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Le blog de Michel BERNARD

Un monde en quête de sagesse ; épisode 4

30 Septembre 2020 , Rédigé par Michel BERNARD

Thérèse ou la plénitude d’amour dans la fragilité

Thérèse (1873-1897) est décédée à 24 ans après plusieurs mois de souffrance liée à une pneumonie dans un anonymat presque total. Aujourd’hui, l’ouvrage posthume « histoire d’une âme » s’est vendu à plus de 500 millions d’exemplaires dans le monde. Depuis plus d’un siècle, des millions de personnes du monde entier se sont rendus dans la petite ville de Lisieux en Normandie pour lui rendre grâce, la remercier dans la basilique qui lui est dédiée. Et même des miracles lui sont attribués et elle a été béatifiée, reconnue sainte par l’Eglise catholique. Edith Piaf sera guérie mystérieusement d’une cataracte des yeux suite à un pèlerinage en terre normande. Plus récemment, la chanteuse québéçoise, Natacha Saint Pierre (1) a repris ses poèmes comme vivre d’amour et les a mis en musique avec un impact fort auprès du public de ses concerts. Comment cette jeune femme, ayant passé près 9 ans cloîtrée au carmel de Lisieux à partir de l’âge de 15 ans, attire t’elle encore autant de personnes croyantes et non croyantes à travers le monde ?

Les ouvrages et les études dites thérésiennes ne manquent pas sur le sujet. Aussi, je vais simplement me risquer à une analyse toute personnelle et qui montre aussi comment elle me touche directement dans sa sagesse de l’amour totalement donné. D’abord, Thérèse incarne une vie simple, sobre pour ne pas dire « dépouillée » : pas d’excentricité notoire, de fait remarquable durant sa vie dans un XIXème siècle rude pour la vie de moniale. Elle n’est pas reconnue comme une intellectuelle de la foi, telle la fondatrice des carmels, Sainte Thérèse d’Avila. Sa fragilité à la fois physique dès sa naissance et psychologique avec une hypersensibilité durant l’enfance ( décès de sa Maman à 4 ans et puis départ pour le carmel de sa seconde maman Pauline sa sœur, à l’âge de 9 ans) nous la rend proche, accessible.

Comment s’incarne cette sagesse d’amour qu’elle a mûri de manière très rapide dans sa courte existence terrestre ?

Même si des auteurs très amoureux de Thérèse comme le poète québécois Jacques Gauthier se sentent inspirés pour reconnaitre une dizaine d’attitudes intérieures inspirantes de Thérèse, je me contenterai, pour rester dans une première approche accessible à un lecteur croyant ou non qui la découvre par cet écrit à préciser trois mouvements d’âme de Thérèse qui peuvent nous rejoindre. Elle les rassemble à la fin de sa vie dans ce qu’elle nomme la petite voie.

Premier mouvement : tout remettre à Dieu et s’en remettre à lui pour « objectiver toute situation » ( cf Père Victor Sion « réalisme spirituel de Thérèse de Lisieux »).Thérèse, par la prière, comprend que sa tristesse suite à sa vocation d’entrer au carmel retardée ( elle avait manifesté le désir d’entrer à 14 ans, âge non autorisé) vient d’abord de son amour propre blessé. Elle explique à ses sœurs novices, faisant l’apprentissage de cette vie donnée, l’importance de ne ni dramatiser une situation, ni se mettre en vedette. Ce réflexe thérésien peut nous rejoindre quand nous sommes submergés par la vague d’une souffrance, d’une tempête sur laquelle nous n’avons pas de prise, pas de contrôle. Tomber dans l’impuissance, la colère, peut être ou encore s’en remettre directement à plus grand que soi, à Dieu pour des croyants…

Deuxième mouvement : Oser l’abandon confiant dans les bras de Jésus

Cet élan que Thérèse va cultiver durant toute sa vie de moniale lui vient de sa croyance totale dans l’amour miséricordieux de Dieu. «  Je ne me fais pas de peine en voyant que je suis la faiblesse même. Au contraire c’est en elle que je me glorifie et je m’attends chaque jour à découvrir en moi de nouvelles imperfections…Je l’avoue, ces lumières sur mon néant me font plus de bien que des lumières sur la foi ». Dans un monde qui brille par certains égos surmédiatisés ( président Trump aux Etats Unis, célébrités du show biz, hommes politiques…), quel rafraîchissement de se dire que la faiblesse peut être une force. Oser reconnaitre sans se culpabiliser, sans se flageller non plus, sa fragilité dans telle situation, est un magnifique pas libérateur pour soi.

