuteur ? Pour lui, c'est une façon d'évacuer sa frustration sur une victime. Le spectateur irrité du manque de spectacle, de l'échec de l'équipe de France et de la triste image renvoyée ( et répétée par les médias) à la planète entière via la transmission télévisuelle,  va évacuer en attaquant les joueurs, le manque de leadership du capitaine, la passivité de certains ou encore l'individualisme de chaque joueur...Quant au sauveur, il nourrit son égo en jouant le bienfaiteur, " Vous voyez comme je vous aide....soyez reconnaissant envers moi". Mais le problème , c'est que le sauveur intervient sans qu'il y ait une vraie demande de la part des victimes.

Enfin, le triangle dramatique à trois parties, la victime, le persécuteur et le sauveur, qui est un formidable passe temps dans tous les milieux professionnels, ressemble à un jeu de ballon. En fait, c'est comme si chaque partie se repassait inlassablement le ballon " responsabilité" en refusant de le garder. La victime s'indigne " Non, c'est pas ma faute" , "regarder ce bourreau qui me persécute " ou encore " et ce sauveur qui ne sait pas m'aider comme il faut ". Ces jeux détournent de la responsabilité assumée pour  noyer chaque partie dans la recherche du coupable et du syndrome de la culpabilité. Comment en sortir ?

En mettant l'adulte aux commandes pourraient répondre les praticiens de l'analyse transactionnelle, celui qui regarde le monde, les événements à travers un filtre ni paternaliste, ni rebelle, et ni soumis.

Aussi, je place sur ma tête le chapeau bleu, non pas celui du supporter de l'équipe tricolore, mais celui d'Edward de Bono, auteur des six chapeaux de la pensée (2) et je regarde tous ces jeux de ballon avec un brin d'humour et un zeste de lucidité : le premier feuilleton de l'été va s'achever avec la fin de la coupe du monde de football, vivement le tour de France avec son épopée fantastique , ses drames et ses surprises . Maintenant, je ne me ferai plus avoir : je sais que c'est du jeu. A qui profite-il finalement ?

 

(1) concept mis en avant par Eric Berne, fondateur de l'analyse transactionnelle

 

(2) voir l'article sur ce blog "ne vous cassez plus la tête...prenez six chapeaux"

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Traverser la baie de Somme rend heureux !

9 Juin 2010 , Rédigé par Michel BERNARD Publié dans #témoignages

14h 30, ce Dimanche, le siflet de la locomotive à vapeur pousse un cri strident et brusquement la longue cohorte des 6500 participants, pied dans pied prend du mouvement pour le départ situé dans la commune de Saint Valery. Je suis là au milieu des 6500 pour la première fois.

baie-de-somme-crotoy

Traverser la baie de Somme, un des plus bels espaces naturels d'Europe, à marée basse, c'est courir un aller-retour (1) entre la commune de Saint Valery et le Crotoy, soit environ 15 kilomètres avec un prologue dans les rues de la première commune. Ce n'est pas une course comme les autres. Elle possède des ingrédients qui , additionnés les uns aux autres , lui donne une saveur unique que certains reviennent chercher chaque année , venant des quatres coins de France et même d'Europe. Quels sont donc ces ingrédients ?

 D'abord, c'est une sucession, dès que l'on descend dans la baie, de zones de sable, de tranchées gorgées d'une espèce de boue noire, de petits filets d'eau ou encore de petites tranchées presques invisibles cachées par des herbes. Aussi, tout est art de trouver la bonne trajectoire et de poser le pied au bon endroit... dans un peloton de plus de 12 000 pieds ! Trop à droite, et on tombe sur une boue qui remonte jusqu'au genou, trop à gauche, c'est une tranchée profonde qu'il faut remonter, alors peut être au centre mais là, c'est le bouchon les uns derrière les autres et certains sont déjà enlisés jusqu'au cou. C'est donc une course où chacun, le plus souvent dans la bonne humeur, apprend à poser le pied  pour ne pas enfoncer. Et puis, en arrivant aux abords du village du Crotoy, on n'y croit pas, les concurrents devant soi ont disparu de moitié dans une vasque d'eau. Faut il nager ? Ouf, çà passe en marchant avec précaution. Mais quel soulagement et quelle fraîcheur en ressortant de ce que j'ai baptisé la baignoire.

