VIVRE SANS POURQUOI...et avec des COMMENT
VIVRE SANS POURQUOI est le titre de l'ouvrage du philosophe suisse Alexandre Jollien. Après 17 ans de vie en institut spécialisé lié à son handicap d'infirme moteur cérébral, il reprend des études de philosophie, et devient un auteur reconnu. Quel parcours de vie ! Et ce n'est pas fini, pour suivre son maitre spirituel, il décide avec sa femme et ses trois enfants de partir en Corée du Sud. Cet ouvrage ( 2015) relu à l'occasion de la trêve de Noël m'a enthousiasmé par un lien fort entre l'adaptation à cette nouvelle vie audacieuse et la recherche profonde, authentique d'Alexandre dans un cheminement spirituel qui le fait ami de Jésus comme de Bouddha. Il témoigne avec humour à la fois de sa difficulté à créer du lien dans une culture qu'il cherche à apprivoiser et le message de son maitre spirituel de lâcher prise, de vivre ce qu'il a à vivre. Sa relation avec la méditation ( 1h par jour) le montre en train de faire face à ce qu'il appelle Mental FM et tous ses tourments et ruminations qui reviennent, mais heureusement la grande marmite de la conscience est à même de tout accueillir. Décidément, je me prends trop au sérieux, écrit-il. Trop d''agitation du mental en cours de journée, et hop, un réflexe, descendre en soi à la première occasion. C'est ce qu'il appelle des "mini retraites" à se prescrire pour retrouver la source. Clair, limpide, maniant humilité et humour, Alexandre nous entraine chapitre après chapitre dans sa folle sarabande coréenne et j'entends une musique douce à mes oreilles.
Sortir des pourquoi. Pourquoi cela n'arrive qu'à moi ? Pourquoi ce drame ? Pourquoi on n'a pas pensé à moi ? Pourquoi autant d'agressivité , de haine, de violence ? Stop. Arrêtons ce cinéma du mental qui ne fait que nous focaliser sur de stériles ruminations qui ne changeront pas le monde. Une alternative ?
Et si je remplaçais le pourquoi par le comment recentré sur ma petite personne un peu dépouillée de son égo. Et comment je pourrais contribuer à moins d'agressivité, moins de violence déjà autour de moi ? Comment partager un peu plus ce qui me fait vivre et nourrit mon Espérance ? Et ainsi, faire de la question un simple point de départ pour agir et avancer même s'il s'agit d'un tout petit pas.
LE PREMIER CADEAU DE NOEL
Noël, ses hypermarchés gonflés à flot de marchandises, de jouets, de boîtes de chocolat, de vins,... vitrine de notre société de consommation durable. A côté, dans l'intimité des églises, résistent les messes de minuit pour rappeler le sens premier de Noël : il y a plus de 2000 ans, un certain Jésus est né dans l'humilité d'une étable. Que l'on croit ou non à ce rite chrétien, il me semble que nos contemporains ont souvent perdu le sens du premier cadeau rappelé en ce temps de Noël : l' ESPERANCE, cadeau donné à chacun à sa naissance.
Le cri du premier né dès l'arrivée au monde, cri de respiration est aussi cri de la vie : "Oui, me voici, j'existe !". L'Espérance, premier cadeau , c'est le " je crois à la vie qui m'est donnée". Durant son parcours terrestre, il passera par toutes sortes d'épreuves, de deuils, de chocs émotionnels plus ou moins profonds, de maladies ponctuelles ou durables....
La question reposée à l'adulte : où en es tu avec ton cadeau de naissance ? Où est ton ESPERANCE ? Certains dépassés, humiliés, anéantis, avec un sentiment de victime peuvent répondre : elle n'existe plus, ce monde me l'a pourrie. Pourtant, en observant plus finement les signes de notre temps, je suis souvent touché quand des personnes témoignent à leur manière, y compris dans les épreuves, de ce feu de l'ESPERANCE. Antoine Leiris , auteur du livre "Vous n'aurez pas ma haine", d'un documentaire récent et qui a perdu sa femme Hélène dans l'horreur de l'attentat du Bataclan à Paris en novembre 2015. Son message fort, authentique est vraiment emprunt d'ESPERANCE : je ne veux pas tomber dans le cycle de la vengeance, de la violence, malgré toute ma douleur. J'ai à élever seul mon petit garçon et je crois que je vais lui donner tout l'amour dont il a besoin. L'ESPERANCE n'est pas simplement un "je crois que çà ira mieux demain", elle est un regard posé, focalisé sur les signes du présent qui annoncent le possible de demain. Plus discrètement, ces milliers de gestes de rapprochement entre communautés religieuses chrétiennes et musulmanes, dans le prolongement des actes terroristes en 2015 en France. Oui, j'ai vu des musulmans prier avec des chrétiens. Les personnes dites résilientes selon la belle formule du psychiatre Boris Cyrulnik, lui-même enfant de la résilience ( toute sa famille a disparu dans les camps de concentration) sont des signes que la vie peut revenir après la mort, la dépression, le fond du gouffre. Comme l'exprime avec poésie l'écrivain, Agnès Ledig ( sage femme de métier) : "La seule chose qui compte, c'est de remonter à la surface. Quels que soient l'angle ou la vitesse d'ascension". L'ESPERANCE, cette force de vie, graine à la naissance, peut se cultiver justement à travers les épreuves de la vie d'adulte. Nous grandissons en ESPERANCE quand nous apprenons à voir chaque jour les "cadeaux" qui nous sont donnés. Je n'évoque pas forcément les réussites sociales, professionnelle, en business et cie. Simplement un partage avec un collègue inattendu de vérité, un prêt spontané d'un livre, d'une carte de rando, un sourire d'empathie ou un grand rire qui nous ramène à relativiser les petits soucis...
Sourde, aveugle et muette, Helen KELLER, au siècle dernier, avec l'aide d'une éducatrice persévérante, obtiendra un diplôme universitaire et deviendra écrivain et militante pour la cause des personnes handicapées. Avec une formule interpellante, elle nous réveille à notre ESPERANCE, qu'elle a su avec persévérance, courage et détermination cultiver :
Lorsqu'une porte du bonheur se ferme, une autre s'ouvre
mais parfois on observe si longtemps celle qui est fermée
qu'on ne voit pas celle qui vient de s'ouvrir à nous.
L'ESPERANCE est une force intérieure qui oriente notre regard, notre attention vers ce qui donne la vie. C'est une petite flamme allumée à la naissance qu'il nous appartient d'entretenir pour croitre en vitalité et la partager. L'ESPERANCE est contagieuse.
”