Marcher, une activité gratuite et inépuisable sur terre
20 juillet 1969, l'astronaute américain Neil Amstrong, qui vient de décéder, pose le premier pied humain sur la lune avec une formule devenue célèbre : " C'est un petit pas pour un homme mais un pas de géant pour l'humanité". Marcher sur la lune est l'accomplissement de toute une recherche scientifique menée par la Nasa américaine et rendue possible par le choix du gouvernement américain d'engager un budget énorme à la hauteur de ses ambitions face au bloc soviétique dans les années 60. Plus de quarante après, les expéditions sur la lune se sont arrêtées, le mur de Berlin est tombé, et peut être sommes nous invités à "revenir sur terre", à regarder plus simplement notre marche sur terre.
C'est l'acte physique le plus partagé dans le monde quelles que soient les cultures . Nous marchons pour aller à notre travail chaque jour, nous marchons pour aller prendre un bus, un tram ou un métro, nous marchons pour nos déplacements urbains. En vacances, il y a la petite marche pour se rendre à la plage ou pour d'autres, la marche randonnée en montagne ou même la marche plus longue sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle de plus en plus pratiquée. Et plus dramatiquement, des hommes des femmes et des enfants marchent pour fuir les lieux de combat et trouver des campements de réfugiés.
Remarquons au passage, dans notre société du XXIème siècle, l'apparition de moyens de déplacements plus ou moins sophistiqués et coûteux : trottinette électrique, vélo électrique, gyropode sur route et sur mer, kite surf, stand up paddle (1), ... Et si nous revenions aux vertus de la marche sans rien et sans bâtons (2).
Je ne parles pas de toutes les fois où je marche sans faire attention à ma marche. Je marche avec un ami dans la rue et je parle en marchant. Je marche avec les écouteurs branchés sur mon mp3. Je marche en pensant à mon prochain projet, dossier, truc ou machin. Je marche sans être là et en étant ailleurs. Je marche comme si cela allait de soi. Les personnes qui se retrouvent, après un accident, dans un fauteuil roulant mesurent plus que d'autres toute la valeur de l'acte de pouvoir marcher avec deux jambes.
Marcher avec conscience se pratique dans des ateliers d'art interne comme le qi kong, le zen ou encore dans les stages de développement personnel. La consigne est souvent celle ci : " Rallentissez votre rythme, mettez votre conscience dans vos pieds et sentez". Et là, nous redécouvrons la dépose de notre talon sur le sol, la relance par la pointe du pied, notre manière plus ou moins souple de passer du talon à la pointe du pied. Il se passe souvent une sensation nouvelle pour les pratiquants : le mental est débranché, nous sommes nos pieds, nous sentons vraiment le déplacement de chaque pied, le contact avec le sol et sa tonalité, parquet, sol plastifié, béton, herbe, gravier ou autre. Dans notre vie quotidienne, cette pratique de la marche consciente nous ouvre aussi un chemin nouveau. Je marche et je suis là avec mon rythme, ma respiration, le contact avec le sol, j'habite l'instant. Tiens, et si je ralentissais mon pas. Et si je respirais plus amplement, plus tranquillement. Et si maintenant, je m'arrêtais pour observer...les arbres sur mon trajet que je n'avais jamais remarqués, cet écureuil agile qui saute de branche en branche.
Marcher avec conscience régulièrement, c'est un petit pas pour soi mais pratiquée par de plus en plus de personnes, ce pourrait être un grand pas pour l'humanité. En effet, marcher avec conscience, c'est se donner la possibilité naturelle de ne plus être suspendus au gré d'un mental qui s'emballe parfois et qui crée fossé, rupture, conflit entre les hommes. C'est apprendre à vivre davantage reliés entre terre et ciel et à goûter pas après pas cette sensation d'unifier notre corps, notre mental et notre âme.
(1) le stand up paddle est une planche sur laquelle le pratiquant est debout et se propulse sur l'eau ( mer, rivière ou lac) avec une seule rame.
(2) la marche avec bâtons fait référence à la marche nordique dont la pratique se développe notamment chez les séniors. Elle mobilise tous les muscles du corps, allège la pression sur les pieds et les articulations. Elle est bénéfique pour le maintien et le renforcement d'une condition physique générale.
savoir attendre, un art ?
