Corinne COSSERON, fondatrice de l'école internationale...du rire !
Dans le monde, il existe une seule école ouverte à l'art du rire dénommé rigologie et cette école est installée depuis quelques années en France, dans la belle citée méditerranéenne réputée d'abord pour son muscat doux, Frontignan , à une vingtaine de kilomètres de Montpellier.
Rencontre avec sa fondatrice, Corinne Cosseron , journaliste reconvertie en 2000 en rigologue et auteur de l'ouvrage " Remettre du rire dans sa vie : la rigologie , mode d'emploi" (1)
Quelle est la particularité de votre école ?
Elle propose des stages et des outils pour développer la joie de vivre dans tous les milieux. Ainsi, sont formés des professionnels de la santé, du social, de l'enseignement et de l'entreprise. Le rire est un magnifique outil qui crée du lien et qui permet d'aller rapidement à l'essentiel. Des stages courts et des cures de bonheur sont aussi ouverts au grand public. Les adultes qui viennent sont majoritairement des femmes à partir de 30-40 ans. A la mi-temps de la vie, on se pose des questions sur soi-même de manière plus forte. A ce jour, ont été formés dans notre école, environ 2000 animateurs de clubs de rire, 200 rigologues et une vingtaine de rigologues experts. La rigologie est davantage un outil complémentaire qu'une profession à part entière. Un directeur de collège, un ancien ministre africain et un général presque centenaire sont venus se former à titre personnel !
D'où est venue votre intuition pour créer cette école ?
C'est d'abord un exode de la vie parisienne pour trouver un autre sens à ma vie professionnelle. Un jour, j'ai découvert sur Arte un médecin indien, Madan Kataria, qui a décidé de fermer son cabinet pour partir ouvrir des clubs de rire à travers le monde ! Cà m'a soufflée qu'il juge le rire plus important pour les humains que tous les traitements médicaux. Du coup, j'ai franchi le pas et je me suis formée auprès de lui, "juste pour rire". Le succès du club du rire de Frontignan m'a ahurie : des gens traversaient tout le pays pour venir rire et se disaient " en manque" ! J'ai alors entrepris un tour du monde des méthodes (2) destinées à stimuler notre joie de vivre : sophrologie ludique de Colombie, coaching du rire et psychologie positive aux Etats-Unis (3), clown, humour, danse, rythmes et chant m'ont fait beaucoup voyager et rencontrer des gens plus magnifiques les uns que les autres. Mais pour tout dire, ce qui me passionne, ce n'est pas de philosopher sur le rire mais de le pratiquer, d'en faire un antidote du stress. Comme, par exemple, la méditation du sourire intérieur ( 4) que l'on peut vivre partout, dans le métro, à un feu rouge, en poussant son caddie, ou encore à l'arrêt de bus...
Concernant le problème du stress au travail, en quoi la rigologie peut-elle apporter un soutien aux salariés ?
Je ne vais pas dans les entreprises pour faire diversion de manière artificielle face aux problèmes réels qu'elles rencontrent actuellement avec le stress au travail. Le rire répare point par point tout ce que les excès du stress détériorent. Par conséquent, il est vraiment efficace pour réintroduire l'humour au sein des équipes, y remettre du lien, les aider à gérer les conflits, améliorer l'ambiance de travail et donc la productivité et bien sûr lutter contre le stress. Le rire rétablit un lien vivant entre les personnes. Il fait passer le message directement par le corps et par les émotions, tous deux souvent tabous sur le lieu du travail, en court-circuitant parfois le mental. Il permet de dédramatiser, de renouer un dialogue et de mieux faire face aux inévitables changements et tensions auxquels les entreprises ont régulièrement à faire face pour rester performantes.
Vous venez de publier cette année avec Frédéric Cosseron, votre mari, un cahier d'exercices pour rire davantage ( Editions Esf). Vous pensez vraiment que c'est par des exercices pratiques "d'écolier" que les personnes adultes peuvent retrouver le goût de rire ?
