Et si nous étions des bâtisseurs de cathédrale
En 1163, le roi décide de réaliser de grands travaux dans Paris. Il choisit de se rendre directement lui-même sur un de ces lieux au coeur de Paris, sur l'île de la cité. En arrivant sur place, il aperçoit trois tailleurs de pierre très concentrés sur leur travail. Sans micro et sant télévision, il s'adresse au premier :
- Que faites vous, mon brave ?
- Cà ne se voit pas. Je taille une pierre, répond l'homme sur un ton bourru.
Le roi se tourne alors vers le deuxième tailleur de pierre :
- Et vous, pouvez vous me dire ce que vous faites ?
- Moi, Monseigneur, je travaille ici pour nourrir toute ma famille.
A ce moment, le roi observe le troisième tailleur de pierre resté en retrait de l'échange et toujours concentré sur le travail de la pierre. Prudemment, le roi s'avance vers lui et lui demande :
- Et vous, qu'est ce que vous faites ?
Arrêtant de frapper la pierre, le tailleur se redresse et regarde fièrement le roi :
- Moi, Monseigneur, je bâtis une cathédrale !
Cette histoire aujourd'hui très popularisée, longtemps, j'ai considéré qu'elle nous invitait à devenir semblable au troisième tailleur, celui finalement qui donne un sens fort à son action. Noter aussi que s'agissant de Notre Dame de Paris dont les travaux ont commençés en 1163 pour s'achever en 1245, beaucoup d'ouvriers n'ont pas vu la construction finale dans toute sa beauté. En fait, je constate que je me reconnais bien souvent dans les trois tailleurs de pierre, . Le premier tailleur a , pourrait-on dire aujourd'hui, le nez dans le guidon : il tape la pierre sans se poser de question métaphysique. Que l'on soit à un guichet de poste, caissière dans un supermarché, enseignant, médecin, ouvrier sur un chantier de travaux publics , dans un bureau x ou une entreprise y, combien sont amenés à vivre le travail comme tel. Le deuxième tailleur, c'est celui qui reconnait le besoin prioritaire derrière le travail, nourrir sa famille. Ce qui n'est pas négligeable. Et c'est un acte aussi d'authenticité avec soi-même de se poser la question : quel(s) besoin(s) je nourris finalement dans mon travail ? En élargissant la panoplie au delà de la nécessité économique, il y aurait sans doute , en fonction des environnements professionnels, du besoin de réalisation de soi, de considération, de reconnaissance, ou plus simplement un besoin de sécurité. Le troisième tailleur nous invite à lever les yeux au delà de l'action immédiate et des besoins pour se poser la question : " A quoi je cherche à contribuer à travers cette activité professionnelle ?" . La question peut sembler incongrue pour certaines professions "dures" où le besoin économique est dominant. Pourtant, je persiste à penser que cette question posée régulièrement à soi en posant notre burin de tailleur de pierre peut provoquer un autre niveau de conscience apte à :
- redéclencher une énergie nouvelle. Bâtir une cathédrale me semble plus exaltant que taper sur un caillou !
- nous relier aux autres dans l'activité. Si je construis une cathédrale, ce n'est pas seul : je suis un maillon d'une immense chaîne du tailleur de pierre, aux autres corps de métier jusqu'à l'architecte concepteur de la cathédrale. C'est donc un bon moyen de redynamiser un sens collectif.
Et puis, ce sens plus profond, cette contribution peut être colorée à notre manière avec notre propre vision. Pour un tailleur de pierre chrétien, on peut facilement imaginer qu'il s'agit pour lui de contribuer à une oeuvre divine. Pour un autre, ce pourra être de contribuer à construire un édifice beau et visible par tous dans la cité.
Et si nous prenions le temps de poser notre burin, pour nous poser deux questions :
1) là, dans mon activité professionnelle ou bénévole, à quelle cathédrale j'apporte ma pierre, à quelle oeuvre collective finalement je contribue et je désire contribuer ?
2) Et si je dessine ma cathédrale aujourd'hui, à quoi ressemble t'elle ?
A votre imagination, avec formes et couleurs, en levant les yeux vers le ciel.