Plus d'une heure que j'attends dans cette clinique en service urgence pour consulter un médecin et effectuer une radio. La salle d'attente est surchargée, je ne peux même pas m'asseoir et , en plein été, la chaleur est accablante pour tous. Enfin, mon numéro est appelé, je rencontre un médecin mais il me faudra encore une demi-heure d'attente pour réaliser la radio. Et en prime, une infirmière me laisse "poireauter" un bon quart d'heure dans la pièce fermée sans fenêtre, cloîtrée à demi obscure de la radiographie avant que la porte ne s'ouvre et laisse apparaitre le radiésthésiste. Ouf ! L'attente est finie. Cette expérience d'attente longue sans certitude du temps, chacun de nous en a vécu avec plus ou moins d'émotion négative allant de l'impatience, à l'irritation, et même parfois à la colère quand les nerfs sont à bout. Pourtant, à y regarder de près, nous sommes concernés très fréquemment par l'attente et pas uniquement dans une salle d'attente d'hôpital.
L'attente de l'automobiliste à l'entrée de Paris quand le bouchon des arrivants se gonfle le matin, l'attente à la caisse d'un supermarché, l'attente sur le quai de gare, de tram ou de bus. L'attente d'un(e) ami(e) à un rendez vous donné sur un lieu précis. L'attente des résultats d'un examen, d'une réponse à une demande, ou encore l'attente d'un accord pour être aidé dans un projet...L'attente des parents dans la grossesse et l'accouchement d'un enfant. L'attente des personnes âgées isolées et quêtant la visite de l'aide à domicile...
Comment chacun vit-il ces diverses attentes ?
Moment perdu, temps gaspillé, stress pour certains qui veulent rentabiliser tous les moments de l'existence. Occasion de souffler, de sortir du rythme imposé pour d'autres. A quoi pense t'on dans ces moments d'attente ? A la manière dont nous pourrons rattraper ce temps perdu ? A des préoccupations ou ruminations professionnelles ou personnelles qui reviennent en boucle ? Ou encore , dans une salle d'attente, le réflexe conditionné sera de se jeter sur le premier magazine ou dans une fille de bouchon routier mettre la radio ...Et parfois "prendre son mal en patience" et engager une conversation d'attente avec un voisin ou une voisine dans la même situation.
Et si ce temps d'attente était un temps béni pour nous inviter à nous recentrer sur l'instant présent ?
Tiens, je prends le temps de me poser sur ce siège de salle d'attente et de découvrir l'environnement, les couleurs, l'odeur... Là, dans cette queue de caisse de supermarché, je prends le temps d'observer les gestes de la caissière très affairée ou cet enfant qui joue avec un objet acheté par sa mère. Ou encore, dans ma voiture, je me recentre sur ma respiration pour la rendre plus ample, et retrouver un calme intérieur. Attendre devient alors une belle opportunité de nous confronter à nous mêmes, à notre capacité d'accueil de notre impatience, de notre vide ou vagabondage mental, et à trouver peut être une troisième voie pour la vivre pleinement comme un temps qui compte.
Florent Pagny, avec sa chanson "Savoir aimer", le déclame à sa façon :
Savoir attendre, goûter à ce plein bonheur qu'on vous donne comme par erreur.
Pour ma part, je garde le plein bonheur et j'élimine l'erreur. Attendre, c'est aussi ne pas vouloir tout maîtriser autour de soi et d'abord le temps. Attendre, c'est renoncer au mythe de l'homme autocontrôlant et entrer dans le rythme des saisons. Le temps de semer, le temps d'arroser et d'entretenir sa terre, le temps de l'hivernage et le temps du printemps, de la récolte.
Attendre , compte tenu du temps cumulé au fil de nos vies humaines, mérite d'être regardé comme un art. Art de revenir au présent, à soi, art d'observation des autres, du lieu, art de maintenir son mental dans le renoncement au "tout, tout de suite" pour l'orienter vers l'écoute de soi, de ce que je peux me dire à ce moment là sans précipitation, ni regard extérieur.
Attendre, c'est une belle occasion de parler de soi à soi !
Pourquoi les arbres nous font-ils tant de bien ?
Pourquoi les arbres nous font-ils tant de bien ?
