Etes vous multivore ou unifiant ?
A l'issue d'une conférence passionnante relative à la médecine énergétique, l'intervenant demande à une personne volontaire de sortir de la salle. Pendant ce temps, il invite chacun à penser " Je ne veux pas le voir ". La personne revient, il applique le test dit " au clair" en demandant au volontaire de tendre un bras horizontalement et de résister à la pression vers le bas . Constat : dès que l'intervenant a appuyé sur le bras, le "pauvre" volontaire a vu son bras chuter. Puis, l'intervenant demande au volontaire de sortir et propose aux participants une pensée positive " Je suis heureux que tu sois là". Même protocole : le volontaire tend le bras, résiste à la pression exercée vers le bas par l'intervenant et Oh miracle : le bras ne descend presque pas. Démonstration claire : nous sommes influençés dans notre énergie personnelle par l'énergie qui nous entoure et notamment celle dégagée par le groupe de personnes de proximité.
Cette expérience saisissante enseigne l'importance du champs d'énergie qui rayonne ou qui palie ( quand nous sommes stressés ou fatigués) autour de chacun de nous. Ne dit-on pas que cet homme rayonne d'enthousiasme ou encore que cette femme fascine par l'aura qui émane d'elle. Il n'y a pas de secret : leur champ énergétique produit un rayonnement qui touche l'environnement . Dans nos environnements professionnels , il peut être utile de mieux situer les personnalités énergivores ( qui vous mangent votre énergie) ou au contraire celles qui vous redonnent du tonus.
Autre dimension proche. J'observe de plus en plus, y compris dans la jeune génération , des comportements multivores.
Le multivore a besoin de faire plusieurs choses à la fois. Téléphoner et marcher, manger et téléphoner, parler à une personne tout en pensant à autre chose. Au bureau, les dossiers s'empilent et les post it aussi : il s'agit de répondre par courriel à la société alpha, de téléphoner presque en même temps au collègue et de noter sur un post it la tâche suivante...Tout ce débordement d'activisme pourrait laisser penser à une super efficacité du style " faire le plus de choses en un minimum de temps". Or les études scientifiques, les constats des formateurs en management confirment que les multivores secrètent du stress en voulant courir plusieurs lièvres à la fois avec le risque de se perdre dans une agitation mentale quasi permanente, même si la personne vous dira qu'elle est très bien organisée. En tant que formateur et coach, quand j'entends que la pratique de manger devant son ordinateur semble devenir une norme dans certains milieux professionnels, je suis inquiet pour ces personnes qui se conditionnent à ne même plus s'accorder le temps de la pause méridienne.
Heureusement, il semble que se dessine aussi un courant émergeant de personnes que je rencontre dans mes stages " efficacité et sérénité en milieu professionnel" et qui veulent, même si les contraintes de charge de travail ou de culture sont lourdes, retrouver le sens de la vie, le sens d'un rythme plus naturel , bref retrouver un second souffle dans leur vie. Je les appellerai les comportements unifiants. La première caractéristique de ce type de comportement est de chercher humblement à réaliser une chose à la fois. Je redis bien une chose à la fois : je téléphone ou je frappe un courriel, je mange avec plaisir un repas ou je lis le journal. Je sors un dossier à la fois sur le bureau pour le traiter. Quel repos pour un cerveau déjà sursollicité par des stimuli toute la journée ! Deuxième caractéristique : la vigilance pour prendre des pauses régulières sur la journée, des pauses pour sortir les yeux de l'ordinateur, le corps du fauteuil, et le mental du dossier xyz. Enfin, la recherche d'un rythme plus proche du naturel, de la nature originelle de l'homme, homme en lien avec notre mère nature. C'est oser vivre davantage dans le présent, dans le souffle de sa respiration. Dans cette recherche de plus d'unité dans sa vie, la méditation de la pleine conscience ou mindfulness ouvre une porte d'accès pour tous. Elle propose de se poser chaque jour dans le silence, dans une attitude paisible et de laisser passer les pensées comme des nuages, d'accepter ce qui vient au mental sans le juger, d'accepter les émotions, les petits inconforts avec ce regard intérieur distancié. Un point de départ dans cette pratique peut être l'attention portée à la respiration, au souffle. Sentir le souffle, sentir l'air entrer par le nez à l'inspiration, sentir l'air sortir par la bouche à l'expiration. Quand notre esprit s'évade vers une pensée, le souffle peut nous aider à revenir à nous mêmes tranquillement, sans jugement. S'exercer régulièrement à ce retour à la respiration consciente est un moyen de retrouver son ancrage dans une présence à soi. Comme l'écrit un des pionniers de la pleine conscience, le docteur Jon Kabat-Zinn (1), "nous nous apercevons que pour arriver à cette "pleine conscience", il sera nécessaire de se répéter encore et encore qu'il faut être éveillé et conscient. S'efforcer à regarder, à sentir, à être."
