Gäel Giraud, l'économiste écologiste hors norme
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A 51 ans, Gaël GIRAUD, ancien économiste en chef de l’Agence Française du Développement (AFD), ancien membre du comité scientifique de la fondation Nicolas Hulot, vient d’être nommé en 2020 à la prestigieuse université de Georgetown à Washington pour diriger le programme de la justice environnementale. Un visage d’enfant sage, un regard doux, une voix fluette paisible, et un sens de la concentration pour répondre à ses interlocuteurs avec précision et justesse, Gaël GIRAUD détonne dans le paysage des économistes influents car il ose sortir du cadre convenu, épingler le gouvernement sur ses incohérences de stratégie et soutenir une thèse, celle des communs.
Pour situer la pensée économiste de Gaël GIRAUD, précisons qu’il est aussi prêtre jésuite et déploie à travers ses ouvrages, ses conférences, et ses liens avec des politiques engagés une démarche voulant mettre l’économie au service d’une terre viable écologiquement et d’une justice sociale. Ainsi, il considère, avec d’autres penseurs, que le modèle néo libéral n’est plus adapté (l’a-t-il été un jour ?) et qu’il y a urgence à changer de modèle économique notamment avec la nécessité de remettre le secteur financier bancaire, y compris la banque centrale européenne sous l’autorité régulatrice des Etats. Dans cette vision, il remet en cause tout simplement le vieux concept historique d’origine romaine de la propriété privée et propose de redonner une vraie place à ce qu’il nomme les communs. De quoi s’agit-il ?
Les communs sont des biens communs qui ne sont ni privés, ni publics et qui servent au collectif. « C’est une ressource partagée par une communauté avec des règles assez précises d’allocation de la ressource » (1). Dans le cadre de ses interventions de plus en plus suivies, il montre qu’il serait absurde de considérer les poissons de l’océan comme un bien public avec un risque d’appropriation par une puissance étatique et qu’ils méritent d’être considérés comme des communs méritant de faire l’objet de règle partagée pour éviter leur surexploitation et l’équité concernant la pêche. Les communs correspondent à « notre rapport le plus ancien et le plus ancestral au monde qui nous entoure » (1). Et il démontre que les peuples indigènes ont sauvegardé ce principe de bien commun avec l’autorité du chef de tribu. Ce n’est pas un concept ringard car il démontre aussi que des démarches d’intelligence collective actuelles comme les fab lab, les logiciels libres témoignent de l’intelligence partagée hors propriété privée et sont bien des communs à privilégier. Nous sommes donc encouragés à nous réapproprier des communs sur nos territoires, à être inventifs à l’image des monnaies locales qui fleurissent ici et là.
L’enjeu pour cet homme engagé dans une croisade pour une économie au service de la vie et de la justice sociale, est bien de sortir de l’impasse d’un modèle obsolète de production-consommation- profit pour inventer un modèle qui passe par une réappropriation au niveau le plus local des communs par les citoyens. Utopique ? Gaël GIRAUD reste, dans l’esprit de Saint Ignace de Loyola, fondateur des jésuites, dans une réflexion fondée sur le discernement spirituel et a vécu aussi, pour répondre aux exigences de la formation des jésuites, loin des feux des médias, une retraite de 30 jours dans le silence, et un mois et demi dans un centre de réfugiés à Rome.
Et si cet économiste communiquant « hors norme » ouvrait une porte sur une société du futur, celle à laquelle aspirent de plus en plus de citoyens conscients d’un système économico-politique à bout de souffle ?
- Ted X de Tours en avril 2018 : apprenons à partager les ressources pour sauver le vivant.
Ouvrage de référence : Illusion financière ; 2014
Une journée avec Samuel DUJARDIN
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7H, Samuel s’étire dans son lit et se réveille doucement. Il ne veut pas réveiller trop vite sa compagne Alicia. Après un petit déjeuner à deux en amoureux sur leur terrasse entouré d’un petit potager de tomates et de salades, il embrasse Alicia avant d’enfourcher son vélo pour partir à son travail social. En effet, à 24 ans, Samuel est écojournaliste dans un journal coopératif local dans sa ville de Newday. Ecojournaliste ? Oui, ce métier est né après la grande crise sociale et mondiale de 2030 dans laquelle les médias ont été discrédités pour fabriquer des fake news ou encore à la solde des milliardaires propriétaires. En France, une loi encadre désormais les journaux locaux pour qu’ils soient d’une réelle utilité et ouverture d’esprit pour les citoyens et en version numérique uniquement car le papier est d’un usage limité essentiellement pour les enfants et étudiants en scolarité. La publicité a été supprimée. Ainsi Samuel, en apprenti junior épaulé par Thomas son tuteur sénior de 40 ans, est chargé d’alimenter la rubrique « soutien à l’éveil des consciences ».
Il dépose son vélo dans le vélospace en l’accrochant directement avec une reconnaissance vocale. Et il arrive juste pour la séance de méditation ouverte au personnel du journal. Elle n’est pas obligatoire mais largement recommandé pour favoriser la bonne harmonie entre les personnels. Elle dure une demi-heure. Samuel l’apprécie car elle l’aide à rester cool, en apprenant à respirer calmement par le bas-ventre.
