Un monde nouveau reste possible
Contribution avec les 3-3-3 (😀)
« Imaginez que l’on vous montre avec certitude qu’il n’y aura jamais d’effondrement et qu’il n’y a strictement aucun souci à se faire pour l’avenir. Que feriez-vous alors pour changer de vie ? Rien. Imaginez que l’on vous annonce avec certitude que l’espèce humaine disparaitra en 2042 à cause d’une météorite géante. Que feriez-vous ? Passer la fin de votre vie au bistrot à la mode « aquoiboniste ». …Et nous nous trouvons en équilibre, sur cette fine crête située entre l’incertitude radicale des événements à venir et la conviction qu’il est physiquement impossible de continuer notre mode de vie. »
Ce décor d’une cruelle lucidité est posé par trois scientifiques devenus chercheurs in-Terrre-dépendants : Pablo Servigne, Raphaël Stevens et Gauthier Chapelle à travers leur ouvrage collectif : « Une autre fin du monde est possible » (1) publié en 2018 et terriblement d’actualité. En face de cette incertitude radicale d’une civilisation humaine qui peut s’effondrer dans le siècle en cours, il y a lieu de poser au moins trois constats :
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1 quelle que soient les progrès de la médecine, l’espèce humaine comme toute espèce vivante est mortelle. Nous avons à réhabiliter notre finitude en nous rappelant avec humilité que si notre planète vieille de 4 milliards et demi d’années avait cette durée ramenée à une journée de 24 heures, notre espèce humaine serait apparue uniquement dans les 5 dernières secondes.
2 Le réchauffement climatique continue sa progression ( déjà +1 degré au XXème siècle en France) avec des hypothèses situées entre +4 à +8 degrés en 2100 alors que l’accord de Paris de la COP 21 visait à maintenir l’augmentation de température sous la barre des 2 degrés. Avec toute son avalanche de conséquences sur la vie humaine ( des millions de réfugiés climatiques), de la raréfaction de l’eau, de la réduction encore accrue de la biodiversité et des ressources naturelles …
3 A ce jour, la plupart des gouvernements ne prennent pas les moyens suffisants pour réduire ce réchauffement de manière radicale. Bref, même si les experts scientifiques du GIEC (groupement intergouvernemental des experts pour le climat) rabâchent régulièrement leur alerte et leur inquiétude fondée concernant l’impasse dans laquelle avance notre monde, les décideurs politiques entendent certes, savent certes mais n’agissent pas avec tout le courage, la détermination et la stratégie à la hauteur de ces enjeux de civilisation.
Comment nous situer devant ces réalités d’aujourd’hui et d’un monde de demain ? Joanna Macy, écophilosophe et activiste américaine de renom depuis plus de 50 ans, dans son ouvrage « l’espérance en mouvement » (2) illustre trois types de comportement sous forme de trois histoires :
1 On fait comme d’habitude comme si de rien n’était.
C’est l’histoire que raconte la plupart des décideurs politiques et des dirigeants de grandes entreprises. C’est la croissance économique qui nous sauvera et nous trouverons bien des moyens technologiques de faire face à la réduction des ressources naturelles et au réchauffement climatique…Question : jusqu’à quand ce modèle d’une société productiviste consommatrice peut-il perdurer ?…alors que nous savons qu’il faudrait déjà trois planètes si tous les habitants de la terre avait le même niveau de consommation qu’un européen ( et 5 planètes pour une consommation comparable à celle d’un américain) ?
2 La grande désintégration.
Devant le risque de catastrophes déjà présentes et annoncées ( déclin, crise économique, épuisement des ressources, changement climatique, extinction des espèce, guerre, violence…), il y a une perte de confiance dans le futur avec un sentiment mêlé de « qu’est ce que je peux y faire ? », de fatalisme, d’impuissance et de grande tristesse pour les générations futures. Question : comment sortir de ces sentiments de peur, d’impuissance, ou encore de pessimisme ténébreux ?
3 Le changement de cap.
Les deux premières histoires qui peuvent cohabiter aussi en nous ( alternance de « je ne change rien, tout va bien pour l’instant » avec une montée d’inquiétude viscérale suite à une émission de télévision alarmiste) contribuent à des comportements passifs, de résignation, ou de déni même du réel. Aussi, Joanna Macy propose une troisième voie qu’elle qualifie de « changement de cap ». De quoi s’agit-il ?