Bien sûr, je ne voudrais pas vous infliger une pensée binaire avec d'un côté les mauvais multivores conditionnés et les bons unifiants clairvoyants. Nous sommes probablement un certain nombre à vivre cette tension entre le dominant mutlivore dans une société cultivant le culte de la performance à tout prix et le désir originel de retrouver la paix de l'âme en visant une unité entre notre cerveau, notre coeur, nos émotions et notre corps.
Et si nous nous posions de temps à autre cette question qui peut nous aider à revenir du multivore à l'unifiant :
" Maintenant, en ce moment précis, où plane mon esprit ? Suis je éveillé ?"
(1) extrait de " Où tu vas, tu es", ouvrage très accessible au grand public et montrant les chemins de la méditation de pleine conscience dont les bénéfices ont été validés par des recherches scientifiques.
Découvrir la cohérence avec son coeur
Dans le livre best seller "Guérir" publié en 2003, David Servan-Schreiber psychiatre réputé et mort prématurément l'année dernière à l'âge de 50 ans des suites d'un cancer, avait cité, en visionnaire, une méthode parmi d'autres concernant la prévention du stress : la cohérence cardiaque. Aujourd'hui, cette méthode, encore confidentielle en 2003 sur le continent européen, est en train de gagner du terrain. Des personnes visant un régime alimentaire, aux personnes cherchant à mieux gérer leurs tensions et stress au quotidien, jusqu'aux sportifs de haut niveau à la recherche du "petit plus" qui fait la médaille, la cohérence cardiaque est devenue une pratique.
La cohérence cardiaque est fondée sur le constat que notre rythme cardiaque n'est pas homogène. En observant des courbes d'électrocardiogramme, nous observons des différences sensibles d'un battement à un autre. Rien de grave jusque là. En effet, notre coeur a tendance à accélérer à l'inspiration et à rallentir à l'expiration. Les pionniers de la recherche sur la liaison coeur-cerveau ont mis en évidence que, lorsque la respiration est plus ample et sur une fréquence d'environ 6 respirations par minute, soit un inspir sur 5 secondes et un expir sur le même temps, il se produit un curieux phénomène observable sur la courbe d'électrocardiogramme. Le tracé du rythme cardiaque, au lieu d'être chaotique, devient régulier et se compose de vagues de même amplitude. Mais, me direz vous, qu'est ce que cela peut bien changer à ma vie ?
Depuis 2003, de nombreuses études cliniques ont confirmé les bénéfices physiologiques et psychologiques de la pratique de la cohérence cardiaque. Nous pouvons en mettre au moins trois en lumière :
- la réduction du niveau de stress en réduisant la production de cortisol, principale hormone du stress. Ainsi, l'intensité du stress est abaissée et la personne peut prendre davantage de recul, de distance avec ses émotions.
-il y a augmentation du nombre d'ondes alphas, celles qui,en état d'éveil, produisent une attention dans le calme. Ces ondes contribuent aussi à une meilleure mémorisation. Elles stimulent un état de bien être que l'on peut retrouver dans les pratiques de méditation.
- plus globalement, cette respiration en cohérence avec le coeur produit des effets positifs sur le système nerveux autonome en réduisant la tension artérielle et en réduisant le taux de graisse.
Un canadien, le docteur David O'Hare, nutritionniste, s'est même rendu compte qu'en préconisant cette pratique de respiration à des personnes faisant un régime alimentaire, l'efficacité dans la durée était bien meilleur.
Ces résultats apparaissent étonnants pour une pratique qui demande finalement peu de contrainte. En effet, à l'appui de la démarche pragmatique proposée par David O'Hare, il suffit de réaliser le "365", c'est à dire pratiquer 3 fois par jour sur le rythme de 6 respirations par minutes pour une durée de 5 minutes par séquence. Vous venez de le comprendre : 15 minutes par jour réparties sur 3 temps ( matin, midi et soir) permet de s'approprier cette technique et d'en tirer des bénéfices immédiats. Elle peut se pratiquer sans matériel particulier même si les logiciels de biofeeback peuvent permettre de vérifier la régularité de la courbe cardiaque.