Oui, je le crois. Car beaucoup de gens sont conscients de rire de moins en moins et en souffrent. Mais souvent, malgré leur bonne volonté, ils "oublient" de pratiquer. Ce petit cahier permet de s'entraîner de manière ludique, de stimuler sa joie de vivre et de penser à prendre soin de soi. Et surtout prendre soin non seulement de soi mais aussi de ceux qu'on aime car on ne rit pas tout seul dans son petit coin ! Nous savons tous à quel point nous nous sentons bien après une crise...de fou rire. Mais lorsque tout va mal dans notre vie, la première chose que l'on arrête de faire est de rire. Or le rire est un réflexe vital, destiné à nous maintenir en bonne santé, tous les jours, y compris les jours gris ou noirs. Et si le rire ne peut remplacer les larmes, il permet par contre d'évacuer le trop plein de tensions qui nous submergent parfois.
Quel message adressez vous aux lecteurs de ce blog ?
Le rire est une des plus jolies manières de nous aimer les uns les autres. De manière générale, sourions mille fois plus aux gens et à la vie. Nos plus beaux souvenirs sont liés à nos rires les plus sincères et tout ce qui n'est pas donné est perdu ! Alors soyons généreux et rions !
Corinne Cosseron n'assène pas de vérité toute faite, elle déroule, sur un ton alerte et enjoué, une expérience de vie toute en relativité. Le rire n'est pas une fin en soi, c'est un outil au service d'une plus grande cause.
(1) voir sur ce blog l'article " mettre du rire dans sa vie, un programme enthousiasmant"
(2) formation aux fondements de la psychologie positive avec Tal Ben-Shahar, à la sophrologie ludique avec Claudia Sanchez et Ricardo Lopez, au coaching du rire avec Annette Goodheart.
(3) voir sur ce blog articles sur Tal Ben-Shahar,le professeur du bonheur : " apprendre le bonheur, rêve ou réalité ?" et " le rituel, une stratégie pour changer".
(4) voir prochain article sur ce blog
Odette Toulemonde et la bienveillance malgré tout
Odette vit seule dans un petit appartement (son mari est décédé il y a dix ans) avec ses deux enfants adultes, une fille "maussade" en mal d'amour et un fils coiffeur et homosexuel. Elle est vendeuse dans une grande surface au rayon "maquillage". Elle pétille la joie de vivre dans un quotidien fait d'ordinaire. Ici, elle réconforte une cliente frappée par son mari avec beaucoup de douceur, de pudeur et d'humour : " Vous vous êtes encore pris une porte sous l'oeil. Vous voulez un conseil : vous pouvez dénoncer la porte et puis vous pouvez aussi changer de porte !". Le ton est donné, poétique, sensible avec Catherine Frot dans le rôle d'Odette.
Tout semble simple, banal jusqu'au jour où l'homme qui lui a "sauvé la vie" , dit-elle, arrive près de chez elle pour dédicacer ses ouvrages. Il s'agit du grand romancier Balthazar Balzan. Sa vie bascule quand elle le retrouve à sa porte un soir. Lui, le grand, le vénérable écrivain se dit détruit par la critique, sans force pour se battre et en plus trahie pas son épouse....
Odette va s'employer à lui redonner le moral en acceptant qu'il dorme quelques jours chez elle.
En quoi cette belle histoire inspirée du roman d'Eric-Emmanuel Schmitt, auteur à succès nous parle t'elle du bonheur ?
Tout simplement par l'attitude d'Odette qui nous offre un modèle de simplicité bienveillante.
Elle accueille son écrivain de rêve sans changer son ordinaire. Ainsi, le soir pour arrondir ses fins de mois, elle fait du travail de "remplumage" de vêtements de danseuses de cabaret et elle continue ce travail avec lui à ses côtés.
Elle refuse ses avances sachant instinctivement que ce n'est pas le moment. Elle fait face "sans bruit et sans rancune " à des rumeurs malveillantes sur son lieu de travail, la jalousie de l'une de ses collègues ayant généré une hostilité collective...malgré toute la bonne humeur journalière qu'elle communiquait à toutes.