Elle part d’une vision du passage d’une économie fondée sur la croissance industrielle qui nous emmène dans une impasse à une société de soutien du vivant. Cette vision se fonde sur des éléments de constat, notamment la réalité de plus d’un million d’organisations dans le monde œuvrant déjà pour la durabilité écologique et la justice sociale sans compter toutes les actions de résistance citoyenne comme celles influencées auprès des jeunes par la jeune activiste suédoise Greta Thunberg. Cette voie qui invite à jouer collectif encourage un engagement actif. Cependant, Joanna Macy souligne que ce changement de posture passe par un changement de conscience individuelle avec plus de compassion, de sentiment d’appartenance et de gratitude pour la beauté du vivant et de notre planète.
En contributeur pour un changement de cap, je propose de l’éclairer avec au moins trois axes d’évolution que plusieurs auteurs engagés reprennent dans leur philosophie pour un nouveau monde :
1 Retrouver, chacun à sa manière, un lien de proximité avec les espèces vivantes non humaines , arbres, fleurs, animaux sur terre, sous terre, dans le ciel et en mer.., Cette nouvelle reliance passe par exemple par le changement de regard sur les arbres qui sont effectivement les grands protecteurs de notre santé par leur travail quotidien de captation du carbone, du rejet de l’oxygène dans l’atmosphère, de l’évapotranspiration pour nous rafraîchir en forte canicule, ou encore renforçant notre système immunitaire avec l’effet des phytoncides. C’est en plus les considérer comme des partenaires de vie qui peuvent nous communiquer à leur manière des enseignements et de la sagesse à travers leur longévité et leur force tranquille.
2 Travailler son engagement pour un changement de cap à partir de son intériorité. C’est notamment l’approche proposée par Michel Maxime Egger (3), sociologue et écothéologien suisse qui évoque la posture du méditant militant. Il souligne que la force d’un engagement dans la durée s’enracine avant tout dans un désir profond du cœur…et que ce désir peut émerger grâce au silence intérieur et à la méditation. Ainsi, dans une conférence récente, il insiste sur une attitude intérieure qu’il nomme le « non agir », une forme de lâcher prise qui ouvre la possibilité à l’énergie du vivant d’agir à travers nous. Nous sommes ainsi en dehors du dictat du petit égo qui aurait envie d’être admiré en jouant le rôle d’un militant d’une grande cause écologique…
3 Collectivement, pour sortir des scénarii conditionnant de sociétés modernes ultraconnectées, robotisées, avec l’intelligence artificielle ou encore de scénarii catastrophes dont les films à grand spectacle ont imprégné notre cerveau d’images mentales, il semble opportun d’inventer une nouvelle histoire, un nouveau récit. C’est notamment ce que suggère Cyril Dion (4), coauteur du film Demain et cofondateur avec Pierre Rabhi du mouvement Colibris.
Comment ? Partir déjà de l’existant même à petite échelle comme les oasis promus par Pierre Rabhi (5) qui sont des espaces de vie, de travail, de communauté cherchant à vivre dans le respect de la nature et de la sobriété…heureuse . Faire émerger une vision d’un futur désiré qui donne envie, qui fédère de manière large une population dans ses diverses composantes, jeunes, salariés, retraités, hommes et femmes…
Et si….nous imaginions ce nouveau monde aujourd’hui comme le suggère Joanna Macy.
« Quand nous mettons en images l’avenir que nous espérons,
nous renforçons notre conviction que cet avenir est possible ».
😀 3-3-3 = 3 constats-3 types de comportement-3 pistes ou axes d’évolution.
- Une autre fin du monde est possible – Vivre l’effondrement (et pas seulement y survivre) : Pablo Servigne, Raphaël Stevens, Gauthier Chapelle ; 2018
- L’espérance en mouvement ; Joanna Macy et Chris Johnstone ; 2018
- Ecospiritualité, réenchanter notre lien à la nature ; Michel Maxime Egger ; 2018
- Petit manuel de résistance contemporaine ; Cyril Dion ; 2018
- Vers la sobriété heureuse ; Pierre Rabhi ; 2010
ELOGE DE LA MARCHE AU PRESENT
Je marche, tu marches, nous marchons. Jamais, je n’ai constaté autant de marcheurs. Marcheurs dans la ville car le citadin ne peut plus vraiment s’arrêter dans les bars et restaurants interdits. Marcheurs à la campagne, dans les forêts, en bord de mer pour échapper au port obligatoire du masque et retrouver un semblant de liberté de vivre.
Et les médecins vous confirmeront que la marche est en elle-même bonne pour notre santé physique et mentale. Elle oxygène notre cerveau, elle mobilise notre cœur dans l’effort et une bonne partie de notre chaîne musculaire...et nous rappelle que l’homme préhistoire duquel nous descendons, l’homo erectus, s’est effectivement un jour mis debout et a vécu essentiellement debout et en plein air.
