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Le blog de Michel BERNARD

Une minute de silence pour commencer

26 Septembre 2018 , Rédigé par Michel BERNARD Publié dans #témoignages

C’était juste après l’attentat contre le journal de Charlie Hebdo en janvier 2015 et le premier Ministre avait demandé à tous les services de l'Etat et aux organismes publics de prendre une minute de silence en hommage aux victimes de cette atrocité au cœur de Paris. Je m’en souviens encore. Cette minute à laquelle j’avais participé au milieu de fonctionnaires, de sportifs, de jeunes avait eu un effet fort de résonance empli d'un sentiment d’unité et de solidarité entre nous.

Ces minutes de silence que nos rituels conventionnels nous proposent pour des moments tragiques comme celui de Charlie Hebdo, le décès brutal d’une personnalité reconnue dans un milieu sont effectivement chargées d’une émotion communicante.

Mais, je constate aussi que notre société reste encore bien bruyante. Bruyante avec ces infos en continue sur les radios, sur certaines chaines de télé. Et parler dans une réunion institutionnelle est parfois une manière de dire « j’existe ». Quelqu’un qui ne parlerait pas, qui se contenterait d’écouter pourrait passer pour  une personnalité effacée et invisible.

Or, je voudrais redire, à ma manière, le pouvoir du silence, pas n’importe quel silence, le silence choisi. Bien sûr, ceux qui pratiquent la méditation chaque jour, connaissent ce pouvoir qui les aide à trouver la porte du silence intérieur capable d’apaiser le vagabondage du mental agité. Bien sûr, ceux qui ,en montagne, connaissent bien la joie , après un effort souvent long et parfois rude de marche montante, de toucher le sommet et alors spontanément font  silence pour contempler un paysage , un panorama  à 360 degrés. Il y a des lieux de nature qui appellent naturellement au silence, près d'un lac de montagne, dans une forêt, portes du temps présent pour contempler simplement.

 

Il reste que nos lieux sociaux, nos réunions professionnelles, associatives, nos "débriefs" manquent cruellement de ce silence. A peine les présentations faites, l’ordre du jour posé et c’est parti pour un échange, un argumentaire, des objections, des contradictions…Un des théâtres les plus emblématiques de ce manque de silence me semble être notre assemblée nationale en France, une ruche au cœur du Palais Bourbon à Paris.

Dès qu’une parole dérange, celle du représentant de l’Etat, de la majorité, de l’opposition et ce sont des gestuelles virulentes, des rumeurs orales qui virevoltent dans un lieu qui semble parfois asphyxié par trop de parole, de parole superficielle, non intériorisée …

Je fais un rêve, un rêve éveillé. Toutes les séances de l’assemblée nationale commencent par une minute de silence, non pas pour se recueillir sur un illustre disparu,mais pour recréer un lien entre les députés de tout bord qui se rappellent qu’ils sont d’abord hommes ou femmes dotés d'humanité avant de se parer de leur étiquette politique. Christophe André, le célèbre psychiatre spécialiste de mindfulness ou méditation de pleine conscience est intervenu en décembre 2017 à la demande de députés pour leur présenter cette démarche de débranchement du mental pour se reconnecter à soi et au présent  . Une lueur se lève. Je fais encore un rêve. Et si toutes nos réunions prenaient une seule minute de silence avant de démarrer.

Chacun ayant liberté pour habiter cette minute : se reconnecter à soi, à ses sentiments du moment, à son corps   ; une minute pour se détendre tranquillement en reprenant conscience de sa respiration, une minute pour sourire à soi et aux autres, bref une minute de « restauration » pour sortir du mental qui occupera largement sa place dans la réunion.

Utopie, pensez-vous ?

Quelques arguments très rationnels pour cette minute de silence pour soi :

  • Elle ne coûte rien financièrement. Elle ne coûte pas de temps significatif.
  • Elle peut contribuer à une meilleure connexion entre les personnes partant du constat que chacun sera plus en connexion avec lui-même, plus détendu…
  • Elle peut être expérimentée sur une période (sans risque)  avant d’être confirmée ou non.

Des contre indications ?

Je n'en vois aucune si ce n'est , par manque d'habitude, la difficulté probable de beaucoup de personnes à trouver la bonne posture sans se sentir ni gênées, ni bloquées par ce silence inhabituel. Peut être que des slogans publicitaires pourraient inciter à respirer profondément, tranquillement pendant cette minute. La recherche scientifique confirme l'importance de respirer plus amplement pour absorber plus d'oxygène par minute mais aussi éliminer plus facilement le CO2 .

