Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Michel BERNARD

Ce qui nous lie et nous relie

25 Juin 2017 , Rédigé par Michel BERNARD Publié dans #films

Ce qui nous lie et nous relie

 

Ils s’appellent Jean, Juliette et Jérémy. Ils sont frères et sœur élevés dans le culte de la viticulture bourguignonne au sein d’un domaine familial qui se transmet de génération en génération. Mais ce qui aurait du être un passage de témoin traditionnel va être percuté par le départ précipité de l’aîné, Jean qui ne supporte plus l’emprise du père. Il part faire le tour du monde et ne revient que…10 ans plus tard quand il apprend que son père est proche de la mort.

Le retour de Jean, enfant prodigue ( ?), sac sur le dos et à pied sur la route conduisant au domaine familial au cœur du vignoble est la première scène de ce film plein de tendresse, d’humanité, de fraternité au sens du lien entre frère et sœur, réalisé par Cédric Klapisch avec des belles couleurs de vignobles et des personnages confrontés au lien à la terre et à la famille. C’est aussi une histoire qui, au-delà des liens entre nos trois J, Jean, Juliette et Jérémy, raconte comment l’enfance, l’enfant intérieur conditionne beaucoup de nos comportements d’adultes. Prêt(e) pour une lecture non cinématographique et plus attentive à un décodage du lien entre adulte et enfant ?

Jean, en arrivant dans la cour du domaine, observe les deux petits bouts de corde restés accrochés sur la branche du chêne, archive vivante de la balançoire. Par la pensée, il revoit la course à trois pour être le premier à s’asseoir sur la balançoire. Jeu où ils finissent tous ensemble sur la balançoire. Cette scène revient par ellipse périodiquement dans le film.

Au fil des retrouvailles dont je ne vous révèle pas les phases fortes en émotions pour préserver votre fraîcheur de futur spectateur, Jean va même dialoguer avec le petit Jean de son enfance. Il est tiraillé entre rester pour soutenir Juliette et Jérémy afin d’assurer la pérennisation du domaine viticole et son désir de revenir près de sa compagne restée en Australie avec son jeune fils, Ben. Le cœur d’enfant réveille l’adulte qui veut d’abord vendre le domaine pour rentrer en Australie car il a besoin d’argent. Que lui dit son enfant intérieur ?

Un enfant blessé par la non reconnaissance du père qui l’a toujours critiqué devant son frère et sa sœur. Un enfant qui va « purger » à l’hôpital devant son père inconscient toute sa rancœur. Il est debout devant le lit (mais la caméra nous cache le visage du père et nous montre pudiquement que ses bras posés à plat sur le lit) et crie sa colère rentrée trop longtemps de tout ce passé où il ne s’est pas senti aimé, reconnu, soutenu par son père.

Cet enfant blessé va changer de posture quand (je ne vous dévoile pas le comment), il découvre qu’en fait son père était fier de lui et aurait voulu lui transmettre tout son savoir-faire de viticulteur. Ainsi, un dialogue interne fait rage entre la blessure d’enfance et l’émergence d’un enfant réhabilité par cette découverte et qui retrouve son énergie, son élan de vie prêt à se donner.

Une belle scène du film nous montre les deux Jean, le Jean adulte et le Jean de 10 ans à une fenêtre de la maison familiale, chacun cherchant son horizon.

Juliette, la soeur « coincée » entre l’aîné, Jean et le jeune Jérémy, manquant indéniablement de confiance en elle va aussi faire un beau chemin de réconciliation avec ses peurs d’enfant pour reconnaître son talent de viticultrice capable par elle-même (et sans l’aval du grand frère aîné) de déterminer le meilleur jour pour commencer les vendanges.

Belle invitation à chacun, chacune pour retrouver un dialogue avec son enfant intérieur, enfant souvent tiraillé entre une blessure originelle et un potentiel de vie, d’élan créateur comme le disait si bien Guy Corneau, psychanalyste québécois dans son livre « le meilleur de soi ».

La manière dont nous réhabilitons notre enfant intérieur blessé conditionne la guérison du lien que nous avons avec nous-même et par ricochet avec les autres.

Lire la suite