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Le blog de Michel BERNARD

SORTIR DE L'INACCEPTABLE POUR ...

29 Novembre 2020 , Rédigé par Michel BERNARD

« Ces violences contre des policiers et des commerces sont inacceptables », twitte le ministre de l’intérieur en France après une journée de manifestation à Paris qui a dégénéré en affrontements physiques. Un restaurateur parisien, devant des journalistes, après le saccage de son restaurant avec des bris de glaces : «  C’est inacceptable cette violence gratuite. En plus, nous sommes toujours fermés suite à la poursuite de la règle posée par le gouvernement avec le COVID. Double peine… ». Vous perdez un proche dans des circonstances inattendues ( accident,..°) «  Pourquoi lui, elle qui aimait la vie ??? Inacceptable. Impossible à admettre. » . Le mot inacceptable pose une première digue sur un fait, un événement que notre conscience humaine ne peut tolérer ou même admettre. C’est sans doute un moyen instinctif d’encaisser le choc . Mais cette digue, si elle persiste durablement, a l’inconvénient de nous enfermer dans des comportements rigides et même mortifères. Enfermement dans le déni. Des parents qui n’arrivent pas à faire le deuil d’un enfant disparu tragiquement. Elisabeth Kübler-Ross (1926-2004), psychiatre reconnue pour son modèle d'accompagnement des malades en fin de vie, a conceptualisé la courbe du deuil en 5 phases en montrant que le déni est généralement la première phase avant de reconnaitre, d’intégrer dans sa sensibilité humaine cette souffrance trop dure à digérer au début. Quant aux inacceptables que nous prononçons devant des faits sociaux, deux versants peuvent s’observer. L’un est une forme de  résignation . «  C’est la violence, ça fait partie de notre société, qu’est ce qu’on y peut. A moins de chercher encore des boucs émissaires. Les parents qui n’ont pas su donner une éducation structurante à leurs enfants, violents d’aujourd’hui, le gouvernement qui n’agit que par acte d’autorité brutale, ou encore cette société pourrie par la surconsommation et le chacun pour soi."  L’autre versant conduit à la révolte qui peut engendrer le passage à l’acte. Combien de révolutions dans le sang pour contester un dictature sanguinaire elle-même. La violence qui s’enchaine à la violence dans un espèce de cercle systémique. Pourtant, il y aurait peut-être lieu de prendre distance notamment par rapport à la surmédiatisation des phénomènes de violence qui font le business des chaines télévisuelles, des journaux ou des sites médiatiques sur les réseaux sociaux. En effet, le professeur de psychologie à Harvard d’origine canadienne, Steven Pinker a démontré, dans une analyse historique remarquée (1), que ,concernant tous les phénomènes de violence sur notre Terre, notre siècle est, comparativement  aux époques précédentes, le moins violent.

. Alors quelle alternative sur la crête entre le versant « résignation-fatalisme » et le versant « révolte-passage à l’acte » ?

Pour ma part, je suis habité par l' Espérance. Edgar Morin (2), sociologue de la pensée complexe, le réitère dans ses derniers ouvrages. L’espérance, c’est croire aussi à l’improbable qui peut advenir contre les forces de haine et de destruction. L’histoire le démontre avec des événements comme le débarquement en Normandie des forces alliées qui a renversé le cours de la deuxième guerre mondiale ou encore la chute du mur de Berlin en 1989. Une américaine, écophilosophe , Joanna Macy, militante activiste depuis plus de 50 ans pour la protection de notre terre et  sa biodiversité a écrit  un ouvrage traduit en français par « l’espérance en mouvement » (3). A souligner qu’ Edgar Morin a 99 ans et Joanna Macy 91 ans. Leur traversée du siècle n’a pas éteint dans leur regard cette étincelle qui leur fait écrire, répéter qu’ espérer, c’est croire au possible, c’est croire qu’une autre histoire peut s’écrire demain, c’est croire que nous pouvons agir autrement. Le 13 novembre 2015, la salle  de spectacle le Bataclan, au cœur de Paris et en plein concert, est mitraillée par un groupe terroriste. Antoine Leiris, journaliste perd tragiquement sa femme dans cette horreur collective. Trois jours après, veuf à 34 ans et père d’un petit garçon d’un an, il a le courage et la lucidité de poster sur un réseau social  un message avec le titre « vous n’aurez pas ma haine » et dont le texte sera lu plus de 200 000 fois avec en particulier ce passage « Alors non je ne vous ferai pas ce cadeau de vous haïr (par rapport aux terroristes). Vous l’avez bien cherché pourtant mais répondre à la haine par la colère ce serait céder à la même ignorance qui a fait de vous ce que vous êtes » Ces hommes et ces femmes, dans un monde parfois obscurci par la violence, l’absurde, et l’incompréhensible, nous indiquent qu’une étoile brille toujours, par tous les temps, sur notre planète Terre : l’étoile de l’espérance… à condition de lever les yeux vers le ciel et de marcher à sa suite.

  1. Steven Pinker : « la  part d’ange en nous, histoire de la violence et de son déclin », Arènes, 2017
  2. Edgar Morin : « Changeons de voie, les leçons du coronavirus », Denoël,2020
  3. Joanna Macy : «  L’espérance en mouvement », Labor et fides, 2018
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