Photolire, une manière révolutionnaire de lire pour soi
Le stage de photolecture du week-end vient de se terminer par des applaudissements collectifs autour de Thérèse de Laboulaye, formatrice française d'une méthode made in america. Participant curieux du résultat et assidu avec mon épouse, j'ai vraiment découvert une autre manière de se relier à un ouvrage pour en retirer, dans un temps souhaité, le meilleur pour soi. La photolecture, traduction française du photoreading, méthode mise au point par l'américain Paul Scheele, est en train de faire doucement son entrée dans notre espace européen.
Et Thérèse, malgré les 17 heures de formation bien rythmées et interactives assurées durant ce week-end parisien derrière le beau musée d'Orsay, a volontiers accepté l'interview.
En quoi la méthode appelée photolecture est-elle différente des méthodes de lecture rapide comme celle de Tony Buzan ?
A la différence des autres méthodes, la photolecture fait intervenir non seulement l'hémisphère gauche, spécialisé dans l'analyse, le raisonnement, le séquentiel mais également l'hémisphère droit,qui permet une saisie globale de l'ouvrage à un niveau non conscient. Pour l'étape de la photolecture, Paul Scheele s'est inspiré de Betty Edwards auteur de Dessiner grâce au cerveau droit. Il en a déduit une autre manière radicalement nouvelle de traiter et de capter l'information écrite. Par une série de techniques appropriées, l'information peut être ramenée dans le conscient. Ainsi, le photolecteur économise du temps jusqu'à trois fois plus qu'avec une méthode traditionelle tout en retenant mieux.
Justement, cette étape très originale où le lecteur tourne les pages sur un rythme d'une page par seconde, qu'est ce qu'elle produit réellement ?
En fait, il ne s'agit pas à proprement parler de lecture dans cette étape . C'est plutôt une photographie mentale de l'ouvrage ou du document. A ce stade, il n'y a pas de compréhension. L'intégralité du livre est stockée dans le cerveau mais non directement accessible. L'hémisphère droit permet de créer dans le cerveau du lecteur une sorte de toile de fond sur laquelle vont venir s'accrocher ensuite en lecture consciente toutes les connaissances tirées de l'ouvrage.
Qu'est ce qui vous a conduit à devenir formatrice en photolecture ?
Le point de départ se situe en Afrique. J'enseignais le français au lycée de Libreville au Gabon où j'étais responsable d'un projet lecture pour les classes de sixième. Trouvant la littérature sur le sujet trop spéculative, j'ai eu l'idée de taper reading sur internet pour voir ce qu'en disaient les anglo-saxons et je suis tombée sur le photoreading, la méthode de Paul Scheele qu'il a conçut en 1985. J'ai suivi la formation à Londres en 2003 et j'ai eu envie de devenir formatrice. Je suis partie aux Etats-Unis me former auprès de Paul Scheele. C'est quelqu'un d'étonnant : drôle, créatif. Il est sur tous les fronts. Passionné par l'apprentissage accéléré, il s'intéresse de près aux capacités non exploitées de notre cerveau et sa grande qualité, c'est sa faculté d'être là à 100%.
Vous avez participé récemment à la présentation (très rapide) de la méthode durant une émission de télévision, Télé matin sur France 2 et la journaliste, en commentaire, a exprimé que l'on ne savoure pas la lecture. Est-ce vraiment une méthode froide, inodore et sans saveur ? photo : une séance de brain gym pour se préparer à lire
Sur ce point, je ne suis pas d'accord avec Isabelle Martinet car la méthode comprend un ensemble de techniques en fonction de l'objectif visé par le lecteur. Si l'objectif est de savourer le style ou encore d'acquérir un vocabulaire technique, il existe une technique qui permet de varier la vitesse et de s'arrêter sur ce qui intéresse directement le lecteur. Contrairement au titre un peu accrocheur de la traduction du livre de Paul Scheele ( lire à toute vitesse), il n'est pas interdit de prendre son temps et de savourer une oeuvre !
Quand on participe à votre stage d'initiation, vous insistez régulièrement sur la bonne préparation du cerveau pour que le lecteur se retrouve d'abord en état ressource de vigilance détendue. Vous utilisez à ce titre la formule 3-2-1, de quoi s'agit-il ?
