Le Dalaï-Lama et sa vision du bonheur
Installé dans un train TGV roulant à pleine vitesse dans la nuit et qui m'emporte de Montpellier vers Paris , mon voisin dort et récupère de sa nuit, que faire ?
Lire "mettre en pratique le pouvoir de l'instant présent" d'Eckart Tollé , ouvrir l'ordinateur et avancer un travail, ou me rendre à la voiture bar pour me délasser le corps en marchant ?
Non, je fais un autre choix : je glisse le cd audio " l'art du bonheur dans un monde incertain" dans mon ordinateur portable, je coince les oreillettes blanches dans mes oreilles même si les propos entendus auraient sans doute profité positivement à tous les passagers de la rame et j'écoute.
Emporté à plus de 200 km/h dans un jour en train de se lever, je garde mes oreilles attentives à un message étonnant d'un homme dont le rayonnement est devenu universel : sa sainteté le Dalaï-Lama.
Dès le premier chapître, il place le bonheur dans la relation entre soi et la communauté. Mais quelle communauté ? En effet, il observe que notre monde occidental s'est très vite individualisé, les voisins de palier en ville ne se connaissent plus forcément et une enquête aux Etats Unis, à quelques annnées d'intervalle, montrait qu 'en moyenne un américain avait trois amis proches il y a quelques années et qu'aujourd'hui, la moyenne est descendue à deux. Aussi, avec douceur, le Dalaï-Lama nous pose la question : " A quelle communauté nous sentons nous vraiment reliés ?" A celle de notre quartier, de notre paroisse, de notre travail, de notre association, ou encore celle plus virtuelle d'un réseau social sur internet ? Selon lui, l'homme occidental souffre d'un manque de sentiment d'appartenance, à l'opposé du peuple tibétain malgré l'occupation chinoise. Notre bonheur, reprend-il, dépend de cette relation entre le "je" et le "nous". Et effectivement, en faisant un pont avec la pyramide de Robert Dilts, expert en programmation neurolinguistique, celui-ci place , en haut de celle ci, l'appartenance à un groupe qui peut aussi donner sens à sa vie. Observons que les personnes très engagées dans un combat social, humanitaire, pour la justice sont généralement reliées à un groupe existant ou encore un groupe qui s'est constitué sous l'influence de leur charisme.
Le bonheur vu avec le sourire malicieux et la sagesse du Dalaï-Lama, devenu dès 15 ans chef de l'Etat du Tibet, ne s'écrit pas seul comme pourraient le laisser croire certaines approches du développement personnel. Pour le cultiver, il s'agit d'abord de s'interroger sur notre lien à la communauté, notre forme de lien social. Trois petites questions pour faire un petit pas vers ce bonheur local :
- Suis je en bon terme, relié avec mon et mes voisins de quartier, de village ?
- Suis je prêt à coopérer à cette communauté locale ?
- Sinon, qu'est ce qui m'en empêche vraiment ?
Enfin, il est frappant de constater qu'en matière de terminologie, le terme "communauté" renvoie ou bien à des communautés religieuses, ou bien à des collectiviés territoriales qui sont constituées en communauté de communes et d'agglomération dans les grandes villes.
Et en écho avec les mouvements solidaires autour du développement durable, le slogan "moins de bien, plus de lien" prend tout son sens. Et je construit un dernier pont : " Plus de lien, plus de sentiment d'appartenance et plus de raison d'exister vraiment".
A vous maintenant, quel sera votre pont ?
ANSELM GRUN, moine manager au grand coeur
Avec sa grande barbe autour du visage illuminé par un sourire radieux, Anselm Grün, âgé de 67 ans incarne déjà en soi une forme de sagesse des temps modernes. L'homme sort des clichés traditionnels du moine bénédictin qu'il est devenu à l'âge de 19 ans car il n'a pas quitté, depuis cet engagement précoce, l'abbaye de Mûnsterschwarzach implantée en Bavière.
Se définissant comme un soigneur des âmes, il est père abbé et manager ou cellérier d'une abbaye de plus de cent moines, conseille des grandes entreprises allemandes et propose un accompagnement psychologique et spirituel à de nombreuses personnes venant le solliciter.
