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19 février 2023 7 19 /02 /février /2023 18:52

HOMO NUMERICUS. Nous serions, selon l'économiste Daniel COHEN dans cette ère où  nos sociétés et nos journées sont biberonnées au numérique depuis notre "tendre enfance". Quelques chiffres cités dans son ouvrage "Homo numéricus, la civilisation qui vient" donnent déjà le vertige. Dès 2  ans, les enfants passent presque 3 heures devant leur écrans. Entre 8 à 12 ans, le temps passé avec tablettes et portables monte à 4 heures et 45 minutes en moyenne par jour. Et les adolescents passeraient 40 % de leur vie (hors sommeil) devant un écran ! Conséquence déjà pointé par les professionnels de santé : un risque d'addiction très jeune aux "compagnons numériques", une réduction  de la durée d'attention...entretenue par le "scroll", ce déroulement  sans fin d'écrans sur smartphone. Et que dire des réseaux sociaux qui entretiennent des "soi disants" amis aux quatre coins de la planète sans se connaitre ou sous forme de pseudo.

Certes, ne jetons par le bébé avec l'eau du bain. La période de confinement en 2020 a démontré comment le lien par visio, les connexions de communauté sur le net ont contribué à préserver du lien social au delà des contraintes de séparation et de sédentarité. Le télétravail a été boosté et a aussi permis  à des millions de salariés de mieux équilibrer vie professionnelle et vie personnelle ou familiale.

Cependant, j'observe, y compris pour celui qui écrit cet article sur un blog, que les écrans sont devenus très omnipotents dans le monde du travail . A tel point  qu’une panne d'électricité d'une journée dans l'établissement où j'étais manager a amené des salariés à me demander de partir plus tôt car ne pouvant tout simplement par utiliser leur ordinateur et surtout démunis devant cette situation.

De mon point de vue, nous courrons le risque de ne plus pouvoir penser, écrire, rêver, organiser une réflexion sans l'outil numérique...Une exception rencontrée : l'écrivain Christian Bobin qui me confiait écrire tous ses textes à la main et refuser d'utiliser l'ordinateur. Ainsi, je lui avais écrit une lettre par voie postale, ce qui fut un acte presque original.

A travers la formation de guide de bain de forêts que j'ai suivie en 2022, j'ai retrouvé une chose un peu oubliée comme dirait le Petit Prince de Saint Exupéry. Cette chose, toute simple, c'est notre sensorialité directe, primaire sans intermédiaire.

Toucher l'écorce d'un arbre, sentir ses aspérités, simplement. Humer le goût de brûlis de l'écorce d'un pin parasol. Et devant une lagune d'eau salée, s'arrêter, contempler le scintillement du soleil sur l'eau comme des milliers d'étoiles qui s'allument et s'éteignent. S'asseoir sous un arbre, le respirer, et marcher tranquillement sur des feuilles mortes à l'automne et retrouver un rythme lent. Finalement, retrouver notre HOMO ANIMUS, notre homme intérieur qui est d'abord en contact avec son environnement humain, social, nature avec ses sens, le toucher, la vue, l'odorat, le goût ou encore son instinct primaire.

L'âme humaine a besoin de silence, de recueillement, de se laisser saisir aussi par la beauté de lieux, d'êtres vivants. L'académicien d'origine chinoise, l'écrivain et poète François Cheng, interrogé dans la Grande Librairie, émission littéraire a exprimé ses mots "magiques" sur un ton d'une très grande douceur : " Laisser moi vous dire ce qu'est la beauté...La beauté, ce n'est pas un simple ornement. La beauté est un signe par lequel la création nous dit que la vie a du sens. Avec la présence de la beauté, tout d'un coup, on a compris que l'univers vivant n'est pas une énorme entité neutre et indifférenciée, qu'il est mû par une intentionnalité....Or la présence de la beauté est partout.  Une simple fleur est un miracle. Pourquoi une  fleur  qui s'épanouit en pétales  atteint ce degré de perfection de forme, de parfum et de couleurs ?". Retour sur terre, sur sa beauté hors écran !

Alors, question d'avenir : comment vivre demain dans cette bulle numérique de plus en plus envahissante et préserver notre âme pour goûter les choses de l'intérieur, sans recours à des algorithmes, des faux amis sur les réseaux sociaux, ou encore se laisser happer par du scrolling compulsif ?

Quelques pistes à explorer et qu'il serait bon de mettre  à portée des plus jeunes . Apprendre par les sens, recentrer chaque jour  notre vue, nos yeux sur du beau, des paysages, des êtres humains, des êtres vivants non humains comme les arbres. Retrouver le toucher que notre société hygiéniste de protection a limité de manière drastique depuis le confinement, le toucher par des gestes simples, d'accueil, de soutien...Et puis prendre le temps de s'accorder des vrais temps de silence quotidiens déconnectés de tout sans chercher une tâche, sans objectif. Ou encore oser intégrer dans son travail s'il est très numérisé, des moments sans écran, avec une simple feuille de papier, pour noter, rédiger une esquisse de projet en carte heuristique ou mind map...Non pas un retour à l'homme de Cromagnon. Surtout, une préservation de l'âme dans toute sa capacité à sentir, se relier et s'éprouver sans nécessairement de matériel et d'objet . Difficile ? Les poètes nous montrent le chemin car ils ont souvent préservé des temps quotidiens d'observation, de contemplation de la vie sans chercher immédiatement à résoudre, à analyser, à disséquer le réel tel qu'il se présente.

Bref, réveillons avec bienveillance et douceur notre HOMO ANIMUS

qui sommeille en chacun de nous !

 

 

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commentaires

I
Bonjour Michel,<br /> <br /> Je vous lis depuis des années sans forcément mettre de commentaires. J'étais presque inquiète de ne plus avoir de chronique depuis un certain temps. Merci pour vos réflexions et vos références qui sont vraiment en adéquation avec les miennes et que vous savez si bien écrire.<br /> Bonne continuation dans vos projets<br /> Bien à vous <br /> Isabelle
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