Il s'agit effectivement que le lecteur soit dans le bon canal d'apprentissage. On n'apprend pas en état d'ondes cérébrales bêta, mais alpha. Pour ce faire, il s'agit de se fixer un objectif concret et de fixer un point d'attention qui élargit le champ de vision. La formule 3-2-1 est un ancrage pour se mettre dans l'état propice à la photolecture. Le chiffre 3 est le déclencheur de la relaxation physique. Le chiffre 2 invite à la relaxation mentale, ici et maintenant. Au chiffre 1, le lecteur visualise une plante, un arbre ou une fleur : c'est le signal qu'il se trouve dans l'état ressource.
Quelle métaphore pourrait illustrer cette méthode pas comme les autres ?
Elle utilise beaucoup de métaphores aquatiques : l'eau est symbole de fluidité, de résilience, de lâcher-prise...Pour moi, la meilleure métaphore, ce sont les sports de glisse comme le surf, le patinage ou le ski hors piste. Si l'on maintient un cap tout en lâchant prise, il s'établit une harmonie avec l'élément avec lequel on glisse et cela devient jubilatoire. Il y a dans la photolecture cette idée de glisser sans retenue le long des mots ou au travers des lignes et cela procure du plaisir.
Combien de livres lisez vous par mois ?
En deux ans, j'ai emprunté 282 livres à la bibliothèque de l'université. Or, j'ai droit à 6 livres à la fois et, pour les choisir, je photolis jusqu'à 15 ouvrages. J'en achète aussi pas mal et je n'ai plus de scrupules à les photolire dans les librairies pour savoir si çà vaut la peine. Il y aussi ceux que je commande sur Amazon et les PDF ou les Google books.
Et en tant que participant, je confirme que la méthode n'a rien de magique : elle s'appuye sur du bon sens et sur les capacités parfois oubliées de notre cerveau. Et dans cette perspective, elle invite le lecteur d'abord à répondre précisément à la question : quel est mon objectif avant de lire ce livre ? Il y a ainsi, à travers les 5 étapes de la méthode, une sélectivité progressive de l'information pour que le cerveau capte essentiellement ce qui nourrit l'objectif du lecteur. Bien sûr, et Thérèse le souligne clairement à l'issue de son stage, cet nouvel art de lire pour soi demande un apprentissage et un entraînement régulier . Chacun est invité à prendre un engagement avec lui-même. Pour ma part, j'ai choisi de photolire au moins un livre par semaine. Le pari pour l'heure est tenu !
Pour aller plus loin et découvrir la méthode :
DES HOMMES ET DES DIEUX
UNE LECON DE VIE SUR LA PRISE DE DECISION COLLECTIVE
Au coeur du plateau de l'Atlas algérien vit une petite communauté monastique de sept moines trappistes adossée à un village musulman. La cohabition est forte et paisible : un des moines, le frère Luc, médecin reçoit tous les jours les mères et les enfants pour des soins. La communauté vend son miel sur le marché et les moines sont invités aux fêtes locales. Cette harmonie entre deux cultures chrétienne et musulmane est brusquement mise à mal par la vague d'attentats des groupes extrémistes de l'Islam. Le soir de Noêl, des extrémistes pénètrent dans le monastère, menaçent les moines puis sur la parole du prieur, frère Christian, repartent. Les moines en sont traumatisés, et leur départ d'Algérie est clairement demandée par le préfet pour leur sécurité. Le film " Des hommes et des dieux " , primé au dernier festival de Cannes (1), retraçe les dernières années de ces hommes jusqu'à leur assassinat en 1996.
Ce film est saisissant dans la puissance de ses contrastes : beauté des paysages de désert, des couleurs de l'Algérie et dureté sanglante des extrémistes armés et des images de violence, silence intérieur des moines dans leur activité quotidienne et bruit du village voisin, solidarité entre moines et villageois contre sauvagerie des attentats aux alentours. Bref, ce film convoque le spectateur à la lutte au quotidien entre la vie et la mort. Dans ce contexte, j'ai choisi la focale de la décision collective qui pourrait inspirer bien des stratégies de management quand celui-ci se veut ancré sur des choix humains discernés.