9H : conférence de rédaction, les sujets du jour sont discutés et un vote démocratique avec le rédacteur en chef valide ceux qui seront retenus pour l’édition du lendemain. Samuel a proposé un interview du nouveau responsable de l’espace ressourcement nature de la ville. En effet, un parc a été transformé et a reçu le label « oasis vert ». C’est une grande fierté pour la ville qui a été une des premières en France à se lancer dans ce défi. De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’un parc avec des fleurs, des arbres, quelques tables en bois ici et là et constitués de parcours d’invitation « nature ». Par exemple, un parcours appelé « tous mes sens ouverts » invite à contempler, à écouter les sons d’oiseaux, à goûter l’écorce des arbres ou encore à respirer des plantes aromatiques , bref un parcours pour cultiver une ouverture par tous ses sens à la nature. Une autre invite à se déplacer avec une marche très lente pour savourer la lenteur et la sensation de chaque pas. Ce parcours est dénommé « marche Thich Naht Hanh » en hommage à cet homme qui a contribué au passage de l’ancien au nouveau monde. Un espace accueil est prévu aussi pour les enfants avec des activités ludiques d’initiation à la nature avec la présence très attentive d’écopasseurs (1).
Le temps passe vite et Samuel se retrouve avec ses collègues dans le jardin « zen » pour déguster son repas tiré du sac. Des fruits sont proposés par les agriculteurs locaux. Aujourd ‘hui les fraises sont à l’honneur.
Enfin, à 14h, il quitte son journal et a fini son travail social qui est , comme pour beaucoup de français, réalisé sur un mi-temps. L’après-midi, il a choisi cette année dans l’option bénévolat social de la ville de donner un coup de main au maraicher Antonio qui produit notamment des salades, des concombres et des haricots. Il aime ce travail qui le fait travailler en plein air le plus souvent et équilibre ses matinées devant l’ordiparleur (2).
17H,il se retrouve avec sa compagne Alicia. Il lui a proposé de découvrir en avant-première « l’oasis vert ». Et arrivés sur place, ils choisissent de faire le parcours « amour des arbres ». Avec des écout « cœur », ils se déplacent les yeux bandés et s’amusent à trouver les arbres à partir de la texture, de la senteur de leur écorce. En fin de parcours, ils rient d’avoir constaté qu’ils ont fait le parcours en revenant souvent sur leur pas. Belle expérience de marche et d’utilisation de son sens de repérage dans l’espace sans voir.
19H : repas avec un groupe d’amis dans la cantoche végétarienne des sœurs Ariane. Et avec Alicia, ils choisissent de rejoindre une activité « sans écran » (3) proposée par le service écoculturel de la ville. Au programme, dans une salle chauffée par le solaire, un vieux chanteur guitariste très connu, Damien Larivière propose une balade sur l’ancien monde.
Avec les recommandations de limitation des lumières, la soirée se termine avec des lampes écoénergétiques autour du chanteur, dans une belle ambiance intimiste.
Samuel est ravi de cette soirée avec Alicia. Il est content d’avoir trouvé à 24 ans un équilibre de vie avec son travail social à mi-temps, son bénévolat citoyen. Et Alicia avec laquelle il partage la même passion. Devinez laquelle ?
Ils adorent chanter et chaque semaine ils participent à une chorale « A cœur ouvert ». Ils aiment bien retrouver des répertoires de l’ancien monde, celui de leurs parents et ils adorent fredonner ensemble une chanson d’un groupe pop de la fin du XXème siècle, et d’un chanteur, John Lennon. Le titre de la chanson ? Imagine. Eux estiment qu’ils ont bien de la chance d’avoir vécu après la grande crise de 2030 car beaucoup de personnes sont mortes pour préserver cette liberté de vivre, de retrouver la connexion avec la nature et assurer la survivance de la Terre.
La nuit est tombée sur Newday. En entendant le petit duc Scop, ils s’embrassent tendrement avant de s’endormir dans leur chambre ouverte sur un plafond éclairé par la douceur de Dame Lune…
Epilogue.
Le lendemain matin, petite surprise, le convivialiste (4) a déposé un cadeau devant la porte de Samuel et Alicia. Alicia l’ouvre et découvre un petit chaton avec un carton coloré qui indique « Joyeux Anniversaire, Alicia pour tes 22 ans ! ». Elle est touchée et sourit de cet inattendu. Elle adore les chats et leur langage crypté avec le décodeur bioviva lui permet de comprendre immédiatement les premiers regards du chaton : « Veux-tu bien m’adopter ? ».
C’était le 1er mai de l’année 2045.
Texte de Michel BERNARD écrit en 2021, année de naissance de Samuel.
dans le cadre du MOOC transition intérieure proposé par le mouvement Colibri,
- L’écopasseur est un professionnel généralement passionné qui a appris le langage des êtres non humains dans la nature, les fleurs et les arbres en particulier. C’est un pédagogue qui aime transmettre ce savoir notamment auprès des enfants.
- L’ordiparleur est un ordinateur dernière génération équipé d’un capteur vocal qui traduit en écriture immédiate ce qui est dit. Il pose aussi des questions à son « parleur » humain pour l’inviter à prendre des décisions opportunes.
- Les écrans sont limités hors du champs de travail pour préserver la santé de chaque citoyen.
- Cette fonction sociale concerne la préparation des petites attentions de bienveillance quotidienne auprès des habitants d’un quartier. Le convivialiste est en général une personne dotée de sens relationnel avisé, d’humour et de créativité. Chaque adolescent, avant d’entrer dans la vie d’écocitoyen adulte, est invité à participer à une période auprès du convivialiste dite « transition adulte ».