Un peu comme les croisades, la vue porte loin et l'on observe du milieu de la baie cette longue procession multicolore très étirée vers le début. En effet , les favoris ont déjà pris leur marque et je les croise, moi arrivant près du Crotoy quand eux en reviennent. Le futur vainqueur, le burundais Willy Winduwimana , d'une allure de gazelle par sa silhouette très longiligne a déjà pris de l'avance, seul devant. L'ambiance du Crotoy est digne d'une montée de l'Alpe du Huez pour les coureurs du tour de France, le public applaudit chaleureusement les "sortants" de la Baie. Petit ravitaillement en eau et c'est le retour, vent de face. Un peu comme les coureurs cyclistes, chacun essaye de trouver le meilleur paravent, derrière un autre concurrent. Enfin, le village de Saint Valéry réapparait, une longeur de chemin de hâlage, le passage de l'écluse et c'est l'arrivée. Soulagement, joie, bonheur contagieux...Et passage obligé sous une ligne de douches de plein air car chaque participant est marqué de boue des pieds aux mains et pour certains jusqu'au visage dans lequel deux yeux émergent. Bien que beaucoup de concurrents affichent une vraie fatigue à l'arrivée, voire de la souffrance,  il règne une espèce d'enthousiasme collectif d'avoir traversé la Baie...un peu comme la traversée de la mer rouge. Comment expliquer cet état d'euphorie alors que les corps sont encore marqués du sceau de la boue ?

transbaie-coureurs-2.jpg

 

Décryptage proposé :

 

1) La baie offre un vrai dépaysement, une rupture totale avec son quotidien. Des participants parisiens arrivés le matin le constataient. La baie, c'est le grand espace, c'est l'infini ouvert sur la Manche, c'est un endroit suspendu entre ciel et terre...

 

2) Tous les sens sont mobilisés : la vue pour vérifier le bon passage, la vue aussi de cette procession sans fin, l'ouîe qui capte le bruit du vent, les murmures des troupes, l'approche d'une tranchée où çà patauge, le toucher de l'eau et de la boue qui colle...Il y a une vigilance de l'instant qui décuple la présence à l'ici et maintenant. Et une odeur marine qui vous fouette le nez. Tout le reste n'existe plus.

 

3) Avez vous déjà été à l'aise dans une foule de plus de 6500 personnes ? Peut être dans un concert en vibrant collectivement pour un chanteur ou un groupe ? Mais ici, rien à voir, il y a une forme de communion invisible tissée entre ces personnes qui ne se reverront pas pour la plupart mais qui ont un but commun ce jour là : traverser la baie vaille que vaille.

 

Vous l'aurez compris, le participant que j'ai été ne peut rester froidement neutre devant ce type d'aventure sportive d'un jour. Au delà de la motivation sportive de réaliser un temps pour les uns et de tenir la distance pour les autres ou encore pour certains de goûter un "délire collectif" en s'habillant en bécassine pour la circonstance ,il y a bien autre chose. Cette autre chose, c'est ce goût incomparable par les sens d'un espace naturel sans béton, sans artifice...et avec ses inattendus.

Bon vent à la Baie et à ses organisateurs qui y ont cru dès le début.

 

(1) course  appelée transbaie crée en 1989 par une poignée de bénévoles et qui bénéficie aujourd'hui d'une aura nationale, voire européenne à tel point que les organisateurs sont obligés d'en limiter le nombre d'inscrits. Site transbaie.com

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