Y compris pour des personnes qui éprouvent une mobilité difficile liée à une obésité ou une maladie spécifique, la marche reste un grand facteur de santé individuelle et collective, surtout en période de pandémie.
Cette éloge de la marche, je souhaite la compléter par une approche complémentaire.
D’abord, nous disposons d’un éventail large de formes variées de marches grâce au développement des activités sportives. La marche nordique, marche avec bâtons dont je suis animateur moi-même et qui se pratique sur tout terrain : sur un chemin forestier, en moyenne montagne, et sur le littoral maritime ; la marche aquatique ou longe-côte qui draine de plus en plus de séniors dans la mer en bordure de littoral, une marche tonique qui profite de l’iode marine et se pratique même en hiver avec une bonne combinaison intégrale isothermique. Je pourrais aussi évoquer la marche athlétique dont le recordman du monde est un français, Yohann Diniz qui a parcouru les 50 kilomètres à plus de 14 km/heure (1)…en marchant.
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Enfin, il existe une marche plus discrète, non portée par les fédérations sportives comme celles que j’ai citée précédemment, et qui revêt une valeur particulière : la marche méditative.
De quoi s’agit-il ?
C’est une marche de pleine conscience qui vise à nous ramener sur terre, dans l’ici et maintenant. Un de ses grands adeptes est le moine d’origine vietnamienne installé en France, Thich Nhat Hanh. Laissons-lui la parole car il la pratique tous les jours et souvent avec des groupes de retraitants dans le village des Pruniers qu’il a crée en Dordogne.
« Quand nous marchons, nous produisons l’énergie de pleine conscience. Au lieu de penser à ceci et cela, prenez simplement conscience du contact entre votre pied et le sol. L’attention à ce contact est vraiment porteuse de guérison… Chaque fois que vous devez vous rendre d’un endroit à un autre, vous pouvez appliquer les techniques de la méditation marchée…Arrêtez de penser, arrêtez de parler et touchez la Terre de vos pieds. » (2)
Et ce qui surprend dans le vécu de cet homme imprégné de sagesse et de paix, c’est qu’il le vit non comme une ascèse, une discipline mais d’abord dans le fait qu’il aime, qu’il éprouve de la joie à cette pratique que certains pourraient trouver banale. Et l’enjeu est aussi de renouer un vrai contact avec le vivant, la Terre maltraitée depuis trop longtemps par nos pollutions, nos exploitations, et nos pillages industriels massifs. Ecoutons la voix du cœur de Thich Nhat Hanh :
« Vous pouvez focaliser votre attention sur votre plante de pied. Sentez le contact de votre pied avec le sol. Vous êtes tout en bas, dans votre pied, et non là-haut dans votre tête. Il y a en vous cette sensation d’être en contact avec la belle Terre Mère. » (2)
Pour ma part, je pratique cette marche régulièrement en montant l’escalier jusqu’à notre appartement au 2ème étage d’une résidence. Je quitte mon mental pour mettre mon attention dans mes pieds et même dans l’écoute du bruit feutré de mes pas. C’est étonnant de sentir comment cette simple focalisation de quelques instants libère notre cerveau et nous allège.
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En tant que coach, quand je peux proposer un coaching dans un espace vert, je donne souvent comme simple consigne à la personne accompagnée : « Nous allons revenir dans la salle en silence. Je vous invite simplement à mettre votre attention dans vos pieds. Marcher vraiment avec vos pieds. Goûter les sensations différentes des sols traversés… » Ce petit voyage a le grand mérite de couper pour un temps le moteur souvent trop ruminant du mental pour replacer le curseur au bon endroit : vivre l’instant présent.
Oui, nous avons la chance de disposer d’un outil gratuit accessible à tous (ou presque) et qui peut offrir un espace de ressourcement, de paix et même de contentement intérieur sans se déplacer au bout du monde.
Alors la prochaine fois, donnez vous un petit défi sur un parcours repéré : stop au mental et je place toute mon attention dans le mouvement de mes pas. Goûtez ce moment présent, unique, simple !
Je marche sur la terre,
Je pose mon pied doucement,
Mère Terre me nourrit.
1 Le 50 kilomètres en 3h 32 minutes 33 secondes au championnat d’Europe à Zurich le 15 août 2014, soit à 14,11 km/h.
2 Extrait du petit ouvrage de Thich Nhat Hanh : « marcher en pleine conscience »