En cette période estivale où l'arbre est déjà synonyme d'ombrage solaire, de recherche de fraîcheur par temps de canicule, je m'interroge sur la valeur psychologique des arbres dans leur immense diversité et dont la plupart vivent bien au delà de la durée moyenne d'une vie humaine (1). J'ai eu la belle occasion de rencontrer récemment Francis HALLE, spécialiste reconnu mondialement en matière de botanique des arbres. Et j'emprunte volontiers le titre de cet article à un chapitre de son dernier livre (2).
Certes, l'arbre en tant que plante répond déjà à quatre fonctions pour l'être humain : servir à la consommation notamment avec toutes les catégories de fruits continentaux ou exotiques, contribuer à la composition d'un médicament, contribuer à la fabrication des matières premières comme le papier ou encore servir de bel ornement autour des lieux de vie et des habitations. Mais Francis HALLE nous montre que l'arbre répond à des besoins encore plus subtiles.
Une enquête menée à Chicago, ville réputée (hélas) pour le taux de sa criminalité, a démontré que les habitants des quartiers difficiles qui avaient la chance de voir un ou des arbres devant leurs fenêtres (et non pas seulement du béton) avaient des relations plus calmes avec leurs enfants et leurs voisins. La raison : l'arbre apaise l'esprit agité et le fait de pouvoir laisser reposer son regard sur un feuillage réduit la fatigue mentale et augmente la faculté d'attention. Et les zones urbaines dans cette ville à plus forte densité d'arbres sont les zones dans lesquelles le taux d'agressions est le plus faible ! Explication : les arbres stimulent la rencontre en dehors des appartements et les gens dehors peuvent davantage surveiller l'environnement et notamment les enfants moins livrés à eux-mêmes. Intéressant de constater cet effet "arbothérapeutique" en cascade car la présence d'arbres modifie le style de vie dans ces quartiers.
En dehors de ce cas spécifique, je constate pour ma part que l'arbre et la forêt sont des espaces de ressourcement essentiels autour des villes. A Londres, les anglais vont régulièrement dans les grands parcs londoniens ( Hyde park, Green park...) à la pause méridienne et profiter de la pelouse pour se détendre en sortant du travail. L'été, sur le littoral méditteranéen, la recherche de pinède composée de pins parasols est très recherchée par les touristes près des étangs pour trouver un peu de fraîcheur par temps de canicule. Quant aux pratiquants de gymnastique chinoise de bien être comme le tai chi chuan ou encore le qi gong, ils aiment pratiquer en plein air ( quand c'est possible) et souvent à proximité d'arbres, comme si l'énergie de l'arbre les attirait naturellement...
L'arbre reste en tout temps un formidable être vivant offert au symbolisme. Pensons aux arbres de décision, à l'arbre avec ses branches et ses sous branches pour dessiner une carte heuristique, ou encore à l'arbre droit en gymnastique...
En psychologie positive, je vous propose trois dimensions de l'arbre pour nous aider à repérer notre croissance intérieure :
Les racines qui incarnent nos valeurs "racine", celles qui nous font tenir debout au delà des épreuves de la vie.
Le tronc qui garde la trace de notre vécu depuis la naissance protège notre âme. Ce tronc, c'est notre cuirasse de "ressources" capable de nous stimuler pour trouver des solutions, sortir d'une impasse ou encore faire face à une adversité.
Le feuillage et ses fruits constitue notre fécondité sur terre, ce que nous produisons non seulement en tant que faire ou en tant qu'activité mais aussi en tant qu'être humain doué de sensibilité, d'empathie avec son environnement ou encore de créativité.
Dessiner son arbre, c'est assurément descendre au plus profond de son humanité pour se la révéler.
(1) des pins de la californie ont plus de 5000 ans et l'arbre le plus âgé, le Lomatia situé en Tasmanie aurait plus de 43 000 ans, donc né à l'époque de l'homme de Neanderthal !
(2) " Du bon usage des arbres : un plaidoyer à l'attention des élus et des énarques", Actes Sud; 2011.
MEDITER POUR DESCENDRE AU FOND DE SON OCEAN
" Méditer, c'est aller au fond de l'océan où tout n'est que calme et tranquille. Une multitude de vagues a beau agiter la surface de l'océan, ses profondeurs n'en sont pas affectées pour autant, elles demeurent dans le silence. Tous nos tourments quotidiens s'évanouissent d'eux mêmes. Une paix s'intalle en nous" . Sri Chinnoy
L'été qui brûle avec sa chaleur est bien une invitation à stopper nos affaires courantes pour nous mettre au repos. L'occasion de revisiter la méditation, pratique émergente dans notre monde , à l'image d'une plongée sous marine dont j'ai fait l'expérience récemment.