Troisième mouvement : vivre chaque jour, attentif aux petites choses  et les vivre avec amour. Le Père Patrick Lemoine, « amoureux » et érudit de Sainte Thérèse témoigne de l’amour fou de Thérèse pour Jésus . Il cite Sainte Thérèse qui écrit : « ramasser une épingle avec amour peut convertir une âme »… quel mystère ! ». En langage du XXIème siècle, c’est toute l’attention aux petites choses du quotidien : le regard bienveillant de ses voisins, le sourire d’une boulangère, un beau paysage sur un parcours professionnel, une rencontre inattendue et ressourçante,…bref des petits riens qui pourraient passés inaperçus et qui colorent notre quotidien. Les petites actions de chaque jour vécus par amour peuvent contribuer à nous relier à plus grand que nous. A la suite de cette petite voie, des écrivains, des hommes et des femmes l’ont suivi à leur manière. Ainsi, Georges Bernanos, écrivain du XXème siècle, écrivait : «  Les petites choses n’ont l’air de rien mais elles donnent la paix ».

En cette période troublée par la crise sanitaire doublée d’une crise économique pour beaucoup, après le vécu d’un confinement national, j’ai la conviction que cette petite Thérèse travaille là où elle est comme elle l’avait annoncée peu de temps avant sa mort : « Je veux passer ma vie au ciel à faire du bien sur la terre. ». Pour ceux et celles qui se sont sentis appelés, prier Sainte Thérèse s’est souvent révélé comme un déclic à l’occasion d’un moment de doute, de détresse, de remise en question. Pour tous, elle nous encourage à aller puiser dans notre cœur d’enfant, à le réveiller pour lâcher notre « sphère mentale » parfois emprisonnante » et retrouver le goût d’une vie simple, sans artifice, donnée et aimantée par le seul désir d’amour ou d’empathie. « Vivre d'Amour, c'est naviguer sans cesse, semant la paix, la joie dans tous les cœurs Pilote Aimé, la Charité me presse Car je te vois dans les âmes mes sœurs » (extrait du poème vivre d’amour).

La bonne nouvelle ? Cette sagesse, cette petite voie, chacun peut l’emprunter avec son cœur d’enfant comme s’il cherchait à franchir la première marche d’un escalier pour un enfant. Il va trébucher, peut être tomber. Mais au fond de lui, il sait que son père ou sa mère seront là pour l’aider à aller jusqu’au bout. Belle certitude au cœur d’un monde d’incertitudes !

 

(1) Vivre d’amour chanté par Natacha Saint Pierre en duo avec Anggun

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Un monde en quête de sagesse; épisode 3

6 Septembre 2020 , Rédigé par Michel BERNARD

Un bain de forêt… pour retrouver sa source.

 

A l’orée de la forêt, ce matin, Serge nous propose une pause avant d’aller plus loin : « Nous quittons un monde, le monde de kronos, du temps social pour entrer dans un autre temps, un autre monde où je vous inviterai tout à l’heure à quitter tous vos objets connectés… »

Et soudain, je prends conscience que l’expérience que je vais vivre sort de l’ordinaire de ma vie souvent pressurée par le temps, les objectifs à atteindre ou encore la recherche d’efficacité.

