Un monde en quête de sagesse; épisode 2 : François CHENG , l'écrivain qui touche l'âme
EPISODE 2 : François CHENG, l'écrivain qui touche l'âme.
François Busnel a reçu dans une émission télévisuelle de la "Grande librairie" en janvier 2020 un vieil homme frêle d'apparence, originaire de Chine et devenu une des plus belles plumes de notre poésie française. Cet homme âgé de 91 ans, reçu à l'Académie française, a touché ce soir là un vaste public. Qu'a t'il touché finalement ? De mon point de vue, avec sa manière d'écouter, de prendre le temps, sa recherche du mot juste, son humilité constante ( " si vous permettez, je …") il a touché en direct notre âme, sans artifice, simplement par son état d'être présent.

Extrait de réponses de François CHENG :
Comment allez vous ?
- Autant qu'un vieil homme peut se porter, répond-t'il avec simplicité et tranquillité.
Plus loin, il évoque des changements importants tous les dix ans dans sa vie ( naturalisé français dans les années 1970 , entrée à l'Académie française en 2000) "Depuis, je peux dire que je suis un homme en constante transformation, en constant devenir".
" La vraie joie, c'est lorsqu'on a touché le fond, les abîmes Au delà, il y a cette reconnaissance, cette gratitude envers la vie."
Effectivement, il témoigne d'une vie de souffrance, de trouble pendant plus de 10 ans dans sa vie quand il s'est retrouvé à Paris à partir de 1948 sans connaitre un mot de français !
D'abord, je ne cherche pas la sagesse, la sérénité. Au contraire , il faut se laisser travailler par la souffrance du monde ...et essayer de la transformer, de la transfigurer en lumière qui aide à vivre.
François Busnel : Comment faire au quotidien pour trouver la beauté là où elle est ?
Laisser moi vous dire un peu ce qu'est la beauté brièvement.....La beauté est un signe par lequel la création nous signifie que la vie a du sens…. la beauté est partout. Une simple fleur est un miracle . Pourquoi une fleur qui s'épanouit en pétales atteint ce degré de perfection de forme, de couleur et de parfum ?
A la fois influencé par le taoïsme chinois et converti à la foi catholique dans sa rencontre à Assise avec Saint François d'Assise ( dont il prendra le prénom au moment de sa naturalisation française), il accorde une grande importance à la dimension tertiaire de l'homme : corps, esprit et âme. Or, il constate que notre société moderne oublie souvent l'âme.
Dans son ouvrage poétique " cinq méditations sur la mort...autrement dit sur la vie", il témoigne que nous sommes plutôt invités à réintégrer la mort dans notre vision globale et ainsi envisager la vie à la lumière de notre mort pour vivre plus intensément. Sa jeunesse vécue en Chine depuis 1929 et marqué par des conflits permanents dont la guerre sino-japonaise (1937-1945) l'a fortement touché intimement dans ce qui faisait les simples bonheurs de vivre au quotidien comme boire du lait de soja ou contempler le lever du soleil.
En quoi finalement François CHENG incarne un homme de sagesse ?
Même si lui-même réfute rechercher sagesse et sérénité, il incarne cet homme de persévérance au-delà des épreuves de la vie qui partage ses prises de conscience à travers ses ouvrages et sa poésie sans dogmatisme et mû par un ancrage intérieur spirituel.
Un morceau choisi de son ouvrage de quatrains "Enfin le royaume" , le dernier quatrain sous le titre envoi :
Ne quémande rien. N'attends pas
D'être un jour payé de retour.
Ce que tu donnes trace une voie
Te menant plus loin que tes pas.
Ainsi, François CHENG redonne une juste place aux choses de la vie en réhabilitant l'âme, la beauté et la mort.
Il trace un chemin , celui de prendre le temps des réponses, de l'explicitation et du regard contemplatif devant les beautés de la nature et des hommes sans dénier le réel. Il parle à partir de son âme et nourrit ainsi la nôtre tellement assoiffée dans un monde à tendance individualiste et conditionné par la compétivité et l'hyperconsommation.
Un monde en quête de sagesse
Episode 1 : se lever avec la sagesse.
