A l'occasion des journées européennes du patrimoine, ce week-end, j'ai l'honneur de demander officiellement à l'UNESCO l'inscription au patrimoine mondial de l'humanité d'une richesse millénaire souvent oubliée : la méditation. En effet, depuis ce début de XXIème siècle, elle fait l'objet d'une re-découverte étonnante.
Quelle religion ou courant religieux peut-il réellement revendiquer d'être le berceau de la méditation ?
Le bouddhisme, inspiré d'un homme de 30 ans au VIème siècle, le bouddha, prend son origine dans la pratique méditative de cet homme trouvant ainsi remède contre les détresses humaines de son époque. Plusieurs courants partant de l'Inde ont émergé au cours de l'histoire. Le bouddhisme thibétain incarné par la haute figure charismatique du Dai-Lama en est un des plus connus. Deux piliers caractérisent cette forme de méditation en silence et si possible en position assise de lotus : le Samatha et le Vipassana.
Le Samatha signifiant "tranquille, paisible" vise à calmer l'agitation du mental par la focalisation de l'attention sur un point d'ancrage : la respiration avec ses deux temps l'inspire et l'expire ou encore la flamme d'une bougie. Le deuxième pilier, le vipassana ou "vision pénétrante" conduit progressivement le méditant à percevoir les choses, les êtres tels qu'ils sont et non tels que l'on souhaiterait qu'ils soient. C'est aussi l'art de l'observation intérieure de ses pensées, ses émotions, ses images tout en gardant une forme de détachement. Le méditant peut être comparé à un observateur sur le bord d'un rivière . Il observe le flux ininterrompu de la rivière avec ses pensées, obsessions, soucis sans se laisser hâpé par eux.
Le taoisme, vieux de près de 2000 ans avant l'ère chrétienne, a inspiré la médecine chinoise et diverses approches faisant appel au Chi ou énergie vitale telles que le Tai chi-chuan ou le Qi gong. Certaines pratiques taoîstes invitent le pratiquant à travailler sur la circulation de l'énergie vitale et le souffle en prenant une posture d'assise immobile.
L'hindouisme, à la frontière entre un courant religieux et des écoles philosophiques, a conduit à la création d'ashram, lieux de ressourcement autour d'un gourou et notamment en utilisant la pratique du yoga. Et il est assez amusant de constater que les professeurs de yoga en France reviennent doucement à des pratiques d'assise et de méditation , notamment en fin de cours.
Et puis, n'oublions pas la pratique méditative, née dès le IVème siècle, des pères de l'Eglise chrétienne d'orient car en fait elle a été mise en sommeil durant plusieurs siècles. Dans les années 80, le moine bénédictin anglais, John Main, à travers une initiation à la méditation chez un swami indien, puis la redécouverte des écrits du moine d'orient Jean Cassien, a remis au "goût du jour" une pratique d'assise méditative. Tout en partageant les fondamentaux de la méditation , l'assise, le silence et l'immobilité "souple" du corps en laissant passer les pensées comme des nuages dans le ciel, elle s'en distingue par l'invitation au méditatnt de prononcer intérieurement un mot sacré, marathana qui signifie en araméen, "viens Seigneur Jésus". John Main explique que la répétition douce de ce mot durant une méditation quotidienne de 30 minutes irrigue une présence à soi, une présence à Dieu sans intermédiaire, sans chercher à penser Dieu, à penser à des images, mais simplement à être .
En marge de cette méditation incarnée dans des religions, rappelons que Jon Kabat-Zinn, professeur en biologie moléculaire aux Etats Unis, s'inspirant de la pratique méditative bouddhiste, a conçu un programme d'initiation de 8 semaines accessible à tous. Cette proposition dénommée MBSR ( Mind Based Stress Réduction) ,s'inscrivant dans ce que l'on appelle aujourd'hui la mindfullness ou méditation de pleine conscience, n'a finalemnet rien inventé. Sa grande qualité a été de donner lieu à des études scientifiques validant des effets positifs chez les méditants en matière de réduction du stress, d'augmentation des anticorps ou encore de plus grande stabilité émotionnelle face aux chocs de la vie.
Bref, si la méditation de pleine conscience très médiatisée depuis quelques années a permis de nous faire redécouvrir les vertus du silence habité dans la présence à l'instant, elle confirme (avec l'histoire rapidement évoquée de la méditation), que celle ci ne saurait être rattachée à un courant religieux en particulier. La méditation par essence est universelle, elle ne se laisse pas enfermée dans un dogme, une croyance, ou une culture. Elle appartient à notre patrimoine historique, n'a pas perdu sa saveur, au contraire, dans une société hâpée par la vitesse, le toujours plus vite, elle nous redit sans mot :
" Prend le temps de te poser, prend le temps de respirer,
prend le temps d'être là avec toi."