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Le blog de Michel BERNARD

LE PETIT LIVRE BLEU D'EDGAR

31 Octobre 2020 , Rédigé par Michel BERNARD

LE PETIT LIVRE BLEU D’EDGAR

 

L’œil toujours alerte et pétillant, à plus de 99 ans, celui qui a failli mourir étranglé par un cordon ombilical en 1921, est bien vivant et vient de produire un petit livre bleu : changeons de voie, les leçons du coronavirus. Cet homme qui a traversé un siècle d’histoire, vous l’avez sans doute deviné, est Edgar Morin, sociologue et philosophe reconnu largement pour sa pensée complexe et visionnaire. Ce livre, je ne peux et ne souhaite pas le résumer. J’ai lu presque en une fois ces 150 pages qui nous révèlent un peu plus les dessous de notre histoire moderne menant à ce qu’il nomme la mégacrise. Dans le respect de cette œuvre à lire, je me contenterai, comme un peintre, de vous donner quelques touches de couleur.

Première touche, le résumé singlant d’Edgar Morin : « Comme nous l’avons annoncé en introduction, la mégacrise provoquée par le coronavirus est le symptôme brutal d’une crise de la vie terrestre ( écologique), d’une crise de l’humanité, qui est elle-même une crise de la modernité, une crise du développement technique, économique, industriel, une crise du paradigme maître qui a organisé et imposé toutes les forces désormais déchaînées dans une course à l’abîme ». Ainsi, il va dresser le tableau de 15 leçons du coronavirus, souligner 9 défis pour notre monde et enfin plaider pour un humanisme régénéré.

Deuxième touche : à la différence d’autres auteurs à la pensée binaire , il relie des enjeux en montrant l’importance pour sortir de cette crise de conjuguer des dimensions qui pourraient sembler opposées. Mondialisation et démondialisation. Mondialisation pour déployer des liens et des coopérations à l’échelle planétaire ( exemple plusieurs pays qui envoient des équipes de secours sur des séismes localisés) . Démondialisation économique pour  que les Etats redeviennent autonomes pour leur santé, leur alimentation ou encore leur énergie. Croissance et décroissance. Croissance de l’économie des besoins essentiels autour de la santé, de l’éducation, de l’agriculture agroécologique( cf Pierre Rabhi). Décroissance pour réduire « l’économie du frivole et de l’illusoire » : la publicité, la nourriture industrielle ( en boîte…), les objets jetables, le nombre de véhicules ou encore le trafic aérien. Développement et enveloppement. Développer non seulement la technologie au service de la vie mais le non quantifiable comme la culture . Envelopper par la solidarité ce développement pour lui donner un sens.

Ainsi, dans sa vision du futur, Edgar Morin en appelle à avancer vers un humanisme dans lequel chacun considère la terre comme une patrie et cite Montaigne qui écrivait en 1580 : « J’estime tous les hommes  mes compatriotes ». Accepter l’unité du genre humain sur un plan biologique et génétique et en même temps reconnaitre la diversité des cultures à travers leurs mœurs, leurs coutumes, leurs rites, leurs croyances, leurs musiques. En cette période marquée tragiquement en France par des assassinats barbares ( un professeur d’histoire géographie , trois femmes catholiques dans une basilique et en ce jour un prêtre orthodoxe) au nom d’un fanatisme religieux pathologique en soi, il est urgent de réveiller cet appel que lance Edgar Morin avec une expression qu’il aime répéter : nous sommes une communauté de destin à l’échelle planétaire.

Enfin, j’ai beaucoup goûté le final qui nous invite à lever les yeux vers l’espoir, l’espérance qu’il précise avec quatre principes.

1 le principe du surgissement de l’improbable.  Tout est possible face aux vents contraires. Ainsi la victoire des alliés en 1945 n’était pas une certitude devant l’armée hitlérienne. Autre exemple plus proche : la chute du mur de Berlin en 1989. L’improbable reste toujours possible.

2 le principe de régénération.  En même temps que des forces régressives alimentent une crise, des forces génératrices et créatrices émergent.

3 Le principe de la chance liée au risque. Il est formulé par Hölderlin, philosophe allemand du XIXème siècle : « Là où croît le péril, croit aussi ce qui sauve. ».

4 Le principe d’aspiration de l’humanité à un monde meilleur qui existe depuis la nuit des temps et nourri par les religions, les idéologies et les mouvements protestataires comme en 1968 en France.

Et si nous prenions ce virage de la nouvelle voie, un virage qui nous offre une chance de renouer avec les valeurs de la vraie vie et non du profit, de retisser des fraternités à l’échelle locale et « vivre poétiquement , c’est-à-dire dans l’épanouissement et la communion ». La deuxième vague du confinement en Europe, avec notamment le principe de régénération, peut devenir ce levier d’opportunité.

 

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EPISODE 5 : un monde en quête de sagesse

18 Octobre 2020 , Rédigé par Michel BERNARD Publié dans #psychologie positive

 

LE SILENCE INTERIEUR, une ressource qui mérite d’être cultivée.

 

Nous sommes une quinzaine d’adultes face à la mer, en silence, baignés par son murmure régulier du flux et reflux sur la plage. Avec mon groupe de marcheurs nordiques, l’animateur que je suis, leur a proposé de vivre une petite nouveauté. 5 minutes les uns à côté des autres tournant notre regard vers la mer en laissant nos yeux se poser, sans chercher à cogiter, juste goûter ce qui est donné à voir. Waouh ! Pour ma part, le halo de réverbération du soleil sur les flots m’attire, me retient et je reste là en oubliant passé et futur. Presque une communion avec le soleil qui nous a réchauffé en cette matinée d’octobre.