Par ailleurs, elle se montre fragile, sensible , comme le premier jour de la rencontre avec son écrivain où elle est incapable, bloquée par l'émotion , de dire son prénom. Ainsi la dédicace que l'auteur écrira sera à "Dette" et non Odette !
De mon point de vue, dans un monde où la suspicion est parfois au bout du fusil : concernant le dopage dans le sport ou encore concernant la corruption en politique, où la méfiance prend souvent le dessus sur la confiance, Odette nous apporte un bouquet de fraîcheur. En effet, même s'il s'agit d'un roman cinématographique de 2007, le message d'Odette me semble terriblement d'actualité :
" Arrêter de vous plaindre. Vivez ce qui vous est donné
et trouver votre puits de ressourcement."
Petit clin d'oeil à la programmation neurolinguistique qui affirme dans ses postulats de base que tout comportement, même s'il peut apparaitre négatif ou agressif, part au fond d'une intention positive de son auteur. Et dans le comportement d'Odette vis à vis des ses enfants, de ses collègues, de son écrivain, ou encore de son épouse...vous trouverez une illustration toute en sensibilité de cette bienveillance accordant aux autres le bénéfice de vouloir à priori bien faire malgré tout.
Cet été, si vous cherchez de la fraîcheur qui fait du bien au moral, au coeur et au mental, allez puiser chez Odette Toulemonde, le livre ou le DVD !
SORTIR DE LA VIOLENCE AVEC MARSHALL ROSENBERG
SORTIR DE LA VIOLENCE AVEC MARSHALL ROSENBERG
Quand je ne peux pas dire avec des mots,
je risque de retourner la violence contre d'autres ou contre moi.
Des "vagues" de suicide dans certaines entreprises qui ont fait la une des médias, à la violence de joueurs ou de supporters sur des terrains de football, en passant par un ton agressif qui veut montrer sa domination au cours d'une réunion, la violence est bien présente au coeur de nos sociétés et peut entrainer à des extrémités d'acte que les protagonistes n'avaient pas imaginées au départ.
Dans ce contexte, il est à souligner que chacun, chaque institution est à la recherche du " Comment prévenir ?" ou encore " Comment aider les personnes à ne pas franchir la ligne rouge d'une violence qui est peut être déjà en germe dans un regard ou dans un ton de voix " ?.
Le processus de communication élaboré par le psychologue américain Marshall Rosenberg, disciple de Carl Rogers dans les années 1970 apparait être un outil de prévention particulièrement pertinent.
En invitant le lecteur à plonger dans son ouvrage de référence (1), rappelons rapidement les 4 étapes du processus :
1 revenir aux faits, en recherchant l'objectivité, le non jugement.
ex : " Vous m'avez dit que mon dossier était nul"
2 revenir à soi et aux sentiments ressentis liés au fait déclencheur
ex : " j'ai été surpris et choqué"
3 à partir de cette clarté sur son ressenti, exprimer le besoin insatisfait
ex : " J'ai vraiment besoin de compréhension et de considération"
4 oser, en s'appuyant sur l'énergie du besoin, affirmer de manière directe, une demande à l'interlocuteur susceptible de répondre au besoin insatisfait ou en souffrance.
ex : "Est ce que vous seriez d'accord pour m'exprimer ce que vous mettez derrière le mot " nul " en terme de constats concrets ?"
Ce déroulé en 4 étapes, que les formations en "communication non violente" proposent de travailler en jeu de rôles et d'intégrer dans sa manière de parler et d'être, révèle des ingrédients susceptibles de "tuer" la violence dans sa racine.
1 revenir aux faits, c'est remettre aux commandes l'hémisphère gauche, celui du rationnel, de la logique alors que la violence peut nous entraîner hors de nous, dans une spirale émotionnelle pouvant atteindre l'insulte ou encore l'agression physique.
2 revenir à soi, à sa sphère émotionnelle pour nommer le sentiment , l'émotion qui nous habite, qui nous agite, c'est déjà en la nommant, la mettre un peu à distance : je ne me réduis pas à ma colère, ma honte, ma tristesse, mon désarroi...Je l'assume comme émotion à un moment donné. Et les émotions sont comme les nuages dans le ciel, elles passent.