Première scène autour d'une table, après la violation du monastère par les extrémistes : les sept moines s'interrogent sur la question : partir ou rester. L'un propose un sondage qui ne résoud rien : les tendances sont partagées entre la peur au ventre et l'envie de quitter les lieux ou le choix d'une vie donnée pour les plus courageux. Puis, silencieux jusque là, le plus ancien et malicieux Amédée s'exprime en peu de mots : "c'est trop tôt pour me décider". Donc, pas de décision immédiate.
Le climat de violence fait rage dans les alentours du monastère, la menace se précise. Chacun pressent qu'il y a urgence à prendre position.
Le frère Christian les réunit à nouveau autour de la table, entre temps, chacun a prié parfois tenaillé par la peur, la tentation de fuir...
Et là, étrangement, l'atmosphère a changé : Christian les invite librement à s'exprimer dans un silence pesant. Un à un, avec des motifs personnels ( un, je n'ai pas de famille ailleurs, un autre, j'ai tout donné ici...) va dire oui pour rester et Christian s'exprimera le dernier avec son oui constant depuis le début et le soulagement d'entendre une unanimité de tous sur le même choix...irationnel face au danger réel mais cohérent face à leur discernement .
Ils mesurent les risques, ils ne veulent pas finir en martyre : ce qui les rend forts dans leur faiblesse, c'est leur détermination à aller au bout de leur mission en terre algérienne au delà du contexte de violence. Quelques jours plus tard, ils seront kipnappés et séquestrés, utilisés comme monnaie d'échange pour libérer des prisonniers puis sauvagement assassinés.
Une des leçons de vie, parmi bien d'autres, c'est cette manière de décider collectivement sans précipitation ( même si le climat réclame de l'urgence) et en respectant la parole et les motivations de chacun . Cette démarche communautaire dégage une force extra ordinaire : celle d'une décision reçue et non d'une décision arrachée. Elle se vit dans la paix et la détermination. Les mauvaises langues pourraient rétorquer : tout çà pour finir assassinés, quelle manque de lucidité face au danger terroriste !
Pourtant , plus de 14 ans après ces événements tragiques, le comportement de ces sept hommes reste un signe fort face à la violence aveugle et dans la recherche de réconciliation entre peuples de diverses croyances religieuses.
Combien d'organisations collectives, d'entreprises, d'administrations, de syndicats, ou encore d'associations rêveraient d'une telle démarche de prise de décision ! Les conditions préalables à cette qualité de décision collective à partir de l'aventure humaine et spirituelle de ces sept moines peuvent se repérer :
- un temps donné à chacun pour discerner,
- une écoute mutuelle et respectueuse,
- un leader qui a accepté de ne pas faire pression, de lâcher prise sur le groupe et de rester ouvert à la position de chacun.
Enfin, ils témoignent que chacun peut transcender ses peurs par la force reçue à travers la mission individuelle et collective.
Dernière image du film : les moines encadrés par les soldats terroristes marchent avec peine dans la neige de l'Atlas jusqu'à se fondre dans le brouillard et le blanc du paysage. Symbole de leur vie donnée et imprégnée dans cette terre algérienne à jamais.
(1) avec une interprétation du frère Christian toute en intériorité par Lambert Wilson .
BRUNO HOURST, pionnier du mieux apprendre (suite)
INTERVIEW 2ème PARTIE
Suite de l'INTERVIEW DE BRUNO HOURST, pionnier du mieux apprendre en France.
Comment aujourd'hui, face aux difficultés d'insertion professionnelle et aussi sociale de beaucoup de jeunes, les motiver vers l'apprentissage de savoirs ?
Je verrai deux pistes à développer parmi d'autres.