Petite expérience qui m’invite à évoquer ce que je considère comme le grand maitre spirituel du XXIème siècle : le silence intérieur. Trop de bruits, trop de de connexion aux outils numériques, trop de suivi médiatique en continuité qui pourraient nous conditionner à n’être que des réceptacles d’information tout azimut dans le contexte actuel d’une crise sanitaire durable. Un remède pour échapper à cet enfermement subtil, indolore en apparence, est la possibilité de revenir à soi, de se retirer pour taire le moteur incessant du mental (plus de 60 000 pensées par jour) pour se reconnecter à soi, à son intériorité ? Oui, ma conviction intime est que ce remède non vendu en pharmacie est le silence intérieur.

Comment l’approcher, comment le définir ?

Je m’appuierai surtout sur des maitres en sagesse de diverses traditions. Le moine zen d’origine vietnamienne, Thich Nhat Hanh, reconnu pour son enseignement pour la paix, précise : « En réalité, le silence vient du cœur…Il y a des moments où nous croyons être silencieux parce qu’autour de nous, il n’y a aucun bruit ; mais à moins de calmer notre esprit, le bavardage continue intérieurement. Ce n’est pas le silence véritable. Il s’agit d’apprendre à trouver le silence au cœur même de toutes les activités. » (extrait les bienfaits du silence). Ainsi, si la méditation aide à cultiver par l’immobilité, la centration sur le souffle et le fait de laisser passer toute pensée comme un nuage dans le ciel,  et donc indirectement le silence intérieur, il est aussi important de pouvoir retrouver ce silence au cœur du quotidien. Retrouver ce silence dans une rue piétonne fréquentée, à la caisse bruyante d’un supermarché ou encore dans une rame de métro aux heures de pointe…pas facile. Et pourtant, l’enjeu est de taille : préserver notre âme, notre connexion interne au cœur du quotidien pour sortir des conditionnements ambiants. Laurence Freeman, directeur spirituel de la communauté mondiale pour la méditation chrétienne souligne les vertus de ce silence intérieur : « Le silence est véridique. Il est guérison. Il pacifie les tourments intérieurs. Il est le remède à la colère destructrice, à l’anxiété, à l’amertume. » Le silence devient ainsi un élément essentiel tant de notre santé psychique que de notre croissance spirituelle.

Comment le cultiver en dehors de nos temps de méditation immobiles ?

Dans cette quête très personnelle, j’ai expérimenté plusieurs manières que je vous partage (sans prétendre à l’exhaustivité). Se reconnecter à des moments de contemplation gratuite dans la nature : s’arrêter à l’occasion d’une randonnée et regarder le paysage pour s’en imprégner sans chercher à analyser (expérience citée en début d’article relative à la contemplation de la mer). C’est ainsi une manière de court circuiter notre mental galopant pour retrouver le canal direct des sens : la vue d’un beau panorama marin, forestier, montagnard, rural… ; l’ouïe pour entendre le bruit des vagues, du vent, des oiseaux, …Autre manière dans le cadre d’une journée de travail : pratiquer la pause respiration . Comment ? Lâcher votre souris, vos compagnons numériques si ce sont vos outils de travail, fermer les yeux et revenir à une respiration profonde d’inspire et d’expire, souffler, bailler, et laisser émerger ce qui émerge. Cette pause sans parole avec soi-même peut devenir un rituel quotidien (recommandé au moins une fois par demi-journée) et peut s’avérer ainsi un antidote puissant à la tendance «  non-stop » d’une journée dans laquelle certains mangent même devant leur ordinateur ! Et il m’arrive parfois, en cours de journée, de manière inattendue, dans la concentration d’une tâche « d’entendre » le silence, de goûter cette douceur intérieure pleine, une forme  de flow (1).

Pour l’heure, j’ai évoqué essentiellement le silence intérieur pour chacun. Je rêve aussi d’une culture du silence partagé dans les lieux de décision politique, économique ou encore au sein du secteur professionnel. Imaginons un conseil des ministres commençant par une minute de silence pour inviter chaque ministre à se reconnecter à lui-même. Cette invitation mériterait d’être adressée aussi aux députés comme aux sénateurs. Quel effet ? Sans doute des énergies moins gaspillées en lutte verbeuse pour plus de lucidité sur l’impact de sa parole ! Et tout simplement évoquons toutes ces réunions professionnelles dans lesquelles chacun est déjà arc bouté sur son dossier à défendre, sa position à sauvegarder…et qui pourraient aussi intégrer un prologue en silence pour que chacun se reconnecte à lui-même.

Et si cultiver le silence intérieur était une manière de nous ouvrir de manière plus authentique aux autres, d’entrer dans des relations moins égotiques, plus tolérantes dans l’accueil des différences de personnalité, de culture, de pensée de religion…. Nous en avons cruellement besoin en ce monde.

Pour aller plus loin, article sur ce blog

Ecouter le silence à l'intérieur, pour plus de conscience de soi et du monde.

  1. Le flow, concept de la psychologie positive, est un état mental atteint par une personne lorsqu'elle est complètement plongée dans une activité et qu'elle se trouve dans un état maximal de concentration, de plein engagement et de satisfaction dans son accomplissement. Fondamentalement, le flow se caractérise par l'absorption totale d'une personne par son activité. (source wikipédia)
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