Enfin, ce qui me semble utile de souligner, c'est le témoignage de pratiquants qui confirment les bienfaits rapides et réels, notamment dans une forme de distanciation saine avec ses émotions. Explication : la pratique de cette respiration régule notre accélérateur naturel qui fait monter l'adrénaline dans le sang et la moutarde à notre nez en cas de colère, c'est à dire la branche sympathique de notre système nerveux autonome.
Des cadres d'entreprise ayant reçu une formation en cohérence cardiaque ont même témoigné qu'ils avaient l'esprit plus clair, qu'ils s'écoutaient mieux et qu'ils tenaient des réunions plus productives. Par cohérence cardiaque collective ? Et les pilotes de chasse de l'armée de l'air française l'utilisent au sol comme outil de gestion et de simulation face à des situations stressantes en vol.
Cette pratique confirme toute l'importance du coeur dans nos vie et les personnes qui vivent avec un coeur transplanté le savent mieux que d'autres. Françoise Dolto, l'emminente psychanalyste spécialiste des enfants et des adolescents, posait souvent la question magique aux enfants en mal d'être et en besoin d'être consolés : " Qu'est ce que sent ton coeur ?".
La cohérence cardiaque est aussi finalement une manière de reprendre du souffle, une respiration plus ample quand les événements du quotidien et notre rythme de sollicitation pourraient nous entraîner dans l'accélération cardiaque et ses pires conséquences !
Pouce, je respire sur la fréquence 6. Je m'autorise à prendre 1 minute pour 6 respirations abdominales amples en portant mon attention sur le coeur.
Simple, efficace et discrète, la cohérence cardiaque nous ouvre une voie de liaison cerveau-coeur-corps qui peut changer nos perceptions sensorielles, notre regard sur la vie et nous rendre plus clairvoyant. N'est ce pas le Petit Prince de Saint Exupéry qui disait :
" L'essentiel est invisible pour les yeux, on ne voit bien qu'avec le coeur" ...et si l'on respirait aussi bien avec le coeur !
Pour aller plus loin, voir le site du Docteur David O'Hare coherence cardiaque.org. et les vidéos de démonstration.
La dernière conférence avant de mourir
Vous êtes condamné à mourir. La médecine est impuissante. Vous souffrez d'un cancer du pancréas. Votre entreprise vous invite à animer votre dernière conférence devant vos collègues. Vous savez que c'est probablement la dernière fois que vous avez l'occasion de communiquer un message fort, avec le désir profond que chacun garde de vous ce moment "inoubliable" au-delà de la maladie et de la mort. Que seriez vous prêt à exposer devant vos pairs ?
Cette expérience peu commune, Randy Pausch, professeur d'informatique à l'Université de Pittsburgh aux Etats Unis, l'a vécue en septembre 2007, devant plus de 400 enseignants et étudiants, avec un tel charisme que la vidéo (1) a été visionnée plus d'un million de fois sur internet. Moins d'un an plus tard, il mourait du cancer.
En fait, l'essentiel du message de Randy Pausch âgé de 47 ans était articulé sur le thème : aller jusqu'au bout de vos rêves d'enfance. Avec humour, brio, et un enthousiasme communicatif, Randy Pausch, pendant plus d'une heure, nous entraîne dans ses rêves d'enfance .
Cela va d'expérimenter l'état d'apesanteur avec la Nasa, devenir footballeur américain en ligue 1 jusqu'à gagner des animaux en peluche à la fête foraine. Or, Randy Pausch , après une entrée provocatrice en faisant des pompes pour montrer son état de santé, met la salle en état de rire, malgré l'émotion de ceux qui savent qu'il est condamné. Il montre simplement qu'il a cherché à vivre ces rêves comme un "enfant" et que la non réalisation de certains a été aussi source d'enseignement. Ainsi, il ne sera jamais footballeur américain de premier plan . Il raconte l'histoire qu'il a vécu comme joueur quand son entraîneur a décidé de placer ses joueurs à des postes pour lesquels ils n'avaient pas d'aptitude particulière Situation déstabilisante pour chacun d'eux. Et Randy explique que, n'ayant rien à perdre, ils ont mis tout leur coeur à faire le maximum...et ils ont gagné ! Il exprime sa reconnaissance à ses entraineurs qui lui ont donné ces leçons de vie. A l'issue de cette conférence unique menée avec un rythme soutenu et teintée d'une énergie surprenante et d'un humour joyeux , il précise ce qu'il appelle une "feinte pédagogique". Allez au bout de ses rêves d'enfance, je ne vous l'ai pas dit uniquement pour vous...mais aussi pour mes propres enfants !
