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22 décembre 2019 7 22 /12 /décembre /2019 16:48

Edgard Morin, 98 ans, le regard toujours brillant , vient de terminer une conférence de plus d'une heure près de Montpellier devant un public captivé. Admiratif de sa "largeur de bande passante" de sa pensée et de sa vision du monde nourrie de sa transdisciplinarité, je lui demande une dédicace. Il prend le temps de réfléchir puis couche sur le papier d'une main tremblante :

"Sachez affronter les incertitudes, pensez à vous réaliser mais au sein d'une fraternité".

Vision anticipatrice !

Depuis plusieurs semaines, la France est plongée dans une forme de coma social dans un bras de fer entre gouvernement, organisations syndicales et peuple en manifestation et en grève. La cause : la réforme des retraites qui cristallise toutes les peurs, les projections et crée des ruptures au sein de la société. Ainsi, en plus d'une évolution planétaire incertaine relancée par l'échec récent de la COP 25 qui n'a rien apporté de nouveau, la France augmente le niveau d'incertitude sur des questions comme :

- quel sera l'avenir des jeunes générations impactées par un nouveau système de retraite qui n'est pas validé à ce jour ?

- Combien de temps cette crise sociale paralysant une grande partie du trafic ferroviaire et urbain, notamment sur Paris va t'elle durer ?

- Le gouvernement va t'il céder ou au contraire raidir sa position ?

Bref, dans les 7 savoirs fondamentaux qu'Edgard Morin évoquait dans un petit ouvrage, il déclinait notamment cette capacité de gérer les incertitudes. Comment ?

Pour ma part, il y aurait à conjuguer deux postures qui s'apprennent au fil de l'expérience :

- lâcher prise sur nos crispations quant les choses ne tournent pas comme nous le souhaitons et quand nous n'avons pour le coup aucune prise tangible. Comme le disait déjà le philosophe latin Epictète , "il y a ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous." Et une sagesse est de bien séparer les deux dans un acte de lucidité.

- explorer des options stratégiques qui nous préservent une posture d'acteur et non de victime subissante. Question : en quoi cette crise sociale est-elle une opportunité pour moi aujourd'hui ? Opportunité de plus de lien avec du covoiturage partagé avec d'autres ? Augmenter le télétravail et limiter la fatigue de de déplacements longs et stressants avec l'accord de l'employeur ? Ou encore reprendre un moyen de déplacement non polluant comme le vélo. L'opportunité , c'est peut être aussi d'approfondir une réflexion de positionnement au cœur de cette violence sociale. Qu'est ce que je veux et peux faire pour pacifier sans naïveté ?

Revenons à la conviction d'Edgard Morin et à sa deuxième partie : "...mais au sein d'une fraternité".

Dans notre passé récent, les français ont beaucoup mis en avant  des revendications sociales à travers les deux premiers termes de l'essence de la république : liberté et égalité. Le troisième terme de la bannière républicaine, la fraternité semblait rejeté dans l'histoire ou encore perçu comme un mot démodé dans une société industrielle à tendance individualiste depuis les trente glorieuses (1945-1975). Or, le renouveau porté par les mouvements citoyens, l'économie circulaire avec le déploiement des co, comme coworking, co gérer, co partager, co opérer, ou encore co construire, réveille des solidarités de proximité entre voisins ( habitat participatif), entre groupes locaux liés à un mouvement social, culturel, sportif ou spirituel. Il n'est plus ringard de parler de sa frat ou fraternité. Pour ma part, avec mon épouse, nous avons contribué à créer un club des optimistes, hors de toute structure officielle ou mouvement, composé de 4 couples. Le hasard a voulu qu'il naisse en janvier 2015 juste après les attentats de Charlie Hebdo. Hasard ou synchronicité ?

Oui, Edgard Morin, avec son siècle de riche vécu, nous invite à ouvrir une nouvelle voie, dans la brèche d'une société en rupture, un peu comme une voie d'escalade en trouvant les bons appuis, les ancrages solides pour se hisser vers le ciel.

Dans la conclusion de son ouvrage culte " la VOIE pour l'avenir de l'humanité", intitulée interdépendances et espérance, il indique une des vertus des crises : " En même temps que des forces régressives ou désintégrantes, les forces génératrices/créatrices s'éveillent dans les crises.

Et si 2020 s'ouvrait avec cette espérance que ces forces de vie individuelles, collectives entraînent la bascule de l'humanité, de la France vers un renouveau salutaire pour tous et surtout pour renouveler l'esprit de fraternité.

 

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