Oui, j’ai choisi à 60 ans et c’est un cadeau de mon épouse, Marie Claire, de vivre un bain de forêt et ce que les Japonais ont initié depuis des siècles et qu’ils nomment shinrin yoku. Durant deux jours au cœur d’une forêt avec nuit sous tente individuelle et au sein d’un groupe de sept participants venus de France et de Suisse, un guide formé à la sylvothérapie, Serge (1) va nous inviter à vivre des moments particuliers au cœur de cette forêt dont il se perçoit comme le gérant (alors qu’il en est le propriétaire !) au milieu des autres êtres vivants que sont les arbres, les plantes ou encore les animaux dont de nombreux chevreuils. Sa voix douce intérieure et sa simplicité de parole me touchent.

Symboliquement, Serge nous demande de lui confier nos objets connectés, smartphone, montre, ou encore clé de voiture qu’il glisse dans un petit sac. Il nous propose de vivre cet acte de manière consciente. C’est le point de départ avec l’invitation à formuler pour soi une intention pour ces deux jours après un temps où chacun est allé choisir un être de la forêt, arbre, arbuste, plante, ou un espace de forêt qui l’a attiré et lui a permis de se connecter à cette intention.

Plus tard, nous nous retrouvons en cercle de parole sur des couvertures posées sur la terre pour partager simplement, en confiance, chacun à notre tour, notre intention. Ce rituel du cercle de partage régulièrement proposé par Serge dans des lieux différents, sur un cercle de rondins de bois servant de chaise, une autre fois debout au milieu d’un sentier, m’est apparu comme un espace collectif miroir vraiment porteur de message pour soi, parfois délivré par les autres. Car le bain de forêt reste une expérience de dialogue avec soi-même en profondeur sans possibilité de fuir derrière l’écran d’un smartphone, d’un ordinateur, d’un journal ou d’une tâche quelconque. Ainsi, Serge, à travers ses « invitations », nous a offert cette possibilité de revenir à une relation vivante avec la forêt et ses êtres vivants à partir de nos  sens : la vue, l’ouïe, le goût, l’odorat, le toucher, la proprioception et même l’imagination.

 

Quelques morceaux choisis de ces invitations à la connexion par les sens.

Voilà notre groupe, après un petit parcours forestier, posté devant un grand et magnifique hêtre survolant ses congénères. «En silence, regardez-le , observer le depuis les racines, le tronc, le houppier, faites en le tour. Et puis, je vous invite à trouver 3 caractéristiques pour cet arbre, les vôtres. ». Tout en silence, nous sommes avec le grand hêtre droit, tacheté de blanc, majestueux. Retour au cercle de partage où chacun est invité à partager ses trois caractéristiques. Serge souligne à la fin des prises de parole que chacun a trouvé des caractéristiques différentes alors que nous avons observé le même arbre. Et avec un sourire malicieux, il nous délivre le secret de cette expérience :

« Ce que vous avez dit de l’arbre vous concerne directement. Les qualités que vous lui avez prêtées, ce sont les vôtres ! L’arbre est ainsi un miroir de votre être. » Et là, chacun de mesurer que ce simple exercice en apparence nous bouleverse déjà intérieurement.

Après une nuit sous tente où je me suis endormi rapidement, je me réveille tôt, j’ouvre ma tente et je découvre le sous-bois, les arbres, la lumière tamisée venant du ciel comme un espace familier. Une chance, il n’a pratiquement pas plu durant la nuit. Je hume l’odeur de la forêt qui s’éveille. Et soudainement, je ressens un élan à bouger, je lace rapidement mes chaussures et me lance dans un footing joyeux, léger au cœur de la forêt. L’appel de la forêt ? Je ne cherche pas à comprendre, je vis, je suis présent à l’instant.

Le soleil, après une température matinale fraîche de 12 degrés, a finalement pointé son nez. Notre guide usant de peu de mots, imprégné par la forêt nous a rappelé : « Si vous avez à choisir un chemin entre votre tête et vos pieds, choisissez de vous laisser guider par vos pieds ! ». Ce deuxième jour, nous allons vivre une expérience étonnante de land art avec une consigne simple « Choisissez collectivement un lieu dans la forêt et construisez ensemble une création constituée des éléments de la forêt que vous trouverez. » Et il rajoute le sourire en coin : « Je vous propose une contrainte supplémentaire : communiquer entre vous sans utiliser la parole ! ».