Sur le bateau de plongée, tous vos sens sont en alerte. Le regard est attiré par le bleu de la mer, les oreilles sont baignées par le bruit du bateau et le vent marin. Le mental se prépare à effectuer une plongée surtout quand il s'agit d'une initiation comme ce fut mon cas.
Avant d'entrer en méditation, nous sommes ballotés par tout ce qui se présente autour de nous. Notre cerveau très alerte peut passer d'un souvenir de vacances sur un bord de plage à une préoccupation sociale ou familiale en un quart de secondes ou encore à ce qui est programmé de faire dans notre journée. Parfois, la houle cérébrale est si forte que des allers retours incessants se heurtent comme les vagues se brisent sur les rochers.
Plongée. Tout notre corps descend progressivement dans l'eau marine. Les sons terrestres disparaissent. La respiration, par le détendeur relié à la bouteille d'air, est exclusivement par la bouche et elle est la plus présente en sonorité. Je m'entends inspirer et surtout expirer. C'est rassurant dans un milieu aquatique où la communication humaine ne peut se faire que par signe visuel. L'index et le pouce joints en forme de cercle signifient : "Ok, tout va bien".
Plonger en méditation, c'est aussi revenir à soi, à sa propre respiration, ce soufle de vie. Reprendre conscience de son inspire et de son expire. Ce simple mouvement intérieur nous coupe déjà d'une part de l'agitation incessante du cerveau pensant. Comme le plongeur, ce premier palier nous relie plus intimement à nous mêmes.
Le fond marin est atteint. Beauté des coreaux , d'une daurade qui passe son chemin, d'une étoile de mer reposant sur le sable et de failles dont l'obscurité intrigue. Le monde du silence a arrêté nos montres. Le temps au fond n'est plus un temps chronologique. L'hypervigilance du plongeur dans son exploration lui commande de rester toujours en alerte. Alerte sur sa consommation d'air, alerte sur la proximité de ses coéquipiers surtout en eau trouble, alerte pour gérer sa flottabilité au fond lestée par des plombs et éviter l'erreur du débutant, une remontée trop rapide.
Au fond de la méditation, il existe un espace dans lequel le temps n'a plus prise. Les pensées de surface se contentent de passer comme les poissons autour du plongeur. Le méditant est simplement là , assis sur une chaise, un banc , à genoux ou encore en position de lotus. Quelle que soit sa position physique, il est en accueil de ce qui se présente à lui. Et si une étoile de mer radieuse se présente à son observation, comme le plongeur, il se contentera de l'observer, de la laisser vivre dans son milieu naturel. Détachement et présence.
Retour à la surface pour le plongeur. La remontée avec une charge de près de 20 kilos sur le dos, gilet stabilisateur et bouteille d'air n'est pas très aisée par l'échelle de plongée à l'arrière du bateau. Ouf ! Tout le matériel est retiré. J'en ressent un profond sentiment de libération. Les plongeurs remontent l'un après l'autre. Le ciel méditteranéen est au zénith, bleu sous un soleil réchauffant. Cet air marin recharge l'esprit encore plein d'émotions indicibles révélées par les profondeurs de la mer.
La méditation se termine. Le méditant reprend pied dans son environnement, le contact avec la pièce dans lequel il se trouve. Est il plus léger, plus lourd de cette exploration intérieure ? Toutes les situations sont observables. Mais quelque chose d'infime a pu bouger. Cet air autour de lui, cette ambiance autour de ses pensées, il y a un zeste de quelque chose de nouveau. Comme le plongeur qui a goûté ce plaisir unique au fond de l'océan, le méditant aspire à retrouver cette profondeur avec lui même.
Et si finalement méditer , c'était explorer nos fonds marins pour mieux nous connaitre, pour mieux nous retrouver. L'exploration peut nous faire découvrir des fonds troubles, des épaves comme de belles étoiles de mer.
Articles sur ce blog pour aller plus loin :
Mindfulness ou la méditation de pleine conscience
passer de l'agir au non agir