Et il est de plus en plus reconnu comme un auteur international de "best sellers" dans un domaine reliant le spirituel, la psychologie et le développement personnel avec, à son actif, plus d'une trentaine d'ouvrages. Comment expliquer un tel attrait du public pour cet homme appelé à vivre dans le retrait de la vie monastique ?
D'abord, ce qui attire quand on pénètre dans la lecture de ces ouvrages, c'est la clarté, la luminosité du style sans tomber dans le simplisme d'explication car les références sont nourries autant aux sources des Pères de l'Eglise que de sources psychologiques modernes. Ainsi, dans un de ses ouvrages phares "Invitation à la sérénité du coeur", il montre que les techniques de méditation pour trouver la paix remontent aux premiers siècles avec Evagre le Pontique, moine oriental et Jean Cassien qui, dès le IIIème siècle, se retira dans le désert d'Egypte.
Quand il accompagne une personne, il pose régulièrement cette question: " A quel moment, vous êtes vous sentie le mieux dans votre enfance, à quel moment avez vous pu jouir de l'instant en vous oubliant totalement ?". Avec force de clairvoyance, il estime que chacun peut trouver son propre chemin de croissance humaine et spirituelle en tenant compte de son enfance, de ce qu'il a éprouvé en joie et désir et que l'adulte recherche à retrouver d'une manière ou d'une autre dans sa vie. Généreux car répondant à de multiples sollicitations les plus variées pour donner des enseignements de sagesse, il rappelle souvent que la paix, le repos de l'âme pour lutter contre le stress et l'intranquillité de l'esprit , c'est aussi apprendre à sortir de l'agitation qui "vient souvent du fait que nous voulons faire trop de choses à la fois et que nous sommes entourés de trop d'objets".
Et si la voie de la sérénité intérieure passait par un désencombrement de nos vies...
La joie de vivre
1952, l'oeil du photographe Willy Ronis est arrêté par un jeune garçon qui semble s'envoler avec sa baguette de pain sous le bras. Cette photographie en noir et blanc demeure un grand classique et semble éternelle. Pourtant, nous ne sommes plus en 1952 mais 60 ans plus tard. Ce petit garçon en short avec sa longue baguette de pain sous le bras, comme j'aimerais à nouveau le croiser au coin d'une rue. Qu'est ce que cette photographie de l'instantanéité d'un quotidien nous révèle t'elle qui traverse le temps en préservant toute la force de l'émotion ?
Je crois que l'ensemble est un appel à la joie de vivre au coeur de la banalité du quotidien. Partons de l'atmosphère générale. La rue semble plutôt laide, sans décor avec un mur noirci. Mais elle illuminée, presque transfigurée par le regard rireur et jovial de ce jeune garçon. Et puis, il n'est pas statique, il nous entraîne dans son élan. Un pied est hors du sol et l'autre semble à peine posé : il survole l'espace du trottoir. Remontons. L'oeil est frappé par la longueur démesurée de la baguette de pain qui semble aussi longue que la taille de son porteur ! Pourtant, elle ne l'écrase pas. Au contraire, il la tient d'une main ferme sans être raide et son autre main est , comme ses jambes, dans le mouvement. Tout ce petit corps mince se propulse avec légèreté vers l'avant, vers demain. Enfin, la lumière sur ce visage joyeux nous saisit dans l'émotion.La bouche rieuse, les yeux ouverts sur l'avenir et teintés d'un brin de malice , ce visage nous parle et nous dit :" Que c'est bon la vie !".
Prenons un peu de distance et ressaisissons l'ensemble. Un petit lutin, probablement à l'heure méridienne, s'élance avec fierté, rire et élan sur un trottoir, porteur d'une baguette de pain pour sa famille.
C'est le petit prince des temps modernes. Il nous fait signe avec un clin d'oeil : " Et si nous portions nos baguettes de pain avec ce même enthousiasme rieur ?" A vous de transformer en 2012 la métaphore attachée à la baguette de pain...