Et l’incroyable se produit. Un objet naturel se crée pas à pas dans une atmosphère de belle harmonie, chacun apportant bois, feuilles, mousse ou encore en prêtant  son objet fétiche, une belle pierre blanche .

Par un geste un peu rapide, je fais tomber un toit constitué de bois et de mousse et je me vois trouver sereinement une solution avec un long morceau de bois qu’un autre participant m’aide spontanément à bien positionner comme support de charpente. Waouh ! Et au moment du cercle de parole, j’interviens le premier pour dire « Un travail collectif vécu dans l’harmonie sans conflit et sans tension ! »  Cette réalité n’est pas si habituelle dans le monde de l’entreprise. Et Serge de donner un avis : « Quand nous sommes reliés par les gestes, le regard, nous sommes reliés par le cœur. La parole a tendance à nous reconnecter au mental, source potentielle d’incompréhension et de tension … »

Quelle heure est-il ? Aucune idée, les repères temporels restent le jour, la nuit et la beauté d’un soleil couchant sur les monts alentour. Bientôt, trop tôt, le moment est venu de clôturer le camp, cette expérience dans laquelle chacun, chacune a reçu des réponses, ou même des « cadeaux » à partir de sa quête ou de son intention du premier jour. Autour de la cérémonie du thé, avec des objet naturels posés au centre du cercle et 9 petites tasses de thé,

Serge , avec des gestes doux et conscients, nous verse le thé issu d’éléments de la forêt : aiguille du pin Douglas, feuille de ronce mûrier et de fleurs d’aubépine. Un délice pour l’odorat et le goût ! 9 tasses et nous sommes 8 ? La neuvième tasse est réservée à la Forêt qui nous a couvé pendant deux jours et une nuit.

Que retenir de cette expérience hors de la vie du quotidien ?

D’abord, j’en garde un souvenir par les sens. J’ai encore la vision du grand hêtre avec ses deux autres congénères dominant ce coin de forêt, un châtaignier trapu et un bouleau tout en finesse. La musique du handpan (2) de Gilles qui a rythmé nos temps collectifs en nous centrant sur l’écoute de ses vibrations chaudes pour l’âme. Et le toucher de cette mousse douce sur des arbres couchés et complétement enrobés. L’émotion m’a parfois submergé sans que je puisse la contrôler. Oui, baigné dans la forêt, lâchant mes compagnons numériques et mes repères habituels, j’ai redécouvert mes vraies racines. J’ai souvent revu en mémoire mes grands-parents, l’un garde forestier, l’autre débardeur vivant dans le Jura. J’ai entendu comme un message de ces ascendants : « Michel, n’oublie pas, tu as un devoir de transmettre, de partager… »

L’appel de la forêt m’a saisi. Je remercie Serge et mes sept compagnons pour cette expérience transformatrice. L’homme peut vivre sans faire tourner le moteur du mental à plein régime. Je peux vivre dans la réceptivité, la contemplation de la nature, des arbres, du sous-bois, ou encore du ciel… Et j’ai en moi gravé cette parole de Robert Greenway (3): «  Sans lien intime avec la nature, l’homme devient malade ». Aujourd’hui, j’ai le désir de compléter cette conviction que je partage par :

 L’homme, pour rester porteur de vie, de vitalité

a besoin de revenir par ses sens

régulièrement à sa source ,

 la nature avec ses êtres vivants. 

 

 

Michel BERNARD,

 coach  et formateur en transition verte…

 

Septembre 2020

 

 

  1. Site : https://entrelesarbres.com/

 

 

  1. handpan, instrument à percussion qui « chante entre ciel et terre »

http://www.easka-handpan.fr/

 

  1. Un des premiers pionniers et chercheurs américains de l’écopsychologie dans les années 60.

 

 

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