Des rituels pour structurer notre vie sociale et individuelle

Hier, le service national obligatoire, même s'il était très controversé parmi les jeunes appelés qui estimaient y perdre une année, avait au moins le mérite de favoriser une mixité sociale entre jeunes de banlieues et jeunes étudiants, permettait à un grand nombre de passer le permis de conduire gratuitement et se frotter à l'autorité avec plus ou moins de rudesse. Promesse de campagne du candidat Jacques Chirac à l'élection présidentielle de 1988, il fut supprimé sans qu'il y ait eu une véritable réflexion de fond sur le vide qu'il allait créer. Ce service national autour de la parole des anciens " Le service va faire de toi un homme" avait quelque chose de l'ordre du rituel du passage de l'adolescence à l'âge adulte. Olivier Galland, sociologue de la jeunesse, reconnaissait lui-même que notre jeunesse manquait cruellement de rite de passage avec des adulescents à la mode "Tanguy" (1) prolongeant leur vie et hébergement chez les parents parfois jusqu'à l'âge de 30 ans et plus. L'expérimentation du SNU, entendez Service National Universel pour les garçons et les filles de 16 ans ( niveau 3ème) vient d'être bouclée et la volonté du gouvernement est d'étendre cette forme de stage de citoyenneté progressivement à l'ensemble de la jeunesse comme rempart notamment aux dérives de jeunes désocialisés, errants ou encore en voie marginalisation ou radicalisation...
Pour ma part, je partage fortement la conviction de remettre plus de rituel dans une société consommatrice, en mal de confiance dans ses élus politiques, secouée par la crise des gilets jaunes et marquant son patriotisme essentiellement dans les victoires sportives "cocorico" comme celle de l'équipe de France de football en 1998 et 2018 quand "nous" avons été champions du monde.
Sans jouer les maîtres à penser, il y aurait à retrouver au moins :
1) des rituels signifiants pour permettre aux jeunes de passer du statut "étudiant" au statut d'adulte engagé dans la société. Les programmes "jeunes" que sont le service civique en pleine expansion quantitative, le service volontaire européen moins connu et le service national universel tout neuf peuvent y contribuer dans la mesure où les formateurs sont eux mêmes imprégnés de cette démarche et proposent des moments de réflexion sur soi, son identité, son parcours de vie pour aider leur maturation et prise de conscience d'homme et de citoyen.
2) des rituels intégrés sur les lieux de travail qui favorisent l'intégration des nouveaux et leur inculturation.
Acteur et coach au sein d'une administration, je suis frappé par la place donnée aux départs en retraite avec remise de cadeau, discours émouvant sur la carrière de l'intéressé(e) et la participation collective à ce moment convivial souvent gastronomique. L'arrivée de nouveaux est souvent moins marquée : pas de cadeau d'arrivée ( ce n'est pas dans la tradition), éventuellement la proposition d'un tuteur et go, c'est parti, à toi de faire ta place dans l'organisation. Un rite d'accueil avec un moment formalisé avec le dirigeant ou directeur, un repas pris en collectif, la proposition d'un tuteur ou parrain serait bienvenue dans un monde privé ou public où le maitre mot est bien souvent "adaptation rapide souhaitée".
Plus régulièrement, les fameux CODIR, comités de direction plus ou moins formalisés généralement une fois par semaine, souvent le lundi à une heure précise ,à durée à rallonge et parfois en visio conférence compte tenu d'équipe composite sur divers sites, pourraient donner lieu à des rituels de relecture pour tirer des enseignements sur leur fonctionnement qui tombe parfois dans la routinisation sans que personne n'ose lever le petit doigt. Exemple que j'ai connu une fois dans toute ma carrière de fonctionnaire : le pilote, directeur ou manager propose une réunion spécifique "regard sur notre fonctionnement en CODIR" et , avec un cadre de protection et de permission précisant que tout peut être exprimé dans la bienveillance du ton. Ainsi, l'équipe CODIR pourrait enfin se donner un temps de relecture, de respiration avec un rituel une fois par an. Ce qui ne me semble pas un luxe quand nous mesurons le temps cumulé de ces espaces de réunion.
3) des rituels pour soi, pour les managers souvent en "immersion totale non stop" dans leur journée. Le psychologue "positiviste" Tal Ben-Sahar (2) dans son ouvrage a largement démontré la force du rituel pour se structurer, pour retrouver un équilibre de vie et de santé. Un manager en conscience ( ce que je suggère au sein de mes stages " les clés de la sérénité du cadre manager") pourrait "ritualiser" la manière de se poser au début de sa journée avant d'éplucher sa litanie de courriels ou de décrocher son téléphone avec un temps d'accueil de soi, de sa météo intérieure, de respiration abdominale, ...En cours de journée, je suggère au moins deux pauses (une par demi journée) dites "pauses respiration" en écartant tout compagnon numérique, en effectuant étirement du corps, du dos en particulier appuyé par une respiration longue et ample pour réoxygéner le cerveau et en terminant par un acte conscient.
Et vous, lecteur , quel(s) rituel(s) avez vous mis en place ou envisagez vous d'expérimenter à la suite de cette lecture pour :
vous mettre en forme le matin ?
vous ressourcer au cours de votre journée ?
ou encore pour tirer le meilleur parti de votre journée quelle que soit sa coloration émotionnelle, qu'elle soit soleil, brumeuse ou même ténébreuse.
Et oui, un rituel mérite d'être expérimenté pour vérifier le bénéfice réel pour soi avant d'être intégré dans sa vie au même titre qu'une habitude d'hygiène de vie. Pratiquer le rituel, c'est s'ouvrir une voie vers la stabilité intérieure comme le vivent depuis plusieurs siècles les communautés monastiques avec le rituel d'un nombre d'offices religieux par jour à heure fixe rythmant leur vie quotidienne...
(1) référence au film Tanguy dans lequel le fils trentenaire revient chez ses parents et s'y incruste à leur grand désespoir.
(2) cf article sur ce blog mister-aidant.over-blog.com/article-le-rituel-une-strategie-pour-changer-43526915.html