D'abord, faire connaître aux jeunes l'approche des "intelligences multiples" (1), que je décris dans plusieurs de mes livres, comment " aidez son enfant à mieux apprendre", chez Eyrolles. Elle est simple à expliquer et à comprendre, et elle parle bien à l'intuition. En découvrant cette approche, bien souvent le jeune comprend que ses difficultés scolaires ( ou autres difficultés) ne viennent pas du fait qu'il est nul, paresseux, stupide ou inadapté, mais qu'il a un "bouquet" d'intelligences" qui ne correspond pas au standard imposé, en particulier par le système scolaire. C'est un grand soulagement pour lui. J'ai rencontré des enfants pétillants d'intelligence et en même temps en échec scolaire, parce que leurs intelligences préférentielles, par lesquelles ils apprennent et communiquent avec le monde, n'étaient pas celles imposées par le système scolaire. Cela crée d'immenses souffrances et d'immenses gâchis.
Deuxième piste : redonner au jeune le goût d'apprendre, en lui montrant que l'on peut apprendre " autrement" que de manière qu'il a ( souvent) subi dans son parcours scolaire. Lui faire découvrir des manières d'apprendre, de réfléchir, de travailler, de lire, de mémoriser, etc...qui correspondent mieux à sa personnalité et à ses manières personnelles de faire.
Et faire cela, ce n'est pas uniquement permettre au jeune de mieux s'intégrer dans le monde du travail : je suis persuadé que le rapport très personnel que nous entretenons au " fait d'apprendre" est directement lié à notre personnalité. Si ce rapport est bon, il y a de bonnes chances que l'enfant devienne un adulte à peu près équilibré et qu'il ne fera pas trop de dégâts autour de lui. Si ce rapport est mauvais, il risque de tomber, une fois adulte, dans l'aigreur et le ressentiment, le conduisant à des comportements pathologiques de recherche de pouvoir, d'argent, de compulsion, de désir de se venger sur le reste du monde.
Dans les exemples extrêmes, l'enfance et le parcours scolaire d'Hitler, catastrophiques et pourtants banals, devraient nou inciter à prendre très au sérieux ce rapport à l'apprendre que nous développons chez les enfants et chez les jeunes.
Quel exercice pourriez-vous proposer à nos lecteurs qui veulent découvrir les jeux-cadres ?
Il faudrait rappeler ou expliquer au lecteur ce qu'est un "jeu-cadre" : une structure d'activité vide de contenu, que l'on peut " changer" quasiment complétement en terme de contenu pédagogique ou de formation. Le concept de jeu-cadre a été formalisé par une personne que j'apprécie beaucoup surnommé Thiagi (2).
En voici un, que j'aime bien parce qu'il fait appel aux expériences positives des participants. Il s'appelle ( les mathématiciens voudront bien m'excuser) 1=10. En voici le déroulé.
1=10 ou un jeu pas comme les autres !
Idée de base :
Sur un sujet donné, les participants recherchent un exemple personnel de situation qui a particulièrement bien réussie, et racontent cette histoire à d'autres participants.
Objectifs
S'appuyer sur l'expérience des participants
Déterminer les éléments généraux qui permettent de réussir
Exemples d'application :
Communication interpersonnelle, techniques d'animation en formation, pratique pédagogique en milieu scolaire, gestion de comportements difficiles.
Déroulement du jeu :
Répartir les participants en équipe de 4 à 6 personnes.
Sur le thème choisi, demander aux participants, individuellement, de se rappeler une situation dans laquelle ils ont particulièrement bien réussi.
Tout le monde se met debout, chaque participant se déplace dans la salle ( sans support pour noter) et rencontre un autre participant n'appartenant pas à son équipe, à qui il raconte son histoire et puis les rôles s'inversent : il écoute l'histoire du participant rencontré.
Changer de partenaire, lui raconter, au choix, soit sa propre histoire, soit celle que l'on vient d'entendre. Et ensuite écouter l'histoire du partenaire.
Revenir en équipe. Chacun raconte son histoire et celle (s) qu'il a entendue(s), dans le désordre. Les autres membres de l'équipe doivent deviner quelle est la propre histoire de celui qui raconte.
Demander aux participants de déterminer en équipe les éléments-clés qui ont permis à toutes ces histoires d'arriver à une réussite.
Partager avec l'ensemble du groupe avec l'animateur.
Ainsi, ce jeu-cadre qui peut être adapté de mille manières, permet d'évoquer dans un temps relativement court une bonne dizaine (ou plus ) de réussites. A partir d'elles, le groupe peut chercher les points communs et, à partir d'eux, en tirer des enseignements pour agir.