Pour ma part, ce témoignage étonnant d'un homme qui se sait condamné par la maladie, c'est aussi la visibilité d'une volonté de transmettre un message du coeur, du plus profond sans artifice, sans périphrase, sans masque. Et il fait mouche. Si nous allions au bout de nos rêves d'enfance, comme le suggérait Randy Pausch, en acceptant de ne pas forcément tout réaliser mais de tout faire pour voir où ils nous mènent. Et les rêves d'adulte qui ressurgissent dans notre conscience de temps à autre ne sont-ils pas la résurgence de nos vieux rêves d'enfance ?
(1) voir la vidéo sur youtube : Randy Pausch last lecture
Bonheur mexicain et bonheur américain.
Au bord de l'eau dans un petit village côtier mexicain, un bateau rentre du port, ramenant plusieurs thons. Sur le bord de la jetée, un américain, venu en touriste, complimente le pêcheur sur la qualité de sa pêche et lui demande combien de temps il lui a fallu pour les capturer .
- Pas très longtemps, répond Paolo, le pêcheur mexicain.
- Mais alors, pourquoi n'êtes-vous pas resté en mer plus longtemps pour attraper plus de poissons ? demande l'américain.
Paolo répond que ces quelques poissons suffiront à subvenir aux besoins de sa famille. L'américain demande alors :
- Mais que faites vous du reste de votre temps ?
- Je fais la grasse matinée. Je pêche un peu, je joue avec mes enfants, je fais la sieste avec ma femme. Le soir, je vais au village voir mes amis. Nous buvons du vin et jouons de la guitare. J'ai une vie bien remplie.
L'américain, surpris, lui coupe la parole :
- J'ai un MBA de l'Université de Havard et je peux vous aider. Vous devriez commencer par pêcher plus longtemps. Avec les bénéfices dégagés, vous pourrez acheter un plus gros bateau. Avec l'argent que vous rapportera ce bateau, vous pourrez en acheter un deuxième et ainsi de suite jusqu'à ce que vous possédiez une flotte de chalutiers. Au lieu de vendre vos poissons à un intermédiaire, vous pourrez négocier directement avec l'usine, et même ouvrir votre propre entreprise. Vous pourrez alors quitter votre petit village pour Mexico, Los Angelès et peut être même New York. D'une de ces villes prestigieuses, vous dirigerez toutes vos affaires.
- Combien de temps cela prendrait-il ? demande, perplexe, Paolo.
-15 à 20 ans, répond,sur un ton convaincu, l'américain.
- Et après ? questionne Paolo
- Après, c'est là que cela devient trés intéressant. Quand le moment sera venu, vous pourrez introduire votre société en bourse et vous gagnerez des millions.
- Des millions mais après, qu'est ce que j'en fais ? demande Paolo.
- Après, c'est le grand bonheur. Vous pouvez prendre votre retraite. Vous habitez un petit village côtier, vous faites la grasse matinée, vous jouez avec vos petits enfants. Vous pêchez un peu et vous faites la sieste avec votre femme. Le soir, vous allez au village pour retrouver vos amis, boire du vin et jouer de la guitare.
Tout çà pour çà ? Ce bonheur vu à travers ce conte mexicain peut aussi se relire avec la pyramide de Jacques Lecomte, professeur de psychologie positive (1). Sa pyramide du sens ou encore du bonheur est équilibrée par trois facettes issues d'enquêtes et de synthèse.
- la facette des relations humaines ou dimension affective et relationnelle : nos liens d'amitié, nos relations de famille, l'amour. Pour notre pêcheur mexicain, Paolo, c'est très clair tous les jours : la sieste avec sa femme, le jeu aves ses enfants et ses soirées au rythme de la guitare avec ses amis.
- la facette des croyances et valeurs ou la dimension cognitive. Tout se qui nous questionne, nous fait fabriquer du sens dans nos vie à partir de nos croyances et convictions qu'elles soient humaines, philosophiques, politiques ou religieuses. Paolo croit à l'importance du temps dégagé pour ses proches, sa femme, ses enfants, et ses amis. Son activité économique est uniquement là pour permettre de vivre cette vie sans autre projet de changement. Il incarne le bonheur de l'instant, du carpe diem ( " profitez du présent"), sans se poser de question, d'angoisse sur son avenir. Certainement une force de vie et une différence sensible avec nos modes de vie actuels qui nous mettent souvent une pression pour s'assurer un avenir qui n'est pas construit d'avance.