Et puis, sur un plan purement biologique, l'homme n'a pas été créé pour parler sans cesse. Au contraire, en rencontrant des hommes et femmes de silence comme les moines et moniales dans leur monastère, je mesure combien leur parole est vraiment habitée quand ils reçoivent un hôte. Ainsi, à partir de  cette minute de silence ritualisée et initiatique,  pourrait être insufflée une pédagogie nouvelle du silence  dès le plus jeune âge dans les lieux très bruyants des écoles et en retirant les écouteurs des oreilles.

" Si le mot que tu vas prononcer n'est pas plus beau que le silence,

ne le dis pas."

Un précept d'origine soufiste qui pourrait bien changer

la tonalité de nos réunions s'il était appliqué avec discernement.

 

 

 

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L'HISTOIRE QUI SEDUIT LES ADOLESCENTS

9 Septembre 2018 , Rédigé par Michel BERNARD Publié dans #petites histoires

Dans une de mes fonctions, j'assure la rentrée scolaire avec une équipe éducative d'un internat de jeunes de 11 à 20 ans. Et, dans un rituel bien rôdé depuis plusieurs années, je leur communique , avec le responsable de l'internat, l'ensemble des us et coutumes acceptables pour un vivre ensemble, c'est-à-dire un commentaire du règlement intérieur qui fixe le cadre et les règles collectives.

Exercice bien connu dans les établissement d'enseignement . Or, depuis plusieurs années, j'ai constaté que le niveau d'attention de ces adolescents bouillonnants, plein de vitalité et parfois épuisants pour l'orateur, changeait radicalement quand je leur propose de leur raconter l'histoire de Pierre Rabhi (1) concernant un petit oiseau, le colibri. Cette année, comble de bonheur et d'étonnement, j'ai même eu droit aux applaudissements ! Comment cette histoire touche-t'elle autant les adolescents. Ecoutons la d'abord avant de tenter une réponse.

Un jour, dans une grande forêt se déclare un feu. Très vite , il se propage et les animaux

effrayés s'enfuient pour échapper aux flammes galopantes. Parmi eux, un grand lion,

sortant tout juste de sa sieste (près de 14h), est tellement terrorisé qu'il bat probablement

son record de vitesse. Mais,sortant de la forêt, il aperçoit un petit oiseau, un colibri qui

vole dans le sens inverse. "Que fais tu , colibri, tu vas droit vers le feu ! Qu'est ce qui te

prend ". Alors, le colibri explique au lion qu'il effectue des allers-retours entre le lac et la

forêt pour éteindre  le feu  avec l'eau retenue dans son bec.

Complétement abasourdi, le lion lance au colibri : " Tu es fou, colibri. Ce n'est pas avec

ton petit bec, tes petits allers-retours que tu vas éteindre le feu de cette grande forêt !

Sauve ta peau d'abord !"

Le colibri, qui a le pouvoir particulier de voler  de manière stationnaire, se pose au

dessus de la tête du lion et lui répond avec sérénité :

" Je sais, lion. Mais je fais ma part."

Épilogue.

Dans la nuit, le colibri a alerté d'autres colibris qui ont fait de même.

Ainsi des milliers puis des millions de colibris se sont retrouvés au dessus de la grande

forêt. Le lendemain matin, le feu était maîtrisé et la forêt sauvée.

Cette histoire empruntée à Pierre Rabhi avec un personnage complémentaire, celui  du lion accroche l'attention des adolescents pour au moins les raisons suivantes, de mon point de vue :

- elle offre le théâtre d'une dramaturgie et d'un contraste : comment, un petit colibri se montre plus courageux qu'un grand lion effrayé ! Pour le coup, elle est aussi très visuelle et pourrait se traduire en BD ou en film d'animation.

- elle ne moralise pas (le lion peureux n'est pas critiqué par le colibri) et offre une interprétation large autour de la phrase finale du colibri " Je fais ma part."

- elle nous invite à aller vers le colibri, si étonnant entre la déraison, l'engagement et sa croyance qu'il fait pour le mieux.

Et, elle peut concerner la part de l'adulte à son travail, d'un ado dans  son établissement ou internat , ou encore d'un adhérent dans une association. Quelle est ma part ?

Cette histoire mériterait d'être mise en scène et communiquée le plus largement possible auprès des adolescents. Le modèle du colibri délivre des valeurs en direct sans discours et dans un élan spontané, juste le temps de l'expliquer à celui qui ne comprend pas comme le lion. Espérons avec optimisme, que la nouvelle génération, dans un contexte d'urgence lié au réchauffement climatique et à la pollution terre et mer, sera celle qui va éteindre le feu. Non pas une génération X, Y ou Z mais une génération colibri !

(1) Pierre Rabhi est le pionnier de l'agriculture biologique, écrivain, penseur et notamment auteur du concept et du livre de la sobriété heureuse. cf article sur ce blog.

 

 

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