Celui ( ou celle) qui a la change de rencontrer Bruno HOURST, personnage atypique dans le monde de la pédagogie est souvent frappé par sa grande richesse de connaissances, lui même restant un vrai chercheur en puisant à des sources européennes comme américaines. Vous l'aurez sans doute aussi saisi à travers l'interview, c'est un homme de conviction qui veut restaurer un grand plaisir oublié au fond des cartables de beaucoup d'écoliers : le PLAISIR D'APPRENDRE.
Il apparait d'ailleurs assez paradoxal de voir que les Universités du temps libre destinées en priori aux adultes et aux séniors se remplissent de plus en plus avec les plus de 60 ans, plus disponibles après une vie active et avides de découvrir des horizons intellectuels nouveaux en histoire, en psychologie, en langue, en sciences... Dernièrement, à l'occasion du départ en retraite ( mot hit parade aujourd'hui sur les médias !) d'une personne, celle-ci me confiait qu'elle voulait reprendre l'anglais, de préférence en groupe de conversation animé par des professeurs du pays et puis voyager. Et finalement l'homo sapiens dont nous descendons tous n'est-il pas , après les besoins fondamentaux du manger, du toit et de se protéger des dangers, mu par le désir d'apprendre. Apprendre l'art de créer du feu il y a des milliers d'années jusqu'à l'art, via les technologies d'information, de répondre à sa soif de mieux comprendre soi, les autres et son environnement.
(1) concept du chercheur américain, professeur en éducation à l'université de Harvard, Howard Gardner qui distingue 8 formes d'intelligence :
l'intelligence logico-mathématique, l'intelligence spatiale, l'intelligence interpersonnelle, l'intelligence corporelle-kinesthésique, l'intelligence verbo-linguistique, l'intelligence intrapersonnelle, l'intelligence musicale-rythmique, et l'intelligence naturaliste.
(2) pour découvrir d'autres jeux cadres, site thiagi.com
et puis pour découvrir tous les ouvrages de Bruno Hourst dont " au bon plaisir d'apprendre" et les formations qu'il propose notamment en direction des enseignants,
site mieux- apprendre.com
BRUNO HOURST, pionnier du mieux apprendre
INTERVIEW DE BRUNO HOURST : PREMIERE PARTIE
Il arrive à ma rencontre, dans ce petit coin perdu dans la campagne dijonnaise. Le soleil est déjà couché et je suis impressionné par la stature qui s'avance. Le ton est chaleureux et ouvert pour une première soirée d'échange au coin du feu. Quand le visage de Bruno Hourst m'apparait à la lumière, il est celui d'un homme buriné par la vie, pensez : marin, plus tard, enseignant en mathématique...puis concepteur et promoteur reconnu autour de ce qu'il appelle lui-même le mieux apprendre. L'homme est précis sur les mots, il écoute beaucoup avant de se livrer. Sa science n'est pas dans la théorie mais accouchée d'une longue expérience auprès des marins, des élèves souvent en difficulté et de recherche aux Etats Unis et en Australie.
D'où vient votre démarche que vous dénommez le "mieux apprendre" ?
L'approche pédagogique du "mieux apprendre" se rattache au courant anglo- saxon de l'accelerative Learning qui, elle-même, prend ses racines dans la suggestopédie développée par Georgi Lozanov. Dans les années 60, Lozanov, médecin et psychologue bulgare, s'intéresse dans le cadre de son doctorat aux phénomènes d'hypermnésie. Il se demande si les personnes ayant des capacités de mémorisation exceptionnelle sont des individus exceptionnels ou bien, si on leur a appris à apprendre d'une manière différente. A partir de cette recherche, Lozanov en conclut que n'importe qui peut apprendre bien plus vite que ce que notre système éducatif considère comme normal, avec une mémorisation à long terme. Repris aux Etats Unis, ces travaux vont être à l'origine de l'accelerative learning. En cherchant moi-même un équivalent français, j'ai choisi l'expression "mieux apprendre". Et effectivement, nous savons tous apprendre mais avec cette approche, nous découvrons que nous pouvons mieux apprendre.