- la facette de l'action, de l'engagement ou la dimension comportementale. Dans quoi finalement j'engage mes actions, dans le professionnel, une activité de loisir, le champ artistique, sportif, le bénévolat associatif, l'humanitaire, ...? Paolo, lui a choisit de s'engager dans la pêche côtière comme beaucoup de ses voisins pêcheurs. La proposition de l'américain de changer de cap et de dimension économique le laisse finalement sur sa faim.
Il nous interroge finalement sur les bénéfices directes et immédiats que nous retirons de nos engagements. Nous engageons nous en espérant un profit à plus ou moins long terme ou bien nous engageons nous parce que cette action, cette participation à telle cause, telle association, telle entreprise nous donne déjà de la satisfaction, de l'enthousiasme, peut être même de la passion ?
La vision de l'américain n'est pas pour autant à rejeter. Elle est très décalée par rapport à notre pêcheur mexicain qui a trouvé son bonheur sur place. Elle a le mérite de questionner sur sa vision du futur. Est ce que je veux rester pêcheur mexicain parce que j'en suis heureux ou bien est ce quelque chose au fond de moi me taraute et m'invite à aller au large ?
Nous sommes bien souvent tiraillés dans ce jeu d'équilibre entre goûter un bonheur "à la mexicaine" dans le présent et une recherche d'un futur à travers des projets stimulants ou , du moins, visant à satisfaire nos besoins vitaux.
(1) voir sur ce blog article Jacques Lecomte, un opti-réaliste (interview)
FAIRE SA TRACE
La montée est lente, pas à pas, dans un paysage lunaire recouvert d'un tapis blanc de neige. Chaque randonneur emprunte le pas du précédent par prudence et aussi pour éviter que la neige ne cède sous la pression du poids. Devant le groupe, notre guide féminine, d'un pas souple et régulier, ouvre la voie dans la neige vierge. Nous sommes à plus de 1600 mètres avec une vue panoramique baignée de lumière solaire au dessus de la vallée de Louron dans les pyrénées. Cette marche en raquettes à neige me semble aussi ressembler à notre marche dans nos itinéraires de vie.
Comme il peut être confortable de mettre ses pas dans les pas d'un autre, de faire confiance à un guide que l'on sait expérimenté, connaisseur de la montagne et des risques d'avalanche. Nous cherchons souvent une figure d'inspiration, un archétype dirait Carl Jung, le psychanalyste. Certains vont le trouver dans un éducateur, un enseignant qui pourra servir de modèle, d'autres peuvent se perdre à la recherche du gourou qui sait tout et qui rend dépendant. Or, comme notre guide nous y a invité "Maintenant, dans cette portion de descente, vous pouvez faire votre propre trace, goûter la sensation de fendre une neige vierge, oser allonger le pas et même courir avec ses deux raquettes aux pieds !".
Oui, faire sa propre trace est aussi le défi de l'âge adulte dans un monde qui n'est pas nécessairement blanc ou vierge comme ce territoire pyrénéen. Faire sa trace, c'est déjà oser prendre un itinéraire à soi qui n'est plus celui du voisin, c'est trouver son propre rythme de vie , s'adapter au terrain gelé, dur ou tendre suivant l'ensoleillement. Faire sa propre trace, c'est goûter l'exaltation de bonds en raquettes, comme des rebonds parfois inattendus dans la vie.
En pensant aux ours réimplantés dans les pyrénées et qui hibernent près de 3 mois durant la saison hivernale sous la neige et ,pour les femelles avec la possibilité de mettre bas des petits ours pas plus gros que des pelottes de laine, je suis très étonné que ces animaux puissants et qui peuvent courir à près de 50 km/heure restent quasiment immobiles durant autant de temps. Grande différence avec les humains que nous sommes et qui avons besoin sans cesse de mouvements, de stimulations sensorielles, intellectuelles ou affectives. L'ours, qui sait aussi se comporter de manière autonome, nous questionne sur notre rythme de vie.
Faire sa trace suppose aussi des temps d'observation du paysage pour trouver l'itinéraire le plus sûr et des temps de pause pour refaire ses forces et se réhydrater. Faire sa trace, y compris dans les groupes de randonneurs en raquettes, c'est faire silence en soi et entendre simplement le bruit des raquettes sur la neige, sentir un fond d'air frais montagnard sur ses joues, ouvrir les yeux sur le bleu du ciel couvrant le blanc du sommet.
Et si faire notre trace dans notre existence terrestre, c'était aussi goûter le silence à l'intérieur de soi pour ouvrir nos sens à ce qui nous est donné dans l'instant, ici au coeur d'une rue piétonne d'une ville, d'une galerie marchande, ou encore là au milieu d'un espace bureautique, d'un atelier de travail.