GERER SON TEMPS DE TRAVAIL : GERER LES POUX ?
Je viens d'animer une journée de formation relative à l'efficacité avec soi-même. Après que chaque participant ait renseigné un quizz de questions miroir sur sa manière de gérer son espace de travail, son temps de travail, et son traitement quotidien de l'information papier, informatique et téléphonique, la question de l'appréhension du temps, de l'urgent et de l'important s'est vite profilée dans les échanges.
La matrice du temps mise au point par le général devenu président des Etats Unis, Einsenhower distinguait subtilement quatre cadrans : l'urgent -non important, l'urgent- important, le non important -non urgent et enfin l'important-non urgent. Plusieurs spécialistes de la gestion du temps dont le consultant coach américain, Stephen Covey, auteur remarqué de "priorité aux priorités" ont tous reconnu que ceux qui savent gérer leur temps privilégient le quatrième cadran, l'important-non urgent. En effet, c'est celui qui témoigne d'une capacité d'anticipation et surtout d'une bonne prise en considération des priorités qu'il a fixées avec lui-même. Par opposition, celui qui ne vit que par l'urgent-important, signifie une forte gestion du stress au quotidien. Bien que cette conception ait survécu plus d'un demi siècle, elle mérite d'être enrichie par une autre approche, celle des POUX. Oui, je parle bien de POUX dans la gestion du temps. Explication des 4 lettres.
P comme priorités. Rappelez vous l'histoire des gros cailloux (1). Si je ne mets pas mes gros cailloux d'abord dans mon planning hebdomadaire ou quotidien, j'aurais du mal ensuite à les caser entre le gravier, le sable et l'eau. Qu'est ce qui est prioritaire pour moi dans ma semaine à venir ? demain ? Dans ce sens, mes gros cailloux révèlent aussi mes valeurs profondes dans ma vie .
O comme opportunité. Dans tout échange, tout contact, y compris dans ceux qui peuvent me paraître contraignants ou relever de l'imprévu, j'ai peut être une idée à saisir, une piste à entendre, une interpellation sur moi-même à accueillir...Nos voleurs de temps peuvent devenir nos révélateurs de la gestion du temps. Qu'est ce qui fait que j'ai eu tendance à "expédier " M x qui n'avait pas pris rendez vous et qui me coupait dans mes élans ? Et heureusement, je me suis repris pour entendre sa demande, son besoin de soutien qui n'était pas très explicite au début. Dans ma propre expérience, j'ai parfois remarqué que ce n'est pas parce qu'un contact se révèle difficile au début (difficulté de contact téléphonique, l'interlocuteur étant souvent peu disponible, ...) qu'il faut " lâcher l'affaire". Au contraire, la persévérance démontre aussi ce à quoi je tiens et quand le contact est enfin établi, il y a déjà autre chose, façonné par ces allers-retours précédents.
U comme urgent. Reste à redéfinir l'urgent. Est ce l'urgent de ma hiérarchie qui me contraint en fin de journée à traiter rapidement un dossier pour le lendemain, dossier qui aurait pu être anticipé ? L'urgent des autres qui me retombe dessus. Ou encore l'urgence que je me "colle" à moi-même faute d'avoir suffisamment programmé à l'avance une plage de temps pour traiter telle sollicitation ou tel dossier. Est ce aussi moi-même qui me met de l'urgent pour me mettre une pression apte à mobiliser toute mon énergie ? Vous avez compris qu'il y a des variétés d'urgence. La seule qui apparaisse universellement légitime, c'est celle qui intervient pour sauver des vies : le pompier, l'urgentiste du SAMU...Cependant, une participante au stage, médecin me précisait que même les urgentistes prennent un petit temps entre eux sur un lieu d'accident pour bien coordonner leur intervention et la rendre la plus efficace. Ne pas confondre vitesse, urgence et précipitation !
X comme x dossiers ou affaires à traiter. Quelle est ma capacité journalière ? Suis je du style à me donner plus que je ne peux assumer ? Quitte à me noyer dans la pile de dossiers sur le bureau ? J'aime bien raconter l'histoire de ce président d'une grande association que j'avais rencontré au début de ma carrière. Son bureau était vide, dégagé de tout dossier. Quand j'ai évoqué un sujet avec lui, il s'est tranquillement levé, a ouvert son armoire à rangement vertical, et a sorti le dossier en question. Devant mon regard perplexe, il m'a simplement dit : " Oui, j'ai appris, pour sortir de l'encombrement du cerveau, à ne voir qu'un dossier à la fois. Dans mon quotidien, et sur mon bureau , il n'y a qu'un dossier, celui que je traite." Belle sagesse qui peut interroger tous ceux et celles dont le bureau déborde de piles de dossiers rangés ou non. Mais objection, votre honneur. Est ce qu'un bureau vide de dossier ne risque t'il pas d'être interprété comme le bureau de celui qui n'a pas grand chose à faire ! C'est la remarque de plusieurs stagiaires. Et, à l'autre extrémité, que témoigne un bureau chargé, surchargé ?
Alors et vous mêmes, cher lecteur (trice), comment gérer vous vos poux chaque jour ? Comment faites vous le grand nettoyage par jour, par semaine, au printemps, de la quantité d'informations qui s'accumule, gangrène vos dossiers, vos boîtes électroniques, vos bureaux et qui peuvent encombrer, voire asphyxier votre cerveau au fil des jours...
Dans les multiples conseils relatifs à la gestion du temps, j'ose vous en suggérer trois qui m'ont permis pour ma part de vivre plus sereinement dans ma tête et dans mon quotidien.
la règle des 5 secondes. Si le traitement d'une question, d'une sollicitation, la réponse à un courriel vous réclame moins de 5 secondes, faites le immédiatement. C'est ainsi éliminé et votre cerveau adore l'élimination !
la règle des 30 secondes. Avant de me jeter corps et âme sur un dossier un peu complexe, je prends 30 secondes pour me dire mentalement ( écrire si besoin) quelles sont les étapes par lesquelles il me parait opportun de passer pour arriver à la conclusion.
la visualisation de la tâche achevée. Avant de commencer une tâche, voir déjà la tâche terminée, le rapport bouclé, l'intervention prête, le diaporama fini. Oui, voir vraiment le produit final. Quel effet ? Tester et vous verrez. D'abord, c'est un bon stimulus pour démarrer la tâche surtout si elle fait partie du lot des tâches à faible degré de motivation. Deuxièmement, cette visualisation donne à voir, donc stimule notre cerveau et l'oriente positivement.
Enfin, que cette gestion des poux ne vous gratte pas trop la tête ! Vous l'avez bien saisi. La vocation de règles, des réflexes ou encore d'habitudes de gestion du temps sont efficaces seulement si elles aident réellement notre cerveau à mieux gérer, digérer l'information et à vivre une alternance équilibrée de temps de respiration au cours de la journée. Aussi, un dernier conseil, notre cerveau étant constitué de 80% d'eau, donc buvez, buvez régulièrement tout au long du jour . A votre santé !
(1) dans la rubrique petites histoires de ce blog.