En quoi le "mieux apprendre est-il spécifique par rapport aux apprentissages traditionnels ?
L'approche du mieux-apprendre s'appuie sur un certain nombre de principes à priori de bon sens et que notre système scolaire a progressivement oublié.
Un de ces principes de base : nous apprenons tous différemment. Or vouloir faire apprendre à des enfants la même chose, de la même manière, au même âge et au même moment est une absurdité dont on voit les ravages tous les jours. Oblige-t-on tous les enfants à savoir marcher à 10 mois et 12 jours ?? Et pourtant le taux de réussite de cet apprentissage difficile est de 100% !
Un autre principe, c'est l'importance de l'environnement de l'apprentissage, aussi bien physique que social, émotionnel que mental. Pour revenir au petit enfant qui apprend à marcher, lui apprend-on à marcher à coup de cours magistraux, de punitions, de contrôles, d'interro-surprise, de tensions permanentes ? Bien sûr que non. On l'encourage, on le soutient dans ses efforts, on participe à ses découvertes, on lui fait confiance et on fait confiance à ses capacités d'apprendre. Et le moment venu, il réussit.
Par ailleurs, beaucoup de découvertes récentes , notamment en neurosciences, confirment les intuitions du "mieux-apprendre". Une étude américaine, conduite par des chercheurs faisant autorité, met en évidence l'importance majeure des arts et de la musique pour le développement des capacités cognitives chez l'enfant. On en vient ainsi à l'expression d'un "apprentissage compatible cerveau" en contraste avec un apprentissage traditionnel qui ne favorise pas un fonctionnement correct et optimal du cerveau. Rien de nouveau sous le soleil : Aristote, Pythagore, Tolstoî, et plus récemment Montessori et Freinet ont utilisé les grands principes du mieux apprendre.
Dispose-t'on de résultats comparatifs dans les classes scolaires entre méthode traditionnelle et "mieux apprendre" ?
Différentes études et expérimentations ont été conduites dans le monde anglo-saxon. La guggenheim School de Chicago est reconnue aujourd'hui comme une école célèbre dans le monde entier. Située dans un quartier difficile de la ville ( population noire et portoricaine), elle était à la dérive et en passe d'être fermée. Déterminée, la directrice chercha une formation nouvelle pour ses professeurs, elle fit ainsi appel à Peter Kine, spécialiste de l'integrative learning, une des formes de l'accelerative learning.
D'une durée de 30 heures ( une semaine) et située à l'extérieur de l'école, une formation fut proposée aux enseignants par demi-groupe. Bien que sceptiques pour beaucoup au départ, et la directrice leur ayant laisser toute liberté d'appliquer ou non cette nouvelle méthode, ils montrèrent beaucoup d'enthousiasme à la mettre en application. L'impact sur l'école,dès la première année fut surprenant. L'absentéisme avait pratiquement disparu et le niveau en lecture et mathématique augmenta de manière spectaculaire. En deux ans, l'école passa du 16ème rang ( dernier au classement) au 2ème rang de l'académie !
D'autres conséquences plus individuelles furent constatées à travers le discours d'élèves s'étonnant : "Tiens, mes profs ont changé ! Ils sont tellement mieux maintenant ! "
En Australie, des effets comparables , avec le changement de l'environnement scolaire, furent constatés. Même si les résultats scolaires n'ont pas connu une explosion, un profond changement d'attitude s'opéra chez les enfants comme chez les enseignants. Plus de motivation, moins de problème de comportement en classe et hors classe pour les élèves et les enseignants ont trouvé plus d'harmonie dans leur vie professionnelle comme dans leur vie personnelle.
le premier dessin ( proposé par Bruno Hourst) illustre les 8 intelligences multiples , concept mis en lumière dans les années 1980 par le chercheur américain Howard Gardner.
le deuxième dessin ( proposé par Bruno Hourst) illustre avec Mozart et Beethoven l'importance de la musique dans le soutien aux apprentissages. La musique est considérée comme l'une des 8 intelligences multiples.
voir site de Bruno Hourst : mieux-apprendre.com ...en attendant la deuxième partie de l'interview !