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Le blog de Michel BERNARD

CONSTRUIRE DES PONTS POUR SE RELIER

29 Juin 2024 , Rédigé par Michel BERNARD

« Notre monde intellectuel est fait de catégories. Il est bordé de frontières arbitraires et artificielles. Il faut construire, mais pour cela il faut une connaissance, une vision plus grande de l'homme et de sa destinée. » Yehudin Menuhin, violoniste de génie dès son plus jeune âge chef d’orchestre et humaniste ( 1916-1999) .

Dans notre époque troublée par les extrêmes, par une forme de fragmentation de notre société en France et de contamination par les réseaux sociaux, j’ai le désir de naviguer à contre-courant. Dans cette navigation pour trouver des vents plus favorables vers une vision de l’homme nourrissante, les grands musiciens me semblent, parmi d’autres, voix d’inspiration.

Deux mouvements me semblent urgents de réactiver : nous relier par des ponts et tisser des liens nouveaux de fraternité.

Relier par des ponts, c’est « casser », déconstruire les catégories toutes faites dans nos esprits conditionnés. Les riches, les pauvres, les gens qui ont de la chance, ceux qui n’ont pas de chance, les victimes permanentes, les persécuteurs ; les gens qui sont conservateurs, ceux qui veulent la révolution ; les militants pour défendre la planète et ceux qui n’ont pas conscience de l’urgence à changer nos modes de vie pour un monde soutenable et désirable…La liste en mode binaire pourrait bien sûr être complétée à volonté.

Relier par des ponts, c’est chercher à comprendre le mode de pensée de mon voisin, de mon « opposant politique », de celui qui m’est étranger. C’est oser s’arrêter et se questionner : « Qu’est ce qui le fait penser ainsi ? Quelles sont ses croyances racines qui sont à l’origine de ses convictions ou encore d’une forme d’endoctrinement ?

Puis, dans un mouvement qui nous sort des murs à l’image d’hommes politiques rivés sur leur discours tout prémâché et ignorant ou méprisant la parole de celui qui ne pense pas comme eux, ouvrir nos bras, tendre la main, ouvrir le cœur pour se relier les uns avec les autres. Le poète breton, Jean Lavoué  ( cf https://mister-aidant.over-blog.com/2024/05/jean-lavoue-poete-reveilleur-d-humanite-est-parti.html) nous le disait après le confinement de 2020 avec une belle formule : « Relier, c’est s’adresser de loin en loin de petits signes de tendresse, c’est s’abreuver à la même nappe phréatique, c’est prendre à pleines mains la fragilité de notre vie, c’est la rendre plus fraternelle ».

Le mot est enfin lâché : fraternelle, fraternité, fraterniser comme si nous avions oublié dans la devise de notre république « Liberté Egalité Fraternité » la troisième partie. C’est quoi fraterniser en ce XXIème siècle ? Est-ce si désuet ? Est-ce vraiment de l’ordre de l’impossible dans la fragmentation des points de vue ? Une douce utopie ? Dans un des ouvrages les plus diffusés et lus au monde, «  le petit prince de Saint Exupéry », rappelez-vous, le petit Prince, loin de sa planète, questionne le renard «  Qu’est-ce que signifie apprivoiser ? Réponse du renard : « C’est une chose trop oubliée. Cà signifie créer des liens… » Oui, retrouver ce lien humain vivant entre nous, ce lien qui chercher d’abord l’unicité de l’autre, son « cœur de vie ». Anecdote récente. A l’occasion d’une fête des voisins, nous avons été conviés pour la première fois dans la maison « séniore » mitoyenne habitées par des personnes résidentes en majorité des femmes âgées entre 70 ans et presque 100 ans. Et j’ai vu des jeunes trentenaires en proximité de ces « ainés » partager, échanger, questionner, et même rire dans une ambiance festive d’auberge espagnole sur la terrasse de cette maison séniore récemment construite. Moment unique qui révèle qu’il suffit parfois de peu de choses, une occasion, une opportunité pour relier des univers parallèles.

Et quand Yehudi Menuhin, interrogé en 1986 par une journaliste québécoise qui lui demande « Comment passe t-on d’un enfant prodige à un adulte prodige ? », il a cette réponse de sa voix douce enveloppée d’un regard malicieux :  « Je ne dirais pas que j’étais un enfant prodige. C’est parce que je suis resté enfant, je n’ai jamais fait de transition ! ».

Dans cette réponse, j’y puise aussi l’âme de cet humaniste visionnaire, humilité et cœur d’enfant. Deux ingrédients que nous pouvons cultiver en jardinier pour faire renaitre les semences du lien, de la fraternité. Demain, des ponts nouveaux sont à construire en y mettant tout notre imaginaire d’enfant. Des ponts enjambant les vieux préjugés, les méconnaissances, les murs artificiels, les rivières polluées, les eaux usées des divisions.

Des ponts qui relieront les générations pour composer la symphonie du nouveau monde.

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