3 Nous touchons là à l'originalité de la proposition de Marshall Rosenberg. Les sentiments sont l'aspect visible, comme le haut d'un iceberg au dessus de la mer, de quelque chose de plus profond, le besoin. Un sentiment négatif est un révélateur d'un besoin insatisfait. Alors, plongeons sous l'iceberg pour repérer ce besoin. Travail pas si évident quand on s'initie à la démarche. Cependant, le besoin a la force de l'universalité . Parler d'un besoin de respect, d'un besoin de reconnaissance ou encore d'un besoin de sécurité est un langage immédiatement accessible à mon interlocuteur.
Accrocher son sentiment à un besoin et le verbaliser, c'est déjà se relier à l'autre de manière pacifiée.
" Oui, quand vous m'avez dit que mon dossier était nul, j'ai été surpris et choqué. J'ai besoin de comprendre ce que vous mettez derrière le mot "nul" et j'ai besoin de respect aussi."
4 Le processus de communication pourrait s'arrêter à l'étape 3. Ce peut être le cas quand la situation ne permet pas d'aller évoquer le problème avec l'interlocuteur que l'on estime à ce moment là non réceptif .
Cependant, le processus invite à ne pas rester centré sur soi, son sentiment et son besoin, pour oser une stratégie de demande envers l'autre.
Demande qui mérite d'être calibrée, adaptée à son interlocuteur, et réaliste.
Elle s'inscrit dans la croyance que , si j'ai trouvé le chemin pour toucher l'autre dans son intériorité sans violence et avec respect, je me donne des chances pour ouvrir une fenêtre de négociation.
la girafe, symbole du langage de la communication non violente (2)
En pratiquant ce processus depuis dix ans, je peux témoigner de cet effet d'ouverture de fenêtre parfois surprenant. A quoi cela tient-il ?
- il est à l'antithèse de la posture de victime de violence : j'entends la violence des mots, de l'attitude, je la détecte et j'accueille en moi ce qui est touché. En quelque sorte, je pratique une auto empathie. Je me place dans une posture pro-active.
- je ne m'enferme pas dans la rumination de la vengeance, de ce qui me ronge mais je cherche activement le chemin de sortie de violence. Qu'est ce que je peux dire, faire avec mes limites et avec cet interlocuteur à l'instant T ?
- l'apprentissage de ce processus dans le temps, la patience nous permet de nous connecter plus vite à nos besoins , source de vie. Et ce sont eux qui donnent l'énergie,la légitimité de la demande y compris pour des personnes qui ont du mal à s'affirmer naturellement.
Certes, comme je le répète souvent à l'occasion de stages de formation, ce processus n'est pas une potion magique qui transforme la violence en non violence par des mots, il invite davantage à entrer dans un chemin avec un questionnement permanent sur soi : "Là, dans cette situation, qu'est ce que tu peux te dire à toi même et dire à l'autre pour sortir du rapport de forces, de l'impasse ?" (3).
Enfin, j'ai eu l'occasion de vivre un stage il y a plusieurs années avec Marshall et j'ai été frappé par deux traits de sa personnalité. Sa grande humilité. Fondateur du centre mondial de la non violence aux Etats Unis, il a parcouru plus de trente pays pour faire connaitre ce processus dont des pays en guerre. Il a même initié un stage en Suisse associant palestiniens et israêliens ! Avec une guitare, devant 400 personnes réunies à l'Unesco, il a aéré son propos avec des chansons...alors qu'il ne se dit pas artiste ! Son sens aigû de la bienveillance pour aller chercher le meilleur chez l'autre. En effet, le premier pas décisif sur ce chemin, c'est de "concentrer notre attention là où nous avons le plus de chances de trouver ce que nous cherchons".
(1) Les mots sont des fenêtres ou des murs, initiation à la communication non violence. Edition La découverte.
(2) voir explication du symbole dans l'article sur ce blog " L'empathie une valeur qui remonte par temps de crise"
(3) Développer des relations de coopération en milieu professionnel, sortir des rapports de force. Michel BERNARD. Edition chronique sociale.