La période inédite du confinement a nourri beaucoup de discours, d’hypothèses, et même d’espoir sur le monde d’après qui aurait retenu les leçons de cette crise sanitaire et profondément écologique. Or je constate que beaucoup sont repartis dans des modes de vie comme avant, comme si ce confinement n’avait été qu’une parenthèse. A tous les niveaux, force est de constater des comportements de gouvernants déniant la réalité, et se voilant la face devant les drames dans leur propre pays. Donald Trump, président des Etats-Unis essentiellement obnubilé pour sa réélection, avec un cynisme affiché, donne priorité à la relance économique au détriment d’une protection sanitaire des populations. Au Brésil, Jair Bolsonaro, président depuis 2019 cautionne la déforestation intensive de l’Amazonie, grand poumon vert de biodiversité de la planète…en accusant même les ONG d’en être responsables ! Deux exemples parmi d’autres…
Aussi, en réponse à cette médiatisation publicitaire de ces comportements irresponsables de chefs d’Etat et autres décideurs politiques et économiques, il me semble opportun de revenir à la Sagesse, à redonner force et visibilité à la Sagesse dans un monde qui en manque terriblement. C’est dans cette perspective que j’ai choisi d’ouvrir une série d’articles autour de ce thème.
Sagesse, quelle définition ?
Selon le centre national des ressources textuelles et lexicales, la sagesse serait d’abord « la connaissance du vrai et du bien fondé sur la raison et l’expérience ». Deux attitudes intérieures sont souvent rattachées à la sagesse : la lucidité ou clairvoyance et le discernement ou l’art de décider de manière juste. Sur un plan spirituel et celui de la foi chrétienne, la sagesse est reconnue comme un don de l’esprit saint , don pour le service de Dieu et des hommes.
En quête moi-même d’une sagesse intérieure, j’ai relu récemment l’ouvrage collectif « se changer, changer le monde »

avec des contributions d’hommes reconnus pour leur sagesse dans leur domaine : Christophe André, psychiatre à Paris, auteur de nombreux ouvrages et très ancré dans la méditation de pleine conscience, Jon Kabat-Zinn, professeur de biologie moléculaire aux Etats-Unis et pionnier de la mindfulness ou méditation de pleine conscience, Pierre Rabhi, écrivain philosophe, pionnier de l’agriculture biologique fondateur du mouvement citoyen les colibris, et Matthieu Ricard, moine bouddhiste porte-parole du Dalaï-lama. Une conviction qui relie ces quatre hommes : pour aller vers une transformation du monde hors de ses violences, de la destruction de la biodiversité, d’une surconsommation matérielle et d’un mal être social , sans parler des problèmes de santé… le combat militant commence d’abord par soi-même, par un travail sur soi. « En portant l’humanité en lui, chaque être humain en est responsable à sa mesure », rappelle Edgard Morin, sociologue éclairant de 98 ans. Ainsi, chacun de nous au sein de cette vaste population de plus de 7 milliards d’habitants sur terre, quelle que soit sa situation socio-économique, sa marge de manœuvre, porte en lui des graines de solutions pour un monde plus juste.
En référence à ce livre que je ne peux que recommander pour vous engager dans ce travail sur soi pour le monde, chaque auteur a été invité à résumer ses convictions par trois pistes d’action. Je ne peux, dans cet article, toutes les reprendre. J’en ai sélectionné trois qui me semblent assez en phase avec nos conditionnements actuels :
1 En matière de détox digitale, faire en sorte que notre premier geste de la journée ne soit pas d’allumer notre ordinateur et de consulter nos mails ou notre mur facebook mais de nous asseoir, de respirer, de méditer. ( Christophe André)
2 En terme de pratique de l’altruisme, vérifier nos motivations. Il est également utile de vérifier constamment notre motivation. « Notre motivation est-elle altruiste ou égoïste ? Recherchons nous le bien de quelques-uns ou du plus grand nombre ? ( Matthieu Ricard)
3 Incarner l’utopie dans nos choix de consommateurs. Nos choix de consommation sont importants. Cependant, chaque fois que je fais le plein d’essence, je donne de l’argent aux multinationales contre lesquelles je fulmine. Je ne peux nier les contradictions dans lesquelles je me trouve emprisonné. Nous sommes tous pris dans un système que nous ne cessons de récuser…Le temps est venu de sortir de l’envoûtement pour incarner les utopies créatrices d’un monde tangible fondé sur la conscience. (Pierre Rabhi)
Et si, dès demain matin, chacun de nous se levait avec une intention de sagesse
laissée à